Dossier

Les bénéfices de l’écoconception pour les entreprises 

L’écoconception permet de réduire considérablement les impacts engendrés par les activités des entreprises. Celles qui l’ont mise en place en ont également tiré des bénéfices en matière de notoriété, de sécurité et de marché.


Démarche encore pionnière au début des années 2000, l’écoconception s’impose progressivement dans la culture et la stratégie des entreprises. L’identification et le traitement des impacts préjudiciables à l’environnement issus de la production font place à une logique préventive et à une réflexion intégrée dès la genèse du produit pour en identifier les effets à toutes les étapes de sa vie. On peut définir l’écoconception comme une démarche permettant de réduire les impacts négatifs sur l’environnement des produits, procédés ou services sur l’ensemble de leur cycle de vie, tout en conservant leurs qualités d’usage.

Qui écoconçoit aujourd’hui ?

Aujourd’hui, l’intégration de l’écoconception dans la stratégie des entreprises est de plus en plus courante. Près de 400 entreprises ont été interrogées par l’ADEME afin de mieux connaitre leur pratique et leur positionnement vis-à-vis de l’écoconception. Les résultats sont éclairants : 3/4 d’entre elles ont intégré l’écoconception dans leur stratégie, dont 1/3 systématiquement. 21 % des entreprises appliquent la démarche d’écoconception à un niveau généralisé de leur portefeuille produit. Cette étude révèle que les entreprises du panel les plus impliquées dans l’écoconception (c’est-à-dire où l’écoconception est inhérente à leur stratégie) sont les très petites entreprises (moins de 10 salariés). Elles sont près d’une sur deux à avoir intégré systématiquement l’écoconception dans leur stratégie. Les entreprises de plus de 250 salariés utilisent encore l’écoconception de manière plus ciblée, pour améliorer les performances environnementales d’un produit dans une gamme donnée, et davantage à court terme (pour plus d’un tiers d’entre elles). En revanche, elles ont commencé à sensibiliser et à former leur personnel à la démarche d’écoconception.

Les motivations à l’origine de la démarche 

Les raisons qui conduisent les entreprises à entreprendre une démarche d’écoconception peuvent être multiples. À l’origine de cette démarche, on trouve souvent les convictions environnementales personnelles très fortes du dirigeant (64 %), surtout pour les petites entreprises (0 à 10 salariés). Eyrein Industrie par exemple est une société familiale fondée en 1986 par le grand-père de l’actuelle dirigeante. Dès l’origine, la société corrézienne inscrit son développement à travers la certification et la labellisation, dans une démarche continue de qualité et de protection de l’environnement. L’écoconception est aussi au cœur de la stratégie historique de l’entreprise La Florentaise, PME productrice de terreaux et d’amendements, qui depuis les années 1980 s’est engagée à réduire l’impact environnemental de ses produits et déploie sur l’ensemble de ses gammes une démarche d’écoconception pour améliorer leur bilan environnemental global. Écoconcevoir est ensuite un moyen d’anticiper les futures réglementations (40 %), en particulier pour les entreprises de plus de 50 salariés. La mise en place de l’écoconception peut encore être en lien avec la recherche de nouveaux marchés (32 %), surtout pour les entreprises de 51 à 250 salariés.

À quels besoins l’écoconception s’applique-t-elle ?

