Reconnaissance des médiateurs sociaux : les députés adoptent la proposition de loi en première lecture

Ce texte vise à donner un statut aux médiateurs sociaux, en définissant leur mission dans le code de l’action sociale, et à professionnaliser cette activité de prévention et de résolution des conflits. Quant aux moyens apportés à la profession – aux acteurs existants et à la création de postes –, ils seraient définis dans un second temps entre notamment l’État et les collectivités.

La proposition de loi (PPL) visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, le 29 janvier 2024, à la quasi-unanimité (101 pour, 1 contre). Porté par le député Patrick Vignal (Renaissance, Hérault), auteur d’un rapport de 2022 sur le sujet (voir notre article), le texte vise à donner une existence légale et un statut au métier de médiateur social, défini jusqu’ici uniquement dans une norme Afnor (voir notre article).

"Durant toute ma vie d’homme et d’élu local, j’ai constaté la nécessité de la parole et de la présence d’un tiers indépendant. D’où l’importance de la conciliation et de la médiation pour régler les conflits", a introduit le rapporteur. Avant d’ajouter : "La médiation doit trouver sa place partout : dans les cours d’école, au bas des immeubles, en famille, au travail, sur les terrains de sport et dans l’espace public."

Dans la discussion, des députés de tout bord ont justifié leur soutien par le constat d’un délitement du lien social, d’une aggravation des tensions et des fractures et de l’isolement d’une part croissante de la population. Tout en reconnaissant le rôle des médiateurs sociaux dans ce contexte, plusieurs ont toutefois alerté sur le fait que ces derniers ne pouvaient remplacer les services publics et l’investissement dans différentes politiques – sécurité, éducation, logement, santé, travail, etc.

Une formation certifiante obligatoire

Le texte introduit un nouveau chapitre intitulé "Médiateurs sociaux" dans le code de l’action sociale et des familles. Ce chapitre définit la médiation sociale, en en délimitant le champ : cette activité relève de la prévention et du règlement de conflits dans le cadre d’un processus à l’amiable et grâce à l’intervention d’un "tiers impartial et indépendant", mais il ne s’agit pas d’une mission de maintien de l’ordre.

Des "référentiels de compétences et de formation et un code de déontologie", s’articulant avec ceux du travail social, sont prévus par la PPL. Le texte impose également le suivi d’une formation certifiante par le médiateur social, "dans un délai d’un an à compter de sa prise de poste", sauf "s’il justifie d’une qualification suffisante".

Il est précisé que les collectivités locales, comme l’État ou "toute personne morale", peuvent être à l’initiative d’une démarche de médiation sociale. Ces acteurs peuvent se coordonner en signant un "contrat pluriannuel de développement territorial de la médiation sociale". Ces contrats "visent une couverture pertinente par la médiation sociale du territoire défini par ces parties au regard des besoins recensés, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville", tandis que des conventions pluriannuelles peuvent être signées avec les acteurs de la médiation. L’article 2 mentionne spécifiquement la possibilité pour le département de "participer à des actions de médiation sociale".

Quelle trajectoire de financement pour la médiation sociale ?

Plusieurs députés de gauche ont regretté le rejet d’amendements consistant à rendre obligatoires ces conventions pluriannuelles qui offriraient davantage de visibilité aux acteurs de la médiation. Les associations d’élus "craignent que l’État ne leur délègue encore des compétences supplémentaires tout en leur demandant de se débrouiller avec les deniers qu’ils ont", a justifié Patrick Vignal. Les communes sont convaincues de la nécessité de la médiation, veut toutefois rassurer le rapporteur. Ce dernier affirme pouvoir "compter sur la ministre" des Solidarités pour rendre obligatoires ces conventions entre acteurs lors d’un "acte II". L’acte I consistant, avec cette loi, à "professionnaliser les 12.000 médiateurs actuels".  

On estime en effet à 12.000 le nombre de médiateurs sociaux – adultes-relais dans les quartiers, médiateurs à l’école, dans les transports, pour l’accès aux droits…  La PPL prévoit un recensement plus précis dans un rapport "[évaluant] également l’opportunité et la possibilité du financement de 7.000 postes supplémentaires". Là encore, des députés, dont Sophia Chikirou (LFI, Paris) et Gérard Leseul (Socialiste, Seine-Maritime), ont regretté l’absence de trajectoire clairement définie et de garantie sur les moyens qui seront alloués à des créations de postes. Confiant, Patrick Vignal répond : "L’État prendra sa part, en versant 1 euro pour chaque euro versé par les collectivités."