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La grève des contrôleurs SNCF suscite l’indignation générale

La direction de l’entreprise publique ne veut pas céder car elle craint que le mouvement ne s’étende à d’autres corps de métier. Le gouvernement se veut également ferme.

C’est un rituel qui a le don de mettre les Français en colère. Les vacances scolaires riment trop souvent avec une grève à la SNCF. En 2019, à Noël, les cheminots avaient déjà pris en otage les passagers pour défendre leur régime de retraite avantageux. Deux ans plus tard, les conducteurs TGV de l’axe sud-est (Paris-Lyon-Marseille), qui réclamaient plus de primes, avaient levé in extremis leur préavis de débrayage. Cela n’avait pas empêché l’annulation de 50% des TGV le vendredi du départ en congés.

Fin 2022, les contrôleurs avaient posé leur sac pour que leur statut (avancement, rémunération…) soit revalorisé. Résultat, 200.000 passagers restés à quai à Noël. Aujourd’hui, ce sont à nouveau les contrôleurs qui déclenchent un mouvement social, du vendredi 16 au dimanche 18 février, en plein chassé-croisé des vacances d’hiver. Ils estiment que les promesses faites à Noël 2022 n’ont pas été tenues.

Mercredi, l’opérateur ferroviaire a averti que les perturbations seraient importantes. «Malgré trois chefs de bord sur quatre grévistes, on va assurer un TGV sur deux grâce au renfort des volontaires», explique Alain Krakovitch, directeur TGV-Intercités. Pour l’essentiel, ces contrôleurs remplaçants sont des cadres habilités à faire ce métier. Concrètement, il y aura un TGV inOui sur deux, un Ouigo sur deux et un Intercités sur deux. Tous les passagers doivent avoir été prévenus par SMS mercredi du maintien ou de l’annulation de leur train. Ils pourront se faire rembourser intégralement leur ticket ou changer de billet gratuitement. «Entre jeudi et lundi, 300.000 places seront disponibles», souligne Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs. Et la SNCF promet un dédommagement: un rabais de 50% sur le prochain voyage en train.

En attendant, les Français vont revivre des scènes de chaos dans les gares à partir de vendredi. Une crise de plus pour Gabriel Attal. À peine nommé chef du gouvernement, il a dû gérer l’explosion sociale des agriculteurs. Alors que ce premier conflit n’est pas définitivement éteint, le voilà confronté à un nouveau mouvement de protestation. Le premier ministre a choisi de tenir le discours de la fermeté, déplorant sans ambiguïté «une forme d’habitude à chaque période de vacances scolaires d’avoir l’annonce d’un mouvement de grève». Avant d’enfoncer le clou: «Les Français savent que la grève est un droit», mais «aussi que travailler est un devoir».

Collectif sur Facebook

Une ligne politique qui est en phase avec l’exaspération de nombreux clients de la SNCF. «Puisque leur métier est d’être au service des usagers, on ne comprend pas qu’ils puissent avoir aussi peu de considération pour ces usagers», s’indigne Bruno Gazeau, président de la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports). Selon un sondage de l’institut CSA, 52 % des Français sont favorables à l’interdiction des grèves dans les transports pendant les vacances scolaires. C’est déjà le cas en Italie.

Quant au PDG du groupe SNCF, Jean-Pierre Farandou, il surveille cette grève avec beaucoup d’attention. Alors que son mandat à la tête de l’entreprise se terminera au printemps, il postule pour continuer à diriger la vieille dame ferroviaire jusqu’à ce qu’il ait 68 ans, à la fin du printemps 2025. Il tient la corde, car, à quelques mois des Jeux olympiques où les transports en commun seront soumis à rude épreuve, on voit mal l’exécutif changer de capitaine à la SNCF. Mais il sait bien qu’une mauvaise gestion du conflit serait portée à son discrédit.

