C’est une petite avancée dans le délicat dossier de la réforme des études de médecine. Fin décembre, le Conseil d’Etat a remis en cause l’organisation du deuxième groupe d’épreuves au concours d’entrée en deuxième année de médecine, pour l’essentiel un oral. La plus haute juridiction française pointe les graves inégalités qui résultent de cette épreuve. D’une fac à l’autre, le poids de l’épreuve d’oral peut varier de 30 à 70 % de la note finale. Certaines universités ont même créé un statut de « grand admissible » permettant de ne pas passer d’épreuve orale quand d’autres rendent l’oral obligatoire. Sans compter des dérives consistant à transformer l’épreuve en un oral de Sciences Po sans qu’aucune préparation ne soit prévue au cursus des étudiants.
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C’est pour mettre fin à cet imbroglio que le Conseil d’Etat a enjoint le gouvernement à revoir sa copie d’ici juin. « Nous serons prêts dès le mois de mai, précise le cabinet de Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons commencé un inventaire relevant toutes les formes de ces épreuves et nous rédigerons dans la foulée un nouveau décret qui fixera un cadre national pour application à la rentrée de septembre. »
Le gros dossier du numerus clausus
Pour le collectif national de parents d’étudiants en médecine Pass/Las, qui avait saisi le Conseil d’Etat en décembre 2022, cette décision « est une vraie victoire ». « C’est une décision de portée nationale qui intervient après une douzaine de victoires locales au tribunal administratif », salue Emmanuel d’Astorg, président du collectif, qui réitère son souhait « d’être reçu par la ministre pour clarifier toutes les autres pierres d’achoppement de ce dossier ». Car, par ailleurs, le gouvernement n’est pas prêt à augmenter immédiatement davantage le numerus clausus (désormais numerus apertus) alors que l’opinion ne peut que constater la difficulté d’accès au soin dans le pays.
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Au cabinet de Sylvie Retailleau, on rappelle qu’une vaste concertation interministérielle est en cours, pilotée notamment par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS). L’objectif est de définir les besoins de formation de médecins pour… l’après 2025. « C’est bien tard 2025, alors que tout le monde sait que nous ne formons toujours pas assez de médecins. Il y a eu plusieurs rapports sénatoriaux sur le sujet, un rapport de l’Assemblée nationale, un rapport de l’inspection générale de l’Enseignement supérieur et de la recherche qui n’est toujours pas rendu public et bientôt un rapport de la Cour des comptes qui semble aller dans le même sens. Que leur faut-il encore ? Nous avons perdu trois ans dans cette histoire. La loi Neuder offre la possibilité d’accélérer, il faut que le gouvernement s’en saisisse », s’alarme Emmanuel d’Astorg.
La loi Neuder c’est un texte porté par le député LR Yannick Neuder, médecin dans l’Isère. A la surprise générale ce texte a été voté fin décembre par un éventail transpartisan de la gauche au RN (Renaissance s’est abstenu). Une première depuis 2017 ! Cette loi prévoit de partir des besoins d’un territoire pour définir le nombre de médecins à former quitte à ce que l’Etat apporte son concours financier aux Universités limitées dans leur capacité matérielle d’accueil. Un changement de paradigme car, jusqu’à présent, ce sont les universités et les ARS qui définissaient les besoins.
La loi Neuder bientôt au Sénat ?
« Une réunion des présidents de groupe se profile la semaine prochaine au Sénat pour mettre le texte à l’examen, confirme Yannick Neuder, à l’origine du texte. Gabriel Attal m’a déjà fait part de son grand intérêt pour ce sujet, nous veillerons néanmoins à ce que les décrets d’application de cette loi se traduisent effectivement par une augmentation sensible du numerus clausus. Car, pour l’heure, la réforme est un échec avec une augmentation de seulement 13 % du nombre de médecins formés et un abandon des filières maïeutique et pharmacie qui peinent à remplir leurs objectifs de recrutement. »
Pragmatique, Gabriel Attal pourrait arbitrer en faveur d’un relèvement du numerus apertus, sans attendre 2025. C’est ce qu’espère en tout cas le collectif Pass/Las. Lors de sa visite au CHU de Dijon, le Premier ministre n’a pas tourné autour du pot : « On doit augmenter le nombre de médecins en formation. » A ses yeux, les efforts portés ces dernières années pour augmenter le numerus clausus n’ont pas été suffisants. Une déclaration qui pourrait changer la donne.