« Dans le grand marché de l’enseignement supérieur, les étudiants regardent comment ils peuvent s’insérer sur le marché du travail » : le succès de l’alternance à la fac

Depuis plusieurs années, l’alternance se développe à grande vitesse dans l’enseignement supérieur public. Du postbac au bac + 5, toutes les filières se sont lancées et multiplient les offres de formation. Pour le plus grand bonheur des étudiants.

Faire de l'alternance en dernière année de licence ou en master, c'est possible. (Illustration) Getty images
Faire de l'alternance en dernière année de licence ou en master, c'est possible. (Illustration) Getty images

    « C’était la meilleure chose à faire pour moi ! » Romane a fait toute sa scolarité postbac en alternance. D’abord un BTS, puis une licence pro Marketing éthique et communication, à l’Université Paris-Saclay qu’elle déniche par hasard. « À l’époque, je ne savais pas qu’on pouvait faire de l’alternance à la fac. Grâce à ça, j’ai pu découvrir des métiers que je n’aurais jamais soupçonnés, tant dans le public au département des Yvelines, que dans le privé dans le secteur automobile. »

    Les témoignages sont unanimes : c’est un moyen d’acquérir maturité et expérience professionnelle. En 2022, 837 000 contrats ont été signés, presque trois fois plus qu’en 2012. Parmi eux, 68 % des étudiants ont plus de 20 ans. Présentée comme étant une réponse à la forte demande des étudiants, laquelle correspond à un besoin des entreprises, l’alternance a le vent en poupe jusque dans le couloir des facs et autres établissements publics.



    « Notre nombre d’alternants a été multiplié par 2,5 en cinq ans. Le nombre de nos formations est passé de 47 en 2021 à 65 aujourd’hui et 70 l’an prochain ! » dénombre Sébastien Soulez, vice-président en charge de l’alternance à l’université Lyon II (Rhône), une fac de sciences humaines et sociales.

    Une réponse à la (forte) demande

    L’enseignant a ouvert un master tourisme en formation continue en 2021 et en sondant ses élèves de master 1, il s’est rendu compte que 80 % des étudiants étaient partants pour une alternance en master 2. À la rentrée 2024, l’université ouvrira d’autres masters sur le même principe, du droit spécialité commissaire de justice au droit de la propriété intellectuelle, en passant par le droit des activités numériques et tiers de confiance. Mieux encore, « on expérimente aussi l’ouverture de la 3e année de licence à l’alternance avec la licence Éco-gestion et la licence LEA anglais – espagnol », ajoute Sébastien Soulez.

    Une offre pléthorique qui se retrouve un peu partout dans les établissements publics de l’Hexagone. « L’apprentissage est plébiscité par les étudiants et ils aimeraient que d’autres formations soient ouvertes », abonde Ronan Le Graët, directeur de la formation continue de Sciences-po Bordeaux (Gironde). « Ils trouvent barbant d’être seulement sur les bancs de l’école, et veulent être dans le concret », explique quant à lui Christophe Collet, qui dirige l’Université Technologie de Troyes (Aube), dans lequel trois nouvelles formations ont été ouvertes à l’apprentissage en septembre dernier, douze ans après la première.

    Du côté des IUT, qui, traditionnellement, ont plus de formations en alternance, même son de cloche. « On est surpris du succès que rencontrent nos formations dès lors qu’elles s’ouvrent à l’alternance », constate Stéphane Ropiquet, enseignant à l’IUT Grand Ouest Normandie qui compte 900 contrats d’apprentissage sur trois ans de BUT (Bachelor universitaire de technologie).

    D’autant qu’en plus de leur permettre d’attirer toujours davantage d’étudiants, le principe de la formation rend les établissements publics compétitifs. « C’est une demande des jeunes. Ils entendaient parler apprentissage dans les écoles de commerce, cela nous a poussés à en ouvrir », précise Ronan Le Graët. « Dans le grand marché de l’enseignement supérieur, les étudiants regardent comment ils peuvent s’insérer sur le marché du travail. »

    Un bon taux d’insertion

    Présent sur les fiches Parcoursup comme dans les esprits au moment de faire ses vœux ou de candidater en master, le taux d’insertion des formations est scruté par les étudiants. Sébastien Soulez, de l’université Lyon II est formel : « C’est un outil d’insertion professionnelle plus efficace que le simple stage. »

    Dans une même promo, l’insertion est aussi meilleure pour les alternants que pour les étudiants en formation continue. À l’IAE (Institut d’administration des entreprises) d’Aix-Marseille (Bouches-du-Rhône), « ces étudiants sont en général entre 93 et 96 % en emploi dans un délai d’un à trois mois après leur diplôme. Pour les alternants seuls, on est proche de 100 % », explique Isabelle Bordenave, responsable Relations entreprises et développement formation continue.

    Inscrite à l’IAE, Aurélie vient de commencer son second master 2 en alternance, après une licence, puis un master 1 de droit à la fac d’Aix-en-Provence et un master 2 en alternance aussi. « C’était assez rare d’avoir des masters professionnels en droit, c’est une matière purement théorique », souligne la jeune femme qui a décroché son contrat au Centre national des sports de la Défense (CNSD) de Fontainebleau (Seine-et-Marne), au service juridique et au service administratif et financier.

