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Quelle inclusion scolaire pour les élèves et étudiants handicapés ?

Temps de lecture  10 minutes

Par : La Rédaction

Depuis la réforme de 2005, le nombre d’enfants handicapés accueillis à l’école en milieu ordinaire s’est accru fortement. Le phénomène, bien que plus récent, est également remarquable pour les étudiants. Le bilan reste cependant réservé.

La mise en œuvre du droit à l'école

Les ministères en charge de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont pour mission d’accueillir enfants et adolescents dans les écoles, collèges, lycées et universités.

Avant la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation fixant une obligation de scolarisation pour les enfants handicapés, les parents d’enfants handicapés n’avaient d'autre recours que de garder leurs enfants au sein de la famille faute d’obtenir une place dans un établissement spécialisé. Les circulaires de janvier 1982 et de janvier 1983 constituent, ensuite, deux textes fondateurs en matière d’intégration scolaire en visant à "favoriser l’insertion sociale de l’enfant handicapé en le plaçant le plus tôt possible dans un milieu ordinaire où il puisse développer sa personnalité et faire accepter sa différence".

Pour l’enseignement secondaire, il faut attendre 1995 pour qu’une circulaire mette en place des unités pédagogiques d’intégration (UPI), d’abord au collège, puis à partir de 2001, au lycée. 

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose le principe de la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire.

La loi reconnaît, d’une part, la responsabilité de l’Éducation nationale vis-à-vis de tous les enfants et adolescents et, d’autre part, le droit pour les enfants qui ont des besoins spécifiques de bénéficier d’un accompagnement adapté.

Les établissements et services du secteur médico-social complètent le dispositif scolaire ordinaire.

Le déroulement de la scolarité d'un enfant en situation de handicap est défini dans un projet personnalisé de scolarisation (PPS). Le principe d’intégration s’appuie sur un dispositif décentralisé dans lequel la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) a un rôle pivot. La loi insiste, en outre, sur le principe d’accessibilité. Ainsi, depuis septembre 2010, tous les dispositifs collectifs implantés en collège et en lycée pour la scolarisation d’élèves en situation de handicap ou de maladies invalidantes sont dénommés unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) et constituent une des modalités de mise en œuvre de l’accessibilité pédagogique pour ces élèves.

Quelle prise en charge dans le temps périscolaire ?

Une décision du Conseil d'État du 20 novembre 2020 décharge l'État du financement des emplois d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sur le temps périscolaire, dont la pause méridienne. Selon le Conseil d'État, cette prise en charge incombe à la collectivité locale, structure organisatrice de l'activité. Dans ce contexte, des sénateurs ont déposé une proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien. Selon le rapporteur, "certