Ventes aux enchères

VENTES PUBLIQUES

Les enchères en France ont baissé de 15 % en 2023

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2024 - 831 mots

Le chiffre d’affaires (CA) des dix premiers opérateurs, qui représentent 70 % du CA total, a chuté dans son ensemble.

France. Avec un chiffre d’affaires cumulé de 1,3 milliard d’euros (frais compris mais hors TVA*), le volume total de ventes des dix premiers opérateurs en France est en baisse de 15 % par rapport à 2022 – année record qui avait atteint 1,5 milliard d’euros – mais en hausse de 25 % par rapport à 2019. « Nous revenons à une situation normale pré-Covid. Terminés les effets de rattrapage », analyse Cécile Verdier, présidente de Christie’s France.

Cette année, c’est Sotheby’s qui arrive en tête du classement avec 419 millions d’euros – damant le pion à Christie’s – soit « une nouvelle année historique, avec l’un des plus hauts montants pour la maison en France », se félicite Mario Tavella, président de Sotheby’s France. Alors que l’an dernier, toutes les maisons de ventes du Top 10 (sauf une) avaient enregistré une progression – et pour certaines d’entre elles, une année historique –, en 2023, quatre seulement annoncent une croissance comprise entre 8 et 27 %. Il en va ainsi de Bonhams - Cornette de Saint-Cyr, Ader (dans sa 19e année de croissance), Piasa (la plus forte hausse du classement) et Tajan, qui ferme la marche. C’est aussi le cas de l’hôtel Drouot qui gagne 4 %, passant de 349 à 364 millions d’euros. Les six autres opérateurs affichent une baisse comprise entre 1,5 % et 45 % (Aguttes, qui enregistre la plus forte chute, passant de la 6e à la 8e place). À l’instar de Sotheby’s, plusieurs limitent la casse comme Osenat, qui maintient son chiffre d’affaires, Artcurial, qui conserve la 3e place ou Millon qui perd une place.

Le contexte a changé

« Vu de sa canopée idyllique, le marché de l’art semble diaboliquement capable année après année de faire repousser records et collections. Mais les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et il est bien possible que 2023 ait amorcé ce léger fléchissement annoncé à tort depuis trois ou quatre ans », constate le commissaire-priseur Alexandre Millon. Ce « léger fléchissement » serait dû à plusieurs facteurs. La situation géopolitique, l’inflation, les taux d’intérêt élevés et le tassement de l’économie chinoise ont fini par affecter le monde des enchères en France. Le recul de 37 % de Christie’s – dont le résultat global est de 311 millions d’euros contre 492 l’an dernier – a indéniablement pesé dans la balance. En effet, si la maison de ventes de François Pinault avait maintenu son chiffre de 2022, le CA du Top 10 aurait stagné et non baissé. C’est pourtant elle qui peut s’enorgueillir des deux lots les plus chèrement adjugés cette année en France : Peinture (Femmes, lune, étoiles), 1949, de Joan Miró, resté à l’auberge la Colombe d’Or près de Saint-Paul-de-Vence depuis 1950 (20,7 M€) et Rhinocrétaire I, une pièce unique de François-Xavier Lalanne de 1964 (18,3 M€). Rareté et provenance continuent de faire la différence.

Top 10 des opérateurs de ventes volontaires en France en 2023 © Le Journal des Arts
© Le Journal des Arts

Mais comme le souligne Cécile Verdier, « aujourd’hui, le contexte n’est plus le même, rendant les acheteurs plus prudents, tout comme les collectionneurs, qui ont plus de réticences à confier certaines œuvres », et d’ajouter : « c’est aussi la prudence de nos experts par rapport aux vendeurs. » En effet, après ces deux années d’euphorie, les vendeurs étaient désireux de se séparer de leurs pièces mais aux prix qui étaient ceux de 2021 et 2022. « Or nous savions qu’il fallait que les estimations restent sensées alors, dans certains cas, nous avons décidé de ne pas suivre le vendeur. »

Moins de collections prestigieuses mises en vente

Cette prudence a eu pour conséquence que moins de collections importantes sont venues sur le marché par rapport à 2022. En 2022, Christie’s avait dispersé celle d’Hubert de Givenchy, qui avait récolté 118 millions d’euros tandis que Sotheby’s avait vendu celle de la famille Al Thani de l’hôtel Lambert (77 M€). En 2023, aucune collection n’a dépassé les 40 millions d’euros : il y a eu celle de Pauline Karpidas (36 M€) et celle d’Hubert Gerrand-Hermès (31 M€) chez Sotheby’s ou encore la collection Titze (28 M€) chez Christie’s.

Mêmes conséquences sur le nombre de lots mis en vente – Artcurial a ainsi organisé 121 vacations cette année contre 132 l’an dernier quand Christie’s a mis sur le marché quelque 2 000 lots en moins – et même constat pour les enchères multimillionnaires, moins nombreuses (à titre d’exemple, 9 à Drouot contre 12 l’année dernière) et moins hautes (20 millions maximum contre 27 millions d’euros).

Cette frilosité qui atteint le marché confirme ce qu’avait indiqué le 10e rapport « Art Basel & UBS Survey of Global Collecting » : les riches collectionneurs ont ralenti leurs achats en 2023, la part de leurs investissements consacrés aux œuvres d’art étant tombée à 19 % contre un pic de 24 % en 2022. Par ailleurs, et ce n’est pas très rassurant pour la suite, seulement 26 % des collectionneurs (contre 39 % en 2022) prévoient de vendre des œuvres de leur collection au cours des douze prochains mois.

(*) Comme tous les montants indiqués dans le texte

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°624 du 5 janvier 2024, avec le titre suivant : Les enchères en France ont baissé de 15 % en 2023

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