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L'appétence des lycéens pour la géopolitique, un « bénéfice net » de la réforme du bac

Cinq ans après avoir été introduite dans le cursus des lycéens, la spécialité « histoire, géographie, géopolitique, sciences politiques » attire plus d'un quart des élèves de terminale. Avec des répercussions importantes sur l'enseignement supérieur.

L'appétence pour la spécialité « histoire, géographie, géopolitique, sciences politiques » au lycée a « décuplé » la demande dans les licences de sciences politiques.
L'appétence pour la spécialité « histoire, géographie, géopolitique, sciences politiques » au lycée a « décuplé » la demande dans les licences de sciences politiques. (Jeff Pachoud/AFP)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 15 févr. 2024 à 12:00Mis à jour le 15 févr. 2024 à 15:10

Il y a cinq ans, les spécialités faisaient leur apparition au lycée pour les élèves de première. Parmi celles proposées aux lycéens, la spécialité « histoire, géographie, géopolitique, sciences politiques » s'est vite imposée comme l'une des plus prisées.

« C'est une spécialité bien implantée et stabilisée, adoptée par environ 28 % des élèves de terminale depuis 2020 », indique Edouard Geffray, numéro deux du ministère de l'Education nationale, qui y voit « un bénéfice net de la réforme du lycée ». C'est aussi la deuxième spécialité la plus choisie par les filles, après « sciences économiques et sociales ».

Pour expliquer cette appétence, à l'heure où les élèves de seconde s'apprêtent à confirmer leurs choix de spécialité pour la rentrée prochaine, Christine Guimonnet, secrétaire générale de l'Association des professeurs d'histoire-géographie, décrit une spécialité « pluridisciplinaire », « très riche » et « conçue autour de l'actualité ». Le programme permet aussi de « reposer des bases très générales qui peuvent faire défaut à certains élèves, et de bien expliquer la laïcité », souligne l'enseignante.

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Des parcours « débordés »

« On appuie sur tous les boutons qui titillent la société. Cela permet de mettre les bons mots sur les maux, pour une bonne compréhension des concepts », se félicite-t-elle. L'épreuve du bac , « assez exigeante » avec une dissertation et une étude critique de document, n'effraie visiblement pas les lycéens.

Le succès de cette spécialité a des répercussions sur l'enseignement supérieur. Les néobacheliers arrivent « beaucoup mieux formés et outillés », estime Christophe Capuano, professeur des universités en histoire contemporaine à l'Université Grenoble Alpes.

On appuie sur tous les boutons qui titillent la société, et cela permet de mettre les bons mots sur les maux.

Christine Guimonnet Secrétaire générale de l'Association des professeurs d'histoire-géographie

Depuis l'apparition de la spécialité au lycée, « on s'est adaptés, poursuit-il, en mettant en place des cours comme ceux d'histoire du temps présent, pour montrer comment une approche historienne peut aborder des questions contemporaines en utilisant des outils de science politique ».

Mais la conséquence de cette forte appétence née au lycée, c'est aussi « des parcours en sciences politiques dans les universités qui sont débordés par le nombre de candidatures, et de fait la première année de licence devient sélective », constate Christophe Capuano. Avec la spécialité, « la demande a été décuplée » dans les licences de sciences politiques qui figurent désormais « parmi les formations les plus demandées. »

« Un mot magique »

L'enseignement supérieur cherche à s'adapter. Cet engouement des élèves n'a pas échappé à certains établissements privés lucratifs, ni à des grandes écoles de management. Comme Skema, qui a créé en 2022 une école de géopolitique et ouvert un master 2 avec Sorbonne Université. Pour l'instant, l'école de géopolitique se limite à des parcours autour des enjeux du monde contemporain au sein des différentes formations de l'école de commerce. Mais « on envisage le lancement d'un programme postbac, en croisant la géopolitique avec les affaires internationales, le commerce international et les sciences politiques », confie Christophe Germain, vice-doyen de Skema.

L'Institut catholique de Paris (ICP) a, lui aussi, entendu la demande des lycéens. Il s'apprête à ouvrir, en septembre prochain, un bachelor « science politique, géopolitique, humanités » qui devrait déboucher sur un master et sur la création d'un institut d'études politiques, en partenariat avec les lycées parisiens Stanislas et Saint-Jean-de-Passy.

« On a des étudiants de plus en plus férus d'histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques qui ne veulent pas forcément intégrer une école de commerce », expliquait Géraldine Espéret, préfète des classes préparatoires commerciales et littéraires de Stanislas, fin janvier, lors de journées portes ouvertes. « L'offre du supérieur n'est pas suffisante par rapport à cette vraie appétence des lycéens qui ont suivi la spécialité », confie Pauline Piettre, directrice des affaires académiques de l'ICP. A la Catho comme ailleurs, on explique que la science politique est devenue « un mot magique », tant elle attire les étudiants.

« La réforme du lycée nous oblige à bouger, et c'est une très bonne chose, selon Pauline Piettre. D'autant que les étudiants arrivent en première année d'enseignement supérieur en étant plus pointus qu'avant. »

L'Institut catholique de Paris se lance

L'Institut catholique de Paris (ICP) ouvre son bachelor « science politique, géopolitique, humanités » en septembre prochain, avec une première classe de 40 étudiants, puis une deuxième en 2025, et ensuite un master.

« L'objectif n'est pas de concurrencer Sciences Po Paris », assure la directrice des affaires académiques de l'ICP, Pauline Piettre. L'initiative est-elle née de la colère de Frédéric Gautier, directeur de Stanislas, qui avait protesté contre l'effondrement du nombre d'élèves de son établissement admis à Sciences Po, en 2021 ? « Nous ne voulons pas être clivants par rapport à Sciences Po Paris ni faire le Sciences po catho, mais nous ouvrir largement aux étudiants », assure Pauline Piettre, tout en glissant que « les élèves des lycées catholiques d'Ile-de-France ne sont plus tellement pris à Sciences Po Paris ».

Les étudiants de ce nouveau cursus seront diplômés du bachelor et d'une licence (histoire ou philosophie) de l'ICP, avec un parcours aménagé de cours de licence et de classes préparatoires. Comme à Sciences Po Paris, le tarif dépendra des revenus des familles.

Marie-Christine Corbier

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