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Décryptage

La réforme du collège, une onde de choc qui ébranle l'Education nationale

La démission du recteur de l'académie de Paris, vendredi, a ouvert la voie à une profonde vague de critiques sur la nature des réformes engagées par l'exécutif, notamment celle des groupes de niveau au collège. La défiance dépasse le cas de la seule personne de la ministre, Amélie Oudéa-Castéra, sur la sellette.

La ministre de l'Education nationale, Amélie Oudéa-Castéra, à l'Assemblée.
La ministre de l'Education nationale, Amélie Oudéa-Castéra, à l'Assemblée. (Thomas SAMSON/AFP)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 5 févr. 2024 à 18:24Mis à jour le 5 févr. 2024 à 19:08

Alors que se profile l'annonce de l'intégralité du gouvernement de Gabriel Attal, tous les regards se tournent vers Amélie Oudéa-Castéra, la ministre de l'Education nationale empêtrée dans les polémiques. Ce qui se joue, pour ce portefeuille érigé en « priorité absolue » par l'exécutif, va bien au-delà de la ministre sur la sellette.

Le mécontentement n'a rien à voir avec les réactions syndicales auxquelles ce ministère est habitué. Derrière le nouvel appel à la grève , ce mardi, pour les salaires et les conditions de travail, derrière les propos de syndicats qui disent « se heurter à un mur » avec Amélie Oudéa-Castéra, une lame de fond secoue toute l'institution. Et survivra à la ministre si celle-ci doit quitter son poste.

« Fondamentaux » et « approfondissements »

« L'école est en proie au doute », écrivait vendredi le recteur de l'académie de Paris, Christophe Kerrero, dans sa lettre de démission. Durant tout le week-end, l'ex-recteur, ancien directeur de cabinet de Jean-Michel Blanquer, a été mis sur un piédestal, y compris par ses anciens adversaires. Il a été le premier à oser dire ce que beaucoup pensaient tout bas.

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Son départ a fait sauter une digue, que l'exécutif avait du mal à contenir depuis les annonces de Gabriel Attal, en décembre, sur « le choc des savoirs ». Un avis du Conseil supérieur des programmes (CSP), publié vendredi et destiné à mettre en musique les groupes de niveau au collège, a fait l'effet d'une bombe. C'est « un avis de tempête sur le collège unique », alertait ce week-end Jean-Paul Delahaye, ex-numéro deux de l'Education nationale - lorsque Vincent Peillon était ministre -, soutenu par l'un de ses prédécesseurs, Alain Boissinot, ancien conseiller de François Bayrou, qui s'est dit, lui aussi, « consterné » par cette publication.

Le CSP propose de « nouvelles organisations des enseignements en français et en mathématiques » qui créent, selon Jean-Paul Delahaye, « une séparation de fait des élèves pour le français et les mathématiques », avec un « parcours des fondamentaux » pour les élèves en difficulté et un « parcours des approfondissements » pour les autres. Pour les autres disciplines, les élèves « pourront se retrouver en groupes hétérogènes ou demeurer en groupes homogènes ».

Ceux qui n'auront pas pu avoir accès au parcours des approfondissements pendant leur année de troisième poursuivront leurs études en lycée professionnel ou referont une année de troisième dite « de transition ». « Le CSP organise de fait deux collèges séparés et une orientation figée précocement pour la plupart des élèves en difficulté [qui seront] essentiellement des enfants des milieux populaires », alerte Jean-Paul Delahaye.

« On nous présente les groupes de niveau comme un moyen de travailler en groupes réduits, mais on ne veut pas que ce soit stigmatisant, insistait dimanche, sur France Info, Laurent Zameczkowski, porte-parole de la fédération de parents d'élève PEEP. On se demande quelles seront les modalités pour changer de groupe, notamment pour les plus faibles, mais on est incapables de nous répondre. »

« Conflit de loyauté »

« Dans les années 1970, on séparait les élèves, avec les bons d'un côté, et les mauvais de l'autre, confiait récemment un haut responsable de l'Education nationale. Il ne faut surtout pas refaire cela, ce serait catastrophique de dire à un élève : 'Toi, tu es mauvais, tu restes avec les mauvais.' » 

 Le même plaidait pour des « groupes de compétences » permettant, comme pour l'apprentissage des langues, de commencer à un niveau A1 avec la possibilité d'évoluer vers un niveau B2. Mais « il faut beaucoup de souplesse pour ne pas tomber dans les travers de la mise en oeuvre », ajoutait-il. Or, la création des groupes de niveau se fait de manière précipitée, déplorent des représentants de parents d'élèves. Et elle se fera « à moyens constants », précisait ce week-end la députée (Renaissance) Cécile Rilhac.

Le départ de Christophe Kerrero est « l'illustration d'un malaise grandissant et d'une fracture entre les acteurs de terrain que nous sommes et la nouvelle gouvernance de l'Education nationale », a réagi ce week-end le principal syndicat de chefs d'établissement, le SNPDEN, dans une lettre ouverte. Les principaux et proviseurs se disent « confrontés à un conflit de loyauté ». « Comment continuer à assumer nos missions lorsqu'il nous faudrait renoncer à nos valeurs ? » poursuivent-ils, en refusant qu'on « stigmatise les plus fragiles ».

Ce sont ces chefs d'établissement que Gabriel Attal avait salués, quelques heures avant de rejoindre Matignon, le 9 janvier. « Vous jouez un rôle de pilotage incontournable », avait-il lancé dans une dernière visioconférence. Sans leur soutien, la mise en oeuvre de la réforme s'annonce bien délicate.

Marie-Christine Corbier

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