L’écoconception permet de réduire les impacts environnementaux engendrés par le produit ou le service à toutes les étapes de son cycle de vie, de l’extraction des matières premières jusqu’à la fin de vie en passant par les étapes de fabrication et d’utilisation. Pour évaluer de manière exhaustive possible les impacts environnementaux engendrés par le produit/service, la démarche d’écoconception s’appuie sur une approche multicritère, c’est-à-dire seize indicateurs d’impact (tableau 1) préconisés par la Commission européenne dans le cadre du programme Product Environmental Footprint : changement climatique, appauvrissement de la couche d’ozone, émissions de particules, radiations ionisantes, formation d’ozone photochimique, acidification, eutrophisation terrestre, eutrophisation des eaux douces, eutrophisation marine, occupation des sols, épuisement des ressources en eau, épuisement des ressources énergétiques, épuisement des ressources minérales, toxicité humaine cancérigène, toxicité humaine non cancérigène et écotoxicité des eaux douces. C’est l’analyse des impacts engendrés par le produit qui va être le point de départ de la démarche. Une évaluation environnementale du produit est nécessaire pour évaluer l’amoindrissement des impacts de la solution écoconçue par rapport au produit d’origine. En complément, le diagnostic écoconception permettra d’identifier, formaliser, chiffrer les leviers d’écoconception avec maîtrise du risque de transfert de pollution, et de préparer la mise en œuvre du plan d’action via un premier chiffrage technico-économique. Pour réaliser cette évaluation environnementale, plusieurs méthodes existent, notamment l’analyse de cycle de vie du produit. Ces évaluations quantifient les impacts les plus importants, parmi les seize cités plus haut, et dégagent des pistes d’écoconception. Pour faciliter les démarches des entreprises, l’ADEME a classé ces pistes en huit leviers principaux d’action, qui eux-mêmes peuvent se ventiler en sous-actions (voir la rubrique data). 

Les bénéfices de l’écoconception 

Les études réalisées par l’ADEME en 2017 puis 2023 ont montré qu’une démarche d’écoconception apporte quatre types de bénéfices aux entreprises : le développement de nouvelles offres pour de nouveaux marchés et de nouveaux clients ; la sécurisation des approvisionnements et l’anticipation des contraintes des marchés et des réglementations environnementales ; une contribution puissante à l’image de l’entreprise ; enfin, l’accroissement du chiffre d’affaires de l’entreprise tout en améliorant la satisfaction des clients. Dans l’étude ADEME 2017 réalisée auprès d’un panel de dix entreprises volontaires, engagées dans l’écoconception depuis plus de 3 ans, 34 % des entreprises ont constaté une augmentation du volume des ventes, dont une augmentation significative pour 6 % d’entre elles. Ce sont surtout les entreprises de 50 salariés ou moins et les entreprises qui en sont à un niveau généralisé de la démarche qui perçoivent cette augmentation. 30 % des entreprises ont mesuré une augmentation de la marge, et même une augmentation significative pour 7 % d’entre elles. 48 % ont noté une stabilité de la marge. Ces données sont toutefois à prendre avec précaution, la plupart des entreprises n’ayant pas mis en place de système de reporting validant ces données. Cette première étude a été reconduite en 2023 pour approfondir les premiers résultats des avantages économiques et financiers de l’écoconception, à partir d’un panel élargi à 25 entreprises volontaires, offrant plus de diversité en matière de secteurs (biens et services), de taille, de clientèle, d’offre ou d’implantation géographique. 

Méthodologie de l’étude

Pour comprendre les résultats présentés dans le radar (figure 1), il faut d’abord se pencher sur la méthodologie utilisée lors de cette étude de 2023 concernant les bénéfices de l’écoconception. Les entreprises ont été réparties en trois groupes, selon le niveau de maturité de leurs pratiques d’écoconception. Toutes cependant ont engagé des démarches depuis plus de trois ans, de la mise en place plutôt ponctuelle, en fonction des besoins, à l’intégration partielle ou systématique à la stratégie de l’entreprise. Sept d’entre elles, engagées depuis longtemps, mettent sur le marché des biens ou services certifiés Écolabel européen. Dans le groupe 3, l’étude a souhaité comparer deux produits concurrents en interne, l’un écoconçu, l’autre standard, ou à étudier le positionnement sur le marché de l’entreprise avant et après la mise en place de la démarche. Pour les entreprises pratiquant systématiquement l’écoconception depuis leur création et l’ayant intégré pleinement à leur stratégie (groupe 1), l’analyse a cherché à comparer la performance atteinte avec le reste du marché. Enfin, dans le cas intermédiaire d’entreprise ayant déjà engagé des démarches d’écoconception au cours de sa vie (groupe 2), l’analyse a porté soit sur une comparaison du positionnement sur le marché, avant et après la mise en place de la démarche, soit sur la comparaison de deux produits standard ou écoconçus. Le tableau ci-dessous retrace les différents choix méthodologiques :

