La pédagogie à l'heure de l'intelligence artificielle : comment les enseignants se forment

Ces machines algorithmiques, nourries de milliards de données, sont capables de générer des contenus de plus en plus précis, de résoudre des problèmes. Pour certains, elles sont source de progrès, pour d'autres elles sont inquiétantes parce qu'elles menacent de remplacer les humains dans certaines tâches. Les enseignants eux, sont aux premières loges. Une vingtaine d'entre eux viennent de suivre une formation sous la houlette du réseau Canopé en Seine Saint Denis. Quelles applications pour leur pédagogie, comment créer des contenus d'apprentissage, comment les évaluer et en rester maitre ? Autant de questions qui ont animé cet atelier.

Peu de novices dans la salle. Les participants sont en terrain de connaissance. Tous ou presque ont testé les intelligences artificielles. "Beaucoup" répondent la plupart des stagiaires, essentiellement des référents numériques de l'Éducation nationale. Christelle par exemple, spécialisée dans l'informatique, forme des enseignants sur Pantin et Romainville. "Je vois des collègues qui sont très frileux et qui disent que cela ne les concerne pas", constate t-elle. "Mais moi j'ai une grande famille - cinq enfants, quasiment tous étudiants. Et je les voyais l'utiliser. Je me suis dit : en fait, je suis en train de passer à côté de quelque chose. C'est ça qui m'a poussé à me demander comment l'utiliser, pour comprendre et savoir ce que mes enfants faisaient. Finalement, si c'est utile..."

"Comme les élèves qui arrivaient avec 40 pages de Wikipédia imprimées"

Elle s'en sert comme d'un super assistant pour améliorer son style, pour organiser ses plans de formations. Frédéric aussi, mais pas plus que ça. Il est lui référent numérique sur la ville de Bondy. "Je souhaite", affirme t-il, "que ça reste un outil et que ça ne devienne pas quelque chose qui prenne notre place indirectement, sur nos façons de penser et de construire." Comment sont alimentées les IA, par qui ? Quelle est la véracité de leurs contenus ? Frédéric a également poussé le débat dans cette session. Parce qu'il voit notamment beaucoup d'ados produire des choses avec, et ne pas aller chercher du tout ailleurs. "Il prennent ça pour argent comptant", regrette t-il. "Nous qui avons connu le début d'internet, ça nous fait penser aux premières fois où l'élève arrivait avec 40 pages de Wikipédia imprimées."

C'est précisément le rôle des éducateurs (à l'intelligence humaine) d'éviter que les élèves consomment répond Franck Bodin du réseau Canopé : "Si on n'accompagne pas l'élève pour lui expliquer comment il peut interagir de manière riche avec la machine, tester ses connaissances avec elle, il va déporter la tâche vers la machine. Il y a effectivement des éléments à lui donner pour qu'il ne soit pas dans une démarche de consommer l'intelligence artificielle". Il ajoute : "si vous savez à peine conduire, demain vous n'allez pas piloter une voiture de course, parce que vous ne saurez pas faire".

Franck Bodin reste convaincu que l'intelligence humaine est faite des interactions avec le monde physique et sensible. L'IA générative est elle entrainée sur des images figées et sur du texte, mais pas sur une expérience du sensible. Et c'est pour lui ce qui fait encore la différence, à l'avantage de l'humain. L'intelligence artificielle peut manifestement aider les enseignants... Tant qu'ils en restent maîtres.