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À l’école, la laborieuse mise en place des 30 minutes de sport obligatoires par jour

Les écoles reçoivent des kits dans lesquels sont fournis des cerceaux, dans le cadre du dispositif instaurant 30 minutes de sport par jour à l’école primaire (Photo d’illustration).
Les écoles reçoivent des kits dans lesquels sont fournis des cerceaux, dans le cadre du dispositif instaurant 30 minutes de sport par jour à l’école primaire (Photo d’illustration). DAMIEN MEYER / AFP

Mise en place à la rentrée 2022, l’application de cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron, qui veut bâtir une «nation sportive» en vue des Jeux olympiques de Paris 2024, s’avère poussive voire inutile, pointent les syndicats.

Gants de boxe sur l’épaule, Emmanuel Macron, en maillot de la Fédération française de boxe, affirme une nouvelle fois que «le sport» est la «grande cause nationale» de l’année 2024. Et notamment «le sport à l’école». «On a mis [en place] les 30 minutes de sport obligatoire pour tout le primaire et plus de sport au collège. Je vous invite tous à faire 30 minutes chaque jour au moins de sport», exhorte le président de la République devant un sac de frappe suspendu légèrement en train de se balancer, dans une vidéo publiée sur son compte X (ex-Twitter) le 8 janvier, à deux cents jours du début des Jeux olympiques de Paris.

Depuis septembre 2022, les élèves des écoles primaires doivent en théorie faire une demi-heure de sport par jour. Une promesse de campagne du candidat Macron, qui avait à l’époque promis de faire de la France une «nation sportive». Au-delà du projet politique, l’enjeu de santé publique est réel, alors que 17% des enfants français sont en surpoids et qu’ils ont perdu 25% de leurs capacités cardiovasculaires en quarante ans. Mais la mise en application concrète du dispositif se révèle laborieuse et ses résultats, mitigés.

Un dispositif «concurrentiel» à l’EPS

La mesure concerne les 36.250 écoles primaires de l’Hexagone. À la rentrée 2023, 80% à 85% des établissements étaient «engagés dans le dispositif», détaille le ministère de l’Éducation nationale au Figaro, qui ne précise pas dans quels départements ou régions le dispositif est en souffrance. Les écoles reçoivent des kits - dans lesquels sont par exemple fournis des cerceaux, des cordes à sauter, des balles ou des mini-haies - financés par le ministère des Sports, l’Agence nationale du sport et le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop). «L’attribution de ces kits est toujours en cours (...) L’ensemble des écoles élémentaires les auront reçu d’ici juin 2024», précise la rue de Grenelle.

Las, la première difficulté pour les professeurs vient du fait qu’aucun créneau n’a été consacré dans les journées des enfants à la pratique de ces trente minutes d’activité physique par jour. Si Jérôme Vandenabeele, directeur de la Fédération sportive scolaire de l’école publique (Usep) salue un dispositif «qui participe au développement de la santé» des élèves, il regrette que ce dernier soit «concurrentiel à l’EPS». «Les professeurs ne savent pas sur quel temps le mettre en place. Il y a quand même des écoles qui le mettent en place tout en maintenant l’EPS, mais en dehors du temps scolaire, c’est-à-dire pendant les récréations ou la pause méridienne», poursuit le directeur de l’Usep.

À ce manque de temps s’ajoutent un manque de moyens et une formation lacunaire des professeurs des écoles. Cette dernière, soulignait un rapport parlementaire, «est moins centrée sur la pratique sportive que sur la connaissance didactique».

«Des enfants qui gigotent sans apprendre»

Mal organisé selon les syndicats, le dispositif est-il vertueux pour les élèves ? Si les professeurs ne remettent pas en cause les effets immédiats sur leur santé, ils regrettent un dispositif pauvre et vide de sens. «Pour caricaturer, dans certaines écoles, les élèves font des montées de genoux dans la cour de récréation. Ce sont des enfants qui gigotent sans apprendre. Or, les élèves ont besoin que ça ait du sens, ce qui n’est pas le cas actuellement», juge Coralie Benech, co-secrétaire générale du Syndicat national de l'éducation physique (Snep-FSU), qui revendique 10.000 syndiqués sur les 35.000 professeurs d'éducation physique et sportive (EPS) de l'enseignement public.

Jérôme Vandenabeele, qui qualifie la mesure de «court-termiste», ajoute : «Pour que ce soit réellement efficace, il ne s'agit pas simplement d'avoir une agitation musculaire. Il faut mettre en place les conditions pour qu'un enfant inscrive le sport dans sa vie d'adulte. Cette mesure défendue par les politiques ne permet pas de fidéliser les élèves au sport.»

«Le sport à l'école n'est pas une priorité»

«C'est une mesure d'affichage et de communication. Car sur le terrain, on voit que le sport à l'école n'est pas une priorité», tempête Coralie Benech. «Ce que nous demandons, c'est plus d'EPS et non pas trente minutes de sport ou d'activité physique», poursuit-elle. Le débat sémantique est important. Il faut distinguer l'EPS, une discipline scolaire obligatoire de trois heures par semaine dispensée par des professeurs des écoles, de l'activité physique quotidienne promue par Emmanuel Macron qui s'inscrit dans l'école et qui doit être mise en œuvre par un professeur.

Selon ces définitions, c’est donc cinq heures en quatre jours et demi de classe que doivent effectuer les élèves de primaire. Une hypothèse confirmée en juillet dernier dans un rapport d'information parlementaire. «Les 30 minutes d'activité physique quotidienne [sont] complémentaires des trois heures hebdomadaires d'EPS», notaient le député Renaissance Stéphane Mazars et le député communiste Stéphane Peu. Ces derniers jugeaient d’ailleurs les trois heures d'EPS au primaire «très insuffisantes». Dans un rapport publié en septembre 2019, la Cour des comptes relevait d’ailleurs que «l'instruction de [cette matière] n'est effective que partiellement, les trois heures prévues au programme n'étant de façon générale ni effectuées totalement, ni contrôlées».

Coralie Benech conclut : «Considère-t-on l'activité physique et sportive comme une matière fondamentale ?» En août 2021, le ministre de l’Éducation d’alors, Jean-Michel Blanquer, avait provoqué l’ire de nombreux sportifs après avoir lié dans un tweet les succès des équipes de France aux Jeux olympiques de Tokyo à la «qualité de l’enseignement» du sport «à l’école». «Notre culture sportive à l'école est désastreuse. Si mes coéquipiers et moi-même sommes arrivés à l'élite de notre sport, c'est grâce aux associations sportives, aux clubs, aux bénévoles mais en aucun cas grâce à l'école», avait tancé le basketteur Evan Fournier.

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10 commentaires
  • Gentianeww

    le

    cette histoire de 30mn de sport quotidien est difficile à tenir . Mieux vaut deux heures deux fois par semaine , apprentissage sérieux de la natation etc..

  • Carduelis

    le

    Déjà si on rendait possible l'apprentissage de la natation, ce serait un pas de géant. Mais toujours des annonces tonitruantes comme un slogan de publicité ... Vraiment il n'a rien d'autre à dire ?

  • Dantès

    le

    Il faudrait déjà que les profs de gym dans les collèges donnent l’exemple et qu’ils se bougent plutôt que d’aboyer des ordres assis sur une chaise…

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