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« J’étais dans le film », sur France Inter : nous, spectateurs de nos vies au cinéma

Dans un podcast passionnant, Christine Masson invite les membres de neuf professions à commenter la façon dont leur métier est représenté sur grand écran.

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Publié le 10 janvier 2024 à 18h30

Temps de Lecture 3 min.

Bastien Bouillon, Paul Jeanson, Théo Cholbi, Johann Dionnet et Mouna Soualem dans « La Nuit du 12 » (2022), de Dominik Moll.

FRANCE INTER – À LA DEMANDE – PODCAST

D’emblée, prévenir : l’écoute de ce podcast présente un risque. Celui de se voir le commencer pour se retrouver, neuf heures plus tard, complètement galvanisé et avec une envie folle de (re) voir certains films mentionnés, et peu importe que vous soyez ou non cinéphiles.

Soit donc Christine Masson, coproductrice de l’émission « On aura tout vu », sur France Inter. Pour éclairer La Nuit du 12 (2022), de Dominik Moll (histoire d’une enquête irrésolue sur un féminicide, largement récompensé aux Césars 2023), elle invite Jean-Michel Lemoine, patron de la criminelle à Bruxelles. Ce dernier lui confie avoir ressenti une grande proximité avec ce flic fictionnel : « C’est comme si j’étais dans la pellicule ! »

De là, l’envie de creuser le sujet et de l’élargir à d’autres professions avec, en fond sonore, quelques extraits de films emblématiques (Christine Masson nous avouera en avoir revu soixante-dix pour l’occasion !), et quelques essentielles questions : « Que recherche-t-on dans un film ? Une autre lecture de nos vies ? Et comment y sommes-nous représentés par ce qui nous définit le plus souvent : notre métier ? »

Valeur documentaire

Ce sont les flics qui ouvrent la série. Alors que l’on entend des extraits de Quai des Orfèvres (1947), de Henri-Georges Clouzot, et de Garde à vue (1981), de Claude Miller, Jean-Michel Lemoine évoque la « puissance documentaire » de L.627 (1992), de Bertrand Tavernier. Adjointe au chef d’état-major de la direction centrale de la police judiciaire, Sandrine Desliard dit ne pas se retrouver dans les films américains, notamment parce que les procédures sont trop différentes de celles qui existent en France. Pas plus que dans la comédie de Claude Zidi (Les Ripoux, 1984), « parce que cet état de corruption de la police ne reflète pas mon vécu », assure-t-elle.

A l’épisode suivant, les trois enseignants interviewés reviendront sur Le Maître d’école (1981), de Claude Berri, et Entre les murs (2008), de Laurent Cantet, quand le troisième épisode, sur les médecins, convoque largement les films de Thomas Lilti (Médecin de campagne, Première année et Hippocrate). Si l’anesthésiste-réanimateur Arnaud Chiche parle de plus beau métier du monde, il s’interroge, en revanche, sur la capacité de ces films à susciter des vocations, tant ce qui est montré est, objectivement, peu désirable. Peu désirable ou peu réaliste, comme La Famille Bélier (2014), le film d’Eric Lartigau, dont se moque gentiment la famille d’agriculteurs interrogée à l’épisode suivant.

Lire le portrait (2020) : Article réservé à nos abonnés Arnaud Chiche, l’anesthésiste qui réveille le monde des soignants

D’ailleurs, ce qui est troublant et commun à tous les épisodes, c’est à quel point les uns comme les autres aiment les films non d’abord ni même principalement comme objet fictionnel dont il faudrait saluer (ou non) le geste artistique, mais pour leur réalisme, leur valeur documentaire. Difficile en ce sens pour le grand reporter Nicolas Poincaré de trouver un long-métrage qui arrive à dire l’attente qui est aussi le lot des journalistes.

Ouvriers, écrivains, juges

L’épisode 6 est consacré aux ouvriers, lesquels trouvent trop rares les films qui les représentent. Après les écrivains Lola Lafon et Tanguy Viel (épisode 7), Pascal Gand, qui préside à Marseille la chambre correctionnelle de la criminalité organisée, a choisi Douze hommes en colère (1957), de Sidney Lumet, Au nom du peuple italien (1971), de Dino Risi, et Les Bonnes Causes (1963), de Christian-Jaque, pour rappeler quelques fondamentaux : un juge d’instruction passe beaucoup de temps à étudier les dossiers, et, « c’est vrai, c’est une passion assez débordante ».

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Après les juges et les avocats, le dernier épisode convoque deux cinéastes : Michel Hazanavicius et Rebecca Zlotowski. Cette dernière a choisi d’évoquer Les Anges exterminateurs (2006), de Jean-Claude Brisseau, lequel fut son professeur. Pour elle, ce film est « un plaidoyer pro domo qui commente la condamnation dont le réalisateur a été victime en 2005 [pour le harcèlement sexuel de deux jeunes actrices] ».

A l’heure d’une « prise de conscience collective de la violence et de la prédation qu’il peut y avoir sur un plateau », elle (s)’interroge avec une honnêteté intellectuelle rare : « Quelle est cette zone dans laquelle il peut y avoir le désir pour les acteurs et les actrices de faire partie d’un projet et quel est le positionnement d’un metteur en scène qui pourrait en abuser ? (…)  J’ai la sensation, en tant que spectatrice, qu’il raconte au premier degré quel est son travail. »

Et c’est ainsi que, à peine a-t-on fini de « binger » ce passionnant podcast dans lequel tous, sous couvert de commenter les films, se livrent à cœur ouvert, on se met à rêver d’une saison 2 : « J’étais dans la série. »

J’étais dans le film, série de Christine Masson réalisée par David Leprince (Fr., 2023, 9 × 47 min). Sur France Inter et toutes les plates-formes d’écoute habituelles.

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