Ce jour-là, Pauline (le prénom a été modifié) a senti la menace à peine voilée. Professeure d’anglais dans un lycée de périphérie d’une ville moyenne, elle venait tout juste de rentrer les premières notes de sa classe de terminale sur le logiciel Pronote, quand une mère d’élève lui a écrit de la rappeler « en urgence ».
« Au téléphone, elle a commencé en disant qu’elle savait que j’étais prof TZR [titulaire mais sans poste fixe dans un établissement], donc en situation précaire, et qu’elle et son mari travaillaient dans l’éducation nationale, ce qui m’a d’abord semblé étrange, raconte Pauline. Puis elle a enchaîné en assurant que la note de son enfant était inacceptable et que je devais la modifier. » En prospectant auprès de ses collègues, désormais également habitués à ce type de « pressions », elle a pu vérifier que la note correspondait bien aux moyennes précédentes obtenues par le lycéen, et l’a maintenue.
Le dialogue avec les parents d’élèves, l’enseignante en était pourtant « très friande », précise-t-elle, considérant les marques d’intérêt de ces derniers pour l’école comme positives. « Répondre à des questions sur comment s’organisent l’enseignement et l’évaluation, c’était normal et même agréable. Sauf que, depuis quelque temps, le ton a changé. »
Les messages de certains parents, de simples questionnements, se transforment de plus en plus en récriminations virulentes, prenant parfois une tournure « très agressive ». Elle qui a commencé à enseigner en 2017, et a donc pu observer le passage à la plate-forme d’orientation Parcoursup, comme la réforme du bac, qui accorde une importance majeure au contrôle continu, constate que le climat scolaire se tend un peu plus chaque année sur le sujet spécifique de la notation.
« Chaque note est devenue un enjeu, avec des parents qui ont acquis la conviction que la moindre évaluation peut venir décider du destin entier de leur enfant et de sa poursuite d’études », observe Claire Guéville, secrétaire nationale responsable du lycée au SNES-FSU et professeure d’histoire-géographie près de Rouen.
Car, au-delà de la réussite au bac, c’est surtout la constitution du dossier pour Parcoursup qui est en ligne de mire pour ces parents. Un objet de stress dans un contexte où les places se font de plus en plus chères, en raison d’une pression démographique grandissante à l’entrée du supérieur. « Alors quand ils ont le sentiment qu’ils peuvent perdre de la distance dans cette vaste course, les parents peuvent vite se montrer virulents », note Claire Guéville.
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