    Une fois son master 2 en poche, Aurélie s’est dirigée vers un autre master de management général couplé à un Master of Science de l’IAE d’Aix Marseille. « Je voulais rester à l’université : c’est moins onéreux qu’une école de commerce et la qualité des enseignements est quasi identique ! Je cherchais un master bien réputé, celui de l’IAE d’Aix-Marseille était idéal. » Cette année, son alternance se fait au CEA (Commissariat de l’énergie atomique) de Cadarache (Bouches-du-Rhône), où elle est acheteuse dans un service qui gère « tout ce qui concerne l’équipement logistique et prestation de service au-dessus de 40 000 euros ».

    Si elle est ravie côté entreprise, elle l’est tout autant concernant les enseignements de son master. « Nos enseignants – dont certains sont agrégés – sont vraiment excellents, nous avons des doctorants et les intervenants ont énormément d’expérience et très bonne réputation dans leur matière respective, qu’il s’agisse d’analyse financière, de sociologie ou de management ! »

    Pas de problème pour trouver une entreprise

    Une qualité qui lui permet d’avoir trouvé ses contrats sans anicroche. « Dans notre master de droit, on nous a aidés, nous avons eu un suivi avec nos tuteurs. Pour l’alternance au CEA, j’ai postulé à une offre proposée par l’IAE. » Pour satisfaire leurs étudiants, les établissements publics multiplient les contacts avec les entreprises et soignent leurs réseaux. Si Aurélie a choisi le CEA, elle aurait également pu déposer une candidature chez Airbus ou Thalès, d’autres offres proposées par le réseau de l’IAE.



    À l’université Lyon II aussi, on développe un réseau d’entreprises partenaires. « C’est une forme de prérequis chez nous, explique Sébastien Soulez. Pour qu’un master ouvre en alternance, il faut un courrier de soutien de l’environnement économique. Nous envoyons ensuite les offres qu’on reçoit à nos étudiants. » Et même en fac, la concurrence est rude. « À l’UFR de sciences Éco-gestion à Lyon II, on doit être attractif, car nous avons des formations en banque et finances, comme d’autres écoles », analyse Sébastien Soulez.

    Heureusement, les entreprises ne s’attardent pas tant sur l’école que sur le profil de l’étudiant. Pour son alternance en master Gestion de l’environnement et RSE à l’université Paris-Saclay, Romane n’a eu aucune difficulté pour trouver une entreprise : « Ma responsable regardait les compétences, pas l’école ! »

    Question finances

    Autre atout pour les étudiants qui choisissent l’alternance à l’université : la possibilité de continuer leur cursus sans frais. Après un début de formation accessible financièrement, libre à eux de faire financer leur vie quotidienne grâce au salaire de l’alternance. Aurélie avait fait ses comptes avant de choisir son cursus et se tourner vers l’IAE, lequel lui coûte quand même 2 000 euros. Malgré tout, « certaines formations sont très réputées, je ne voyais pas l’intérêt de dépenser 8 000 euros pour une année d’étude en école. Ça m’aurait obligée à prendre un prêt étudiant ».

    Souvent accessible en dernière année de cursus, il faut en effet pouvoir financer les premières années avant de prendre son envol financier. En IUT, « on paye l’inscription selon les ressources de ses parents, soit une centaine d’euros, et le reste est gratuit, ça permet de faire un bac + 3 sans le moindre coût pour l’étudiant comme pour les parents », souligne Florian ancien alternant en IUT et aujourd’hui chargé de relations écoles entreprises au sein de la CPME Auvergne-Rhône-Alpes.

    À Sciences-po Bordeaux, on observe que les motifs des étudiants qui font le choix de l’alternance sont aussi financiers. « Nous avons 30 % de boursiers qui ne payent aucuns frais d’inscription et dont la situation familiale n’est pas aisée. Recevoir un salaire, autour de 1 200 euros, est l’un des arguments qui plaide en faveur du dispositif », explique Ronan Le Graët, directeur de la formation continue et de l’apprentissage à Sciences-po Bordeaux. D’autant qu’entre financer ses études avec un petit job et son cursus en apprentissage ne revient pas au même.

    « C’est un moyen d’avoir une rémunération dont on est sûr, pendant deux ou trois ans », explique Marie-Hélène Toutin. « Dans ce cas de figure, les étudiants ont des missions en relation avec la formation suivie, c’est bien organisé et la formation sait que vous avez les deux. Alors que si vous faites un boulot à côté pour financer vos études, ce n’est pas forcément connu de l’administration et on vous demande d’être à 100 % mais vous ne pouvez pas ! C’est une vraie ligne professionnelle qui a du sens dans votre CV. Si vous êtes veilleur de nuit, on va voir que vous êtes courageux, mais ça n’aura pas de sens dans votre vie professionnelle. »

    Nouvel ascenseur social ? « Oui ! », confirme Christophe Collet de l’UTT, « et on y est très attaché ». À Lyon II, où « par nature, une majorité de nos étudiants est en difficulté et a une bourse, clairement un certain nombre a choisi l’alternance, car ils ne pourraient pas se payer leurs études et s’arrêteraient à bac + 2 ou bac + 3, », conclut Sébastien Soulez.

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