Ce mouvement, comme celui de Noël 2022, est il est vrai un peu particulier. C’est un collectif de contrôleurs fédérés autour d’un groupe Facebook qui est à la manœuvre. SUD-rail, le premier, a récupéré le mouvement. La CGT-cheminots, ne voulant pas être dépassée, a appelé aussi à la grève, même si la centrale de Montreuil voit d’un mauvais œil les revendications catégorielles. «Avec la perspective des élections des représentants des salariés au conseil d’administration, fin mars-début avril, les syndicats s’échauffent, décrypte un expert. C’est à qui poussera le bouchon le plus loin.»

Pourtant, financièrement, les contrôleurs ne sont pas mal lotis. En incluant leurs primes liées aux contraintes des déplacements, ces professionnels recrutés au niveau bac peuvent gagner jusqu’à 3500 euros nets en fin de parcours. Plus qu’un professeur certifié, titulaire d’un bac + 5, qui finit sa carrière à un peu plus de 2 800 euros. Augmentation automatique au bout de quatre ans, création d’une direction spécifique pour gérer leur carrière, passage progressif à deux contrôleurs par TGV… Les contrôleurs avaient obtenu des avancées importantes à l’occasion de leur grève à Noël 2022.

Surenchère

Mais ils estiment que ces mesures n’ont pas été totalement appliquées. Des affirmations contre lesquelles la SNCF s’inscrit vigoureusement en faux: «Je trouve cette grève incompréhensible car tous les engagements pris par l’entreprise ont été tenus», tonne Christophe Fanichet. Ainsi, la présence de deux chefs de bord sur les TGV, aujourd’hui assurée à 87%, montera à 92% au cours de l’année et à 100 % en 2025. Et, financièrement, leur situation s’est encore améliorée. «Je suis un peu surpris de cette grève ce week-end parce qu’il a été acté par la direction des primes et des augmentations de salaires qui font envie à beaucoup de nos concitoyens», argumente Patrice Vergriete, le nouveau ministre des Transports, qui précise: «La catégorie d’agents qui se mobilise ce week-end en a largement bénéficié, avec presque 20 % de hausse de salaire en deux ans.»

L’inflation, elle, devrait culminer à 13% sur les trois années 2022-2024. Prime de 400 euros, revalorisation à 100 euros de l’indemnité de résidence dans les zones tendues… Jean-Pierre Farandou a encore dénoué les cordons de la bourse au cours des sept derniers jours. Pas suffisant pour les contrôleurs, qui font de la surenchère et demandent désormais qu’une partie de leur prime (au moins 150 €) soit intégrée dans le salaire qui sert de base pour fixer le montant de la retraite.

La direction de la SNCF, qui ne veut pas négocier avec un pistolet sur la tempe, dit non, pour une fois. Elle sait bien que si elle s’inclinait devant les contrôleurs, d’autres corps de métier demanderaient la même chose. Le gouvernement a certainement le même schéma en tête. D’ailleurs, les aiguilleurs du rail ont déjà déposé un préavis de grève pour le week-end des 24 et 25 février…

La grève des contrôleurs SNCF suscite l’indignation générale

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258 commentaires
  • Danmal35

    le

    Assez d'hypocrisie!
    Elle ne suscite pas l'indignation d'une majorité de nos concitoyens, qui, massivement, refusent une simple réforme de "droit de grève", à l'image d'autres démocraties, certainement plus modernes que la nôtre (et sans doute aussi, plus...travailleuses!)

  • 3639361 (profil non modéré)

    le

    Aujourd'hui on fait greve avant de negocier ? Ces nantis savent enquiquiner les usagers ils l'ont fait souvent pour avoir de tels salaires et avantages retraite vacances commite d'entreprise. Helas toutes les professions n'ont pas de tels moyens pour embeter la population. Greve corporatiste c'est une honte !

  • anonyme 90474

    le

    C'est juste un avant goût en prévision des JO.

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