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Inflation, JO et guerre des talents : les trois défis du spectacle vivant

Si le public a fait son retour en force dans les salles l'an dernier, le secteur reste soumis à de fortes contraintes financières. Le chemin pour s'en sortir reste étroit.

« Le public est devenu volatil, il n'existe quasiment plus d'artistes-repères qui garantissent des salles pleines. Compliqué pour amortir des spectacles sur longue durée ! » constate Aurélien Binder, directeur de Fimalac Entertainment.
« Le public est devenu volatil, il n'existe quasiment plus d'artistes-repères qui garantissent des salles pleines. Compliqué pour amortir des spectacles sur longue durée ! » constate Aurélien Binder, directeur de Fimalac Entertainment. (Sipa)

Par Martine Robert

Publié le 15 janv. 2024 à 18:03Mis à jour le 16 janv. 2024 à 21:05

C'est la grand-messe du spectacle. Les 17 et 18 janvier, les vingtièmes « Bis » de Nantes réunissent 15.000 professionnels du spectacle - venus échanger sur les séquelles laissées par la taxe streaming, la nouvelle ministre de la culture Rachida Dati, et surtout des défis de 2024, après la forte reprise observée en 2023.

« Le public est devenu volatil, il n'existe quasiment plus d'artistes-repères qui garantissent des salles pleines. Compliqué pour amortir des spectacles sur longue durée ! » constate Aurélien Binder, directeur de Fimalac Entertainment. « Les réservations très en amont ne concernent plus que les très grands noms », confirme Olivier Haber, directeur général de STS Evénements qui exploite La Seine Musicale à Boulogne-Billancourt.

Inflation bien ancrée

L'inflation des coûts (transport, hébergement, salaires, cachets des artistes, prestations techniques, sécurité, etc.) en revanche est bien prévisible. « Chaque représentation de Starmania a vu ses dépenses énergétiques croître de 500 à 1.000 euros selon les salles. Sur 80 à 100 représentations, l'impact est énorme ! » pointe le patron de Fimalac Entertainment, qui produit la comédie musicale.

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Dans le privé, difficile de répercuter cela sur les billets. « En France, les prix sont inférieurs aux autres pays européens. Cela s'explique par le poids du secteur subventionné. Les tarifs sont régulés par l'offre publique : au-dessus de 30-40 euros, il est difficile de vendre des places », souligne-t-il.

L'impact des JO

Du côté des théâtres parisiens, la paralysie culturelle qui risque de s'emparer de la capitale pendant les JO inquiète. « L'été à Paris, la moitié des théâtres privés restent ouverts et réalisent le quart de leur chiffre d'affaires annuel avec les touristes, les Parisiens sans enfants, les retraités et célibataires qui partent en décalé. L'autre moitié ferme pour travaux. Dans les deux cas, ils seront pénalisés car Paris ne sera pas praticable », déplore Caroline Verdu, présidente du Syndicat national des théâtres privés .

Les conséquences s'étendent jusqu'au Off d'Avignon où 100 lieux sur 140 ouvriront plus tard qu'à l'habitude, concurrence des Jeux oblige. Avec une semaine de visibilité en moins, de nombreuses compagnies habituées du festival sont dissuadées d'y venir.

Des productions Kleenex

Dans le secteur subventionné, d'autres problèmes pointent, avec une feuille de route donnée par l'ex-ministre de la Culture : « Mieux produire, mieux diffuser ». Cela fait suite à un rapport de la Cour des comptes pointant le faible nombre moyen de représentations d'un spectacle : 3,7 seulement dans un centre dramatique national et 2,3 dans une scène nationale ! Dans la danse, « c'est pire avec 700 spectacles créés par an, dont le quart joué une fois et seulement 2,3 % dépassant une durée de vie de cinq ans », selon Pierre Lungheretti, directeur délégué du Théâtre de Chaillot .

Une aberration. « Ce fonctionnement Kleenex n'est souhaitable pour personne. Il faut davantage mutualiser, se concerter sur les tournées. Mais nous craignons que la diversité en pâtisse », reconnaît Vincent Roche Lecca, coprésident du Syndicat national des scènes publiques.

De toutes les façons, les théâtres publics n'ont guère le choix, étant étranglés par l'inflation et la baisse de subventions des collectivités. « Nous observons une fonte de 25 % du nombre de spectacles proposés. Deux régions viennent encore d'annoncer des diminutions de leur budget culture. Il y a un risque que le mille-feuille de financements croisés des collectivités s'écroule », s'inquiète Vincent Roche Lecca.

Ces menaces touchent également les SMAC, les scènes de musiques actuelles subventionnées, qui jouent aussi un rôle majeur dans l'émergence de nouveaux artistes. « Il y a un vrai enjeu de financement des Smac, ouvertes à toutes les esthétiques. Car le travail de développement d'artistes fait par les maisons de disques n'est plus le même, il y a une paupérisation de l'offre, avec une course à la signature dans les musiques urbaines et une difficulté pour la chanson française, la variété, la pop » constate Pierre-Alexandre Vertadier, fondateur de Décibels Productions, pourtant filiale de Warner Music. « Avec un risque de resserrement autour des grosses têtes d'affiches et des blockbusters anglo-saxons » s'émeut-il.

Cirque et ensembles

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Les esthétiques les plus fragiles sont particulièrement stressées. « Le budget du cirque contemporain est déjà très modeste, 16 millions, formation comprise, soit à peine plus que le budget de 13 millions de l'Odéon ! La tentation est forte d'aller vers des productions moins risquées, au détriment de l'inventivité », regrette Gwenola David, directrice générale d'Artcena, le Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre.

De même, Louis Presset, délégué général de la Févis, qui fédère 192 ensembles vocaux et instrumentaux indépendants , observe que ses adhérents ont déjà vu en 2023 « leur chiffre d'affaires chuter de 20 % malgré le même nombre de concerts donnés, car on leur impose des formats réduits avec des concerts à 800 kilomètres où la nuit précédente n'est plus payée » !

Christopher Miles, directeur général de la création artistique au ministère de la Culture, reconnaît une concentration des propositions autour de ce qui est le plus populaire. « Il va falloir trouver des moyens de relance », commente-t-il, misant sur la dotation de 9 millions du plan « Mieux produire, mieux diffuser », les 3,5 millions dégagés pour les SMAC, les 2 millions pour les festivals, la nouvelle taxe streaming de 18 millions environ, et un sursaut des collectivités.

Martine Robert

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