Ensuite, pour assurer la comparabilité des résultats, toutes les études de cas ont été menées rigoureusement de la même manière et avec les mêmes critères pour analyser la démarche d’écoconception et en calculer les impacts. Sept critères ont été retenus :

  • La part de marché : quelle incidence de la démarche d’écoconception sur la part de marché ?
  • La baisse des coûts : quelle incidence de la démarche d’écoconception sur les coûts internes ?
  • Le prix de vente : quel impact sur le prix de vente ?
  • Baisse du TCO : quel impact sur le coût total de possession (total coast of ownership), c’est-à-dire le coût total payé in fine par le consommateur ?
  • La performance technique : quels gain ou recul par la mise en place de la démarche ?
  • La performance environnementale : quelle amélioration de la performance environnementale ? 
  • Satisfaction client : la satisfaction du client s’est-elle améliorée ? 

Pour toutes les entreprises, le score initial a été fixé à 0 pour chaque critère puis a été évalué comparativement après la démarche d’écoconception de manière qualitative, en s’appuyant sur les échanges avec l’entreprise et les analyses réalisées, sur une échelle de -3 à +3. 

Analyse des résultats de l’étude

Sur l’ensemble du panel des 25 entreprises étudiées, les résultats de l’étude montrent que les entreprises estiment qu’il y a un bénéfice de la démarche, en particulier en matière de perception de l’évolution du chiffre d’affaires (figure 1). La démarche d’écoconception a entraîné en moyenne, pour les entreprises du panel, l’estimation d’une hausse sensible de la part de marché (+1) ; une augmentation sensible des coûts de production (-1)  ; une augmentation sensible de la performance technique (+1) ; une forte augmentation de la performance environnementale (+2) et une augmentation significative de la satisfaction client (+1,5). En moyenne, il n’y a pas eu d’impact constaté sur le coût de revient pour le consommateur (TCO). De manière générale, la démarche d’écoconception se traduit par une hausse des coûts variables, compensée par une augmentation des volumes vendus, donc une hausse du chiffre d’affaires. Cela peut s’expliquer par le fait que les matières premières utilisées sont plus qualitatives, donc plus onéreuses. Patrick Marfaing, le directeur technique de la société de fabrication de peintures Maestria, qui déploie des solutions d’écoconception notamment via l’utilisation de composants biosourcés, confirme : « L’Écolabel européen requiert des matières premières plus chères, le coût du produit est donc plus élevé par rapport à une matière première standard. » Cette augmentation des coûts est toutefois le plus souvent compensée par la hausse des produits vendus, soutenue par la demande des clients en ce sens. Aurélien DULCY, gérant de la société Echopropre qui développe des prestations de nettoyage certifiées Écolabel européen, pense que les pratiques écoresponsables de l’entreprise lui permettent d’avoir une croissance un tout petit peu plus élevée que la croissance moyenne du secteur, avec des clients demandeurs de cette démarche. Dans certains cas, la démarche a pu permettre à l’entreprise de développer de nouvelles activités et de se diversifier vers une nouvelle offre. Le cas de Kaïros est emblématique de cette évolution. Entreprise dédiée à la course au large, Kaïros a utilisé son savoir-faire et ses connaissances en matière de matériaux biosourcés pour élargir son activité jusqu’à devenir un bureau d’études spécialisé en écoconception. Outre ces premiers résultats positifs, s’engager dans la voie de l’écoconception permet de renforcer la culture de l’entreprise, en fédérant autour de valeurs nouvelles ou renouvelées, et également la culture innovation, avec un intérêt accru des équipes et de l’entreprise pour la recherche et le dépôt de brevet en particulier. C’est le cas, par exemple, de la société familiale Eyrein Industrie, qui fabrique des produits de nettoyage pour les professionnels. L’écoconception est associée à la stratégie de l’entreprise depuis près de 25 ans. Toute l’entreprise est sensibilisée à la protection de l’environnement et à la démarche d’écoconception, et une personne, Lucie Hervouet, au sein du laboratoire de R&D, dédie 60 % de son temps à toute la partie homologation des produits labellisés : « Cette part d’écoconception, dit-elle, amène un sens à mon travail puisque c’est l’avenir, pour nous, les générations futures, et on a beaucoup de demandes en ce moment ».