Quand l’intelligence artificielle s’invite au programme des écoles de commerce

REPORTAGE - Prochaine révolution professionnelle, l’intelligence artificielle rentre déjà dans les écoles. Un nouveau champ exploré par le cours d’Alain Goudey, à Neoma.

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Cours d’Alain Goudey, à Neoma, le 21 novembre. « Il faut emmener les étudiants vers un bon usage de l’IA dès maintenant, en les poussant à développer un esprit critique et éthique », précise le professeur de marketing.

Avec ses grands yeux verts, Buddy capte d’emblée l’attention des 70 étudiants du Mastère spécialisé Marketing & data analytics. Mais la curiosité se transforme en déception lorsque le professeur de marketing doit répéter à trois reprises sa demande pour obtenir de ce robot doté d’une tablette en guise de visage une réaction, puis une réponse… fausse.

La question était pourtant facile : « Quelle est la date d’aujourd’hui ? » « Avouez que la communication ne marche pas très bien, sourit Alain Goudey, grand expert de la transformation numérique, en se retournant. Mais imaginez ce que cela deviendra quand il sera doté d’une IA générative ultraperformante capable de répondre à la plus pointue de vos demandes en une fraction de seconde. » Silence songeur dans l’assemblée.

Sortir du cadre

En attendant que Buddy se transforme en Einstein, plusieurs groupes défilent. Pour préparer ce cours, ils devaient imaginer un objet connecté et bâtir son modèle économique (étude de marché, coûts, monétisation…) en utilisant l’intelligence artificielle (IA) à chaque étape, notamment en lui demandant de simuler le point de vue d’une célébrité sur leur création. A Neoma, les 8 000 étudiants sont encouragés à tester activement des outils comme ChatGPT ou Claude, autre IA conversationnelle d’Anthropic. Des modules en ligne sont à leur disposition pour en comprendre le b.a.-ba.

Dans notre cours, tous les étudiants ont respecté les instructions. Un groupe s’est servi de l’IA afin de trouver des idées de noms et de solutions techniques pour son projet de poubelle intelligente, un autre a simulé l’avis du dalaï-lama sur son tapis de yoga augmenté, quand un autre encore a généré, grâce à Bing IA, une batterie de visuels promotionnels pour sa salle de classe connectée dédiée aux décrocheurs. Alain Goudey commente : « Regardez ces images : elles reflètent une vision très stéréotypée et assez nord-américaine d’une classe. Autorisez-vous à explorer d’autres solutions et à ne pas vous enfermer dans des réponses moyennes de l’IA et ses biais culturels. »

Apprendre le bon usage

Après la présentation d’un commentaire de Mike Tyson – emballé – sur une gamelle intelligente pour son tigre, le professeur cadre : « Quand je vous demande le point de vue d’une personnalité, c’est pour trouver des critiques, car c’est à partir d’avis négatifs que vous ajusterez votre projet. » Puis il projette des pistes de logo trouvées en quelques secondes par l’IA. « Elle vous permet d’abolir le syndrome de la page blanche et de gagner du temps, mais son adoption dépend vraiment de ce que vous en ferez. »

Selon un sondage réalisé avant le début du cours, 40 % des élèves affirmaient déjà utiliser naturellement l’IA générative dans le cadre de leurs études (devoirs, cas pratiques...). Mais seule une poignée en fait un usage poussé et itératif. Et pour cause. « Au bureau, je m’en sers parfois pour corriger une ligne de code. Rien de plus », détaille une alternante dans une agence conseil en data.

« Impossible de m’en servir, mon poste de travail est trop sécurisé », glisse une autre chez Chanel. « D’où l’importance de les emmener vers un bon usage dès maintenant, en les poussant à expérimenter, améliorer leurs prompts [courtes phrases énoncées pour générer une réponse de l’IA], développer un esprit critique et éthique, conclut Alain Goudey. Et donc des compétences utiles dans le monde du travail de demain. »