Attractivité et formation, les défis de la filière hydrogène pour atteindre 100 000 emplois en 2030
Le 14 septembre, l'agence France Hydrogène a présenté son enquête «DEF'Hy» sur les métiers de l'hydrogène. Elle révèle un secteur traversé par des tensions sur plus de 80 métiers, dont l'offre de formation reste encore insuffisante face à l'ambition de la filière : passer de 6 000 emplois en 2023 à 100 000 en 2030.
La filière de l’hydrogène a besoin de forces vives, et vite. C’est dans l’hôtel de l’industrie, bâtiment fondé par la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, que France Hydrogène a présenté son étude «DEF’Hy» sur les métiers en tension de l’hydrogène, le 14 septembre. «Lorsque la société a été créée en 1801, c’était pour rattraper l’Angleterre, qui avait déjà 50 ans d’avance sur nous. Aujourd’hui, on est toujours en retard», alerte Philippe Boucly, président de France Hydrogène.
Alors que la capacité en électrolyse de la France est aujourd’hui à «moins de 10 mégawatts (MW)» selon France Hydrogène, elle doit atteindre les 6 500 MW dans le cadre du plan France 2030. De 6 000 emplois liés à l’hydrogène pourvus aujourd’hui, il faudra ainsi passer à 100 000 «emplois directs et indirects sur plus de 80 métiers». Mais pour cela, il faut que l’offre d’emploi – aujourd’hui estimée à 6 831 offres par Adecco Digital France et déjà en augmentation de 77% par rapport à 2019 – poursuive sa croissance.
Le défi du recrutement…
Et quand bien même ces offres d’emploi augmenteraient, il faudrait aussi résoudre un problème commun à tous les secteurs de l’industrie : l’attractivité de l’emploi. «Nous sommes prêts à organiser des événements de présentation des métiers méconnus de l’hydrogène», déclare Julien Besançon, responsable du département coopération entreprises et acteurs économiques à Pôle Emploi. Il a également appelé les industriels de l’hydrogène à faire appel au dispositif de l’immersion professionnelle, qui permet aux demandeurs d’emploi de passer un mois en entreprise tout en continuant à percevoir l’aide au retour à l’emploi. «Il y a eu 13 000 immersions en 2022, vous pouvez faire beaucoup plus !», appelle-t-il.
Pour recruter sa main d’œuvre, l’industrie de l’hydrogène compte également sur la transférabilité des compétences, de secteurs en décroissance comme la sidérurgie, le pétrole et le gaz, vers l’hydrogène. «Des premières initiatives pour travailler sur la transférabilité des compétences sont en cours, à l’image du projet Genvia à Béziers», est-il indiqué dans le rapport.
…et de la formation
Mais même si les entreprises parviennent à recruter, encore faut-il former les salariés. «Il n’existe pas de certification spécifique à l’hydrogène, on est obligés de chercher dans le détail, indique Ludovic Bertrand, directeur du réseau des Carif-Oref (organismes régionaux d’information sur l’emploi et la formation). L’offre demeure balbutiante pour l’instant». Ainsi, si l’étude recense 216 offres de formation, seulement 4 sur 10 comportent le mot «hydrogène» dans leur intitulé, et 26% concernent des modules de sensibilisation.
Toutefois, des bons exemples existent. «Nous avons réussi à recruter des personnes sans qualification très facilement, témoigne Jean-Baptiste Ballif, directeur de la Symbio Hydrogen Academy, centre de formation sur l’hydrogène rattaché à la start-up franco-suisse Symbio, dont les actionnaires sont Michelin, Faurecia, et depuis peu, Stellantis. Dans notre troisème promotion, nous avons des étudiants et des quinquagénaires.» La clé de cette réussite ? Un partenariat avec l’institut des ressources industrielles et un financement de la région Auvergne Rhône-Alpes. Preuve de l’importance de travailler avec les acteurs publics.