Semaine de quatre jours : premiers retours d'expérience dans le secteur public local

La métropole de Lyon est loin d'être la seule collectivité à avoir expérimenté la semaine de quatre jours sans réduction du temps de travail. D'autres entités locales l'ont testée et certaines ont décidé de la pérenniser. Quels sont leurs résultats ? Quels conseils donnent-elles ? Quels sont les pièges à éviter ? Une étude mise en ligne ce 12 février par Profil public, plateforme dédiée à l'emploi public, fait le point.

 

Après une expérimentation pendant un an de la semaine de quatre jours, sans réduction du temps de travail, la communauté de communes Terroir de Caux (38.000 habitants, Seine-Maritime) a pérennisé ce mode d'organisation du travail, en 2023. Aujourd'hui, 40 agents sur les 120 que compte l'intercommunalité travaillent à ce rythme. Plus longue que pour les autres, leur journée-type débute à 8h (voire 7h45) et se termine à 17h15 ou 17h30, avec une pause de seulement 45 minutes pour déjeuner. En travaillant 8h45 quotidiennement, ces agents effectuent leurs 35 heures hebdomadaires en quatre jours. Ce qui leur offre une journée supplémentaire de repos par semaine, généralement le mercredi pour les agents ayant des enfants et le vendredi pour les autres.

Ceux qui ont adopté ce nouveau rythme de travail sont satisfaits, comme le révèle une étude de la plateforme de recrutement Profil public mettant en avant plusieurs retours d'expérience de la sphère publique. Les agents déclarent bénéficier d'un meilleur équilibre entre leurs vies professionnelle et personnelle. "Ils ont le temps de prendre leurs rendez-vous médicaux et de faire leurs tâches ménagères en semaine, ce qui leur permet de se reposer davantage le week-end. Ils sont ainsi moins stressés au travail", relate Frédéryque Cottard, responsable Administration générale, RH et juridique à la communauté de communes, qui est citée par cette enquête.

"Les agents approfondissent davantage leurs dossiers"

Côté employeurs, des bénéfices sont également observés, principalement une baisse de l’absentéisme et des arrêts de travail et une hausse de la productivité. "Ayant une coupure en moins, les agents approfondissent davantage leurs dossiers", précise la responsable. "La semaine de quatre jours est aussi un vrai levier d’attractivité en termes de recrutement. A défaut de pouvoir proposer de meilleurs salaires, nous nous démarquons en proposant une plus grande flexibilité et qualité de vie au travail", fait-elle valoir.

La semaine de quatre jours se situe souvent au carrefour des aspirations formulées par les agents depuis la crise sanitaire – en particulier une meilleure conciliation des exigences professionnelles et personnelles – et de la volonté des employeurs de renforcer leur attractivité, dans un contexte de tensions sur le marché du travail, ou de proposer des modalités d'organisation alternatives aux agents qui ne peuvent pas bénéficier du télétravail. Certains, comme le ministre chargé de la Fonction publique, Stanislas Guerini, soulignant aussi l'"opportunité" que représente la semaine de quatre jours pour des femmes qui "subissent la question du temps partiel" (souvent 80%), "parce qu'elles ont besoin de dégager une journée supplémentaire pour s'occuper de leurs enfants".

Autant d'objectifs recherchés avec un outil qui suscite un intérêt croissant des organisations privées comme publiques. On saura d'ailleurs côté public, que sur 100 employeurs – dont une majorité de collectivités – interrogés par Profil public, pas moins de 86 déclarent souhaiter mettre en place la semaine de quatre jours.

"Anticiper les impacts sur le service rendu"

Nombre d'entre eux pourraient tenter l'aventure dans les mois prochains, en particulier parmi les services de l'État. En effet, en demandant à ses ministres – lors de sa déclaration de politique générale du 30 janvier (voir notre article) – de mener des expérimentations dans leurs administrations centrales et déconcentrées, le Premier ministre, Gabriel Attal, a sans doute créé les conditions d'une forte impulsion.

Mais les employeurs doivent avancer avec prudence et méthode, si l'on en croit les pionniers interrogés par Profil public. Car plusieurs écueils sont apparus. L'intensification des journées de travail des agents concernés, d'abord : "Les journées de près de 9 heures ou 10 heures peuvent être difficiles à supporter sur le moyen ou long terme". En outre, elles ne permettent pas aux parents d’accompagner et de chercher leurs enfants à l’école et les salaires ne sont pas toujours suffisants pour faire appel à un mode de garde en fin de journée. Pour résoudre la difficulté, certains employeurs choisissent de supprimer les jours de RTT de leurs employés, le volume horaire hebdomadaire de ces derniers étant allégé à due proportion. D'autres mettent en place des semaines de quatre jours et demi ou quatre jours seulement une semaine sur deux.

Par ailleurs, ce serait "une erreur de vouloir faire plaisir à tout le monde sans anticiper les impacts sur le service rendu aux usagers", pointe la responsable Administration générale, RH et juridique de la communauté de communes Terroir de Caux. L'étude appelle à la vigilance sur ce point, mais certains retours d'expérience sont rassurants. "La répartition des rythmes de travail est assez équilibrée et s’organise naturellement autour de la continuité de service qui reste une priorité collective. (…) Aucun service n’a fait remonter de difficultés bloquantes", conclut par exemple Grenoble Alpes métropole, après deux années de mise en place de la semaine de quatre jours et demi.

Communiquer en amont

Autre enjeu : le maintien du collectif de travail, que la coexistence de diverses formules d'organisation sur site du temps de travail et du télétravail, peuvent contribuer à déconstruire. Il faut réfléchir à l'articulation des dispositifs, pour "préserver les jours de travail où tous les collaborateurs sont présents au sein de la collectivité", fait-on remarquer à la communauté de communes de Grand Lieu, où la semaine de quatre jours et demi a été mise en place il y a plus de dix ans.

Les employeurs candidats à la semaine de quatre jours ont intérêt à "bien anticiper la mise en place du dispositif en prenant la température auprès des équipes", conseille Frédéryque Cottard. Qui dit privilégier pour cela "les boîtes à idées et les temps d’échange conviviaux". Il faut faire attention au timing, souligne pour sa part Anne-Sophie Rousseau, directrice adjointe de l'Urssaf Picardie. "Il est judicieux de commencer à communiquer en juin pour une mise en place effective en septembre", précise-t-elle. En rappelant que c'est généralement au cours du mois de septembre que l'on procède aux inscriptions aux activités de loisirs. Comme pour "le cours d’aïkido du mardi soir à 17h30". Une activité qui, si la journée s'allonge, ne sera peut-être plus accessible.

 

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