Benoît Santoire : « Le rôle d’amortisseur social du commissaire de justice doit être vraiment reconnu »

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Benoît Santoire, président de la Chambre nationale des commissaires de justice, revient sur la première année de son mandat, évoque le rôle « d’amortisseur social » des commissaires de justice sur le terrain et les prochains enjeux pour les commissaires de justice.

Quel bilan faites-vous depuis votre prise de fonction à la tête de la Chambre nationale des commissaires de justice ?

Un certain nombre de textes relatifs à notre statut et nos missions ont été adaptés. Nous avons également repensé notre formation, les règles des inspections comptables et la mise en conformité de la Chambre nationale ou le règlement de déontologie récemment publié.

Sur le terrain, j’observe que mes confrères et consœurs se sont appropriés leur nouvelle identité et qu’une culture professionnelle commune a pris corps. Nous venons par exemple d’obtenir la publication d’un plan comptable unique qui est un nouveau pas vers une profession unifiée. Notre capital image est en croissance continue grâce aux campagnes de communication diversifiées et de référencement que j’ai voulu déployer afin d’atteindre des publics plus variés. 

Nous avons également obtenu du Parlement une réforme de la procédure de saisie des rémunérations. Le commissaire de justice sera désormais au cœur de cette voie d’exécution toujours sous le contrôle du juge. Autres avancées parmi d’autres mesures : la revalorisation de l’aide juridictionnelle ou encore du tarif de nos actes pénaux, une première en plus de 20 ans. Enfin, nous avons accéléré notre stratégie numérique, un impératif au moment où l’intelligence artificielle vient bousculer les professions du droit.

Qu'en est-il du rôle « d’amortisseur social » des commissaires de justice sur le terrain que vous souhaitiez renforcer ?

La modernisation de notre image passe notamment par la mise en avant d’une réalité moins connue très ancrée. Il en est ainsi du rôle d’amortisseur social du commissaire de justice qui doit être vraiment reconnu et qui a été le thème transversal de notre dernier congrès national. Madame Aurore Bergé, à l’époque ministre des Solidarités et des Familles, a ouvert cet évènement clôturé, comme l’année dernière, par le Garde des Sceaux, preuve que les pouvoirs publics reconnaissent notre rôle social. 

Le commissaire de justice est, je le rappelle, le seul professionnel du droit à être présent sur le terrain, au contact direct du justiciable et en se rendant à son domicile. Nous sommes donc des observateurs de premier plan des difficultés et des fragilités de nos concitoyens ou des entreprises. Nous travaillons aux côtés des travailleurs sociaux avec le même objectif de préservation de la dignité et de maintien de la cohésion sociale. C’est ce que nous faisons quand nous cherchons à apaiser un conflit entre un bailleur et son locataire, quand nous accompagnons un débiteur en difficulté en trouvant une solution qui lui redonne une vraie perspective d’avenir et paradoxalement le resolvabilise, quand nous permettons à un propriétaire d’encaisser le loyer qui améliore sa retraite, quand nous négocions, par la médiation, le recouvrement d’un impayé pour une TPE en difficulté. Le Parlement l’a parfaitement reconnu dans la loi Kasbarian du 27 juillet 2023 en nous confiant le soin d’établir un rapport socio-économique sur la situation du locataire défaillant en vue de permettre un accompagnement social personnalisé et efficace. 

Quels sont les prochains enjeux pour les commissaires de justice (2024) ?

Notre situation économique demeure difficile avec des résultats encore en deçà de leur niveau de 2019. Lors de mes rencontres institutionnelles, je rappelle que notre profession est confrontée à la conjoncture économique et à une mutation identitaire qui induit des coûts de transformation et d’adaptation importants que nous supportons seuls. Après la récente publication de la nouvelle cartographie des installations qui est caractérisée par une quasi-stabilité, ainsi que nous le demandions, nous travaillons au futur tarif civil que nous souhaitons voir s’adapter à nos contraintes et spécificités. Je rappelle que nos tarifs n’ont pas évolué depuis 2007 alors que l’inflation a été de 32 % dans l’intervalle. 

Nous continuerons en 2024 le long travail d’élaboration conjointe avec la Chancellerie de l’ensemble des mesures d’application de la réforme de la saisie des rémunérations qui nous mobilisera jusqu’à l’entrée en vigueur le 1er juillet 2025. Je veux aussi mentionner la simplification de la procédure d’injonction de payer, la réforme de la gestion des comptes de tutelle pour laquelle nous développons une plateforme, ou encore le développement de l’amiable dont le Garde des Sceaux a souhaité que nous en en soyons des ambassadeurs.

Parmi nos autres projets en cours, le recouvrement simplifié des créances, notamment en matière commerciale ou le renforcement de la reconnaissance de la singularité de notre constat mais aussi le projet d’extension aux commissaires de justice de l’activité d’entremise immobilière que je porte également devant les pouvoirs publics et qui constituerait un prolongement naturel de notre activité d’administration d’immeubles.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)


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