L'IA aux lycées : un outil pervers

Gabriel Attal au salon Educatech Expo, porte de Versailles à Paris, le 16 novembre 2023 ©AFP - Serge Tenani
Gabriel Attal au salon Educatech Expo, porte de Versailles à Paris, le 16 novembre 2023 ©AFP - Serge Tenani
Gabriel Attal au salon Educatech Expo, porte de Versailles à Paris, le 16 novembre 2023 ©AFP - Serge Tenani
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Le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, veut développer le recours à l’intelligence artificielle. Ça n’a rien d’anodin.

« La machine aide l’élève et l’élève aide la machine ». C’est le slogan du patron qui a remporté l’appel d’offres de l’Éducation nationale, lancé d’ailleurs avant l’arrivée de Gabriel Attal.

Il a le sourire. Forcément son logiciel « MIA seconde » sera, dès le mois prochain, proposé dans certaines académies, avant une généralisation pour les 800 000 élèves de Seconde en septembre.

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Des exercices qui s'affinent, à la maison

De quoi s’agit-il ? D’une application qui commence par un quizz en français et mathématiques. Elle détecte vos lacunes, vous propose ensuite une série d’exercices, à l’infini. Ça c’est la partie : « la machine aide l’élève » et je cite : « elle capte plus de signaux qu’un enseignant ». Et puis « l’élève aide la machine » parce que selon le temps qu’il a vous fallu, la manière dont vous répondez, vos scores. Les exercices s’affinent. Vous faites ça à la maison. Évidemment, pas question, pour l’instant, de remplacer les heures de cours : « ce n’est que du soutien facultatif » répète le ministère.

« Concernant l'usage des écrans à la maison, nous sommes proches d'une catastrophe sanitaire et éducative chez les enfants et les ados ». Rappelez-moi quel est le ministre qui a dit ça il y a 2 mois ? Gabriel Attal. Le même qui dans son dossier de presse « choc des savoirs » a validé cette phrase : « Les outils numériques permettent d’augmenter l’attention et l’engagement de chaque élève par le biais de contenus ludiques ». Et un peu plus loin : « La France sera le premier pays au monde à généraliser à titre gratuit l’usage d’une IA à tous les élèves d’une classe d’âge pour accompagner leur progression scolaire ». Rappelez-moi dans 5 ans. À mon avis, ça va faire des étincelles cette affaire.

Un logiciel n’a jamais tendu la main à personne

Il peut réaliser un accompagnement individuel, en aucun cas personnel. Pour cela, il faut des personnes (vous savez) dotée d’une vraie intelligence, d’émotions, d’un regard, d’une écoute. Ce qui permet de reprendre confiance, de se sentir soutenu et non isolé face à l’écran. On va me répondre : « Mais bien sûr, ça ne remplacera jamais les enseignants, ce n’est qu’un outil complémentaire ».

Un outil pervers qui installe peu à peu l’idée que la machine est meilleure, que la transmission peut passer par des algorithmes, et que la notion d’efforts appartient au passé : tout est ludique, c’est magique. L’humain s’efface peu à peu car il est moins performant. Le plus efficace est forcément le meilleur. C’est la logique de la « start-up nation ». La politique guidée par les chiffres, comprenez : l’effacement du politique.

En 2027, Emmanuel Macron veut que la France ait « 10 ans d’avance » sur l’intelligence artificielle. C’était dans ses vœux dimanche. Moi, je plaide pour « 10 ans de recul » avant de foncer dans nos écoles.

II faut, face à des jeunes gavés d’écrans dès 3 ans, démystifier le tout-numérique, proposer le plus de concret, de réel, de naturel possible. Former, d’abord, nos profs à ces outils, leur dire toute notre reconnaissance plutôt que de sous-entendre leurs incompétences. Prendre le temps de développer son propre logiciel, comme les gendarmes, plutôt que d’enrichir une start-up. Je pensais que les Scandinaves étaient des modèles ? La Suède vient de renoncer aux écrans, de ressortir les cahiers. Et moi, je vous promets : je n’ai pas fait appel à Chat GPT.

Une semaine dans leurs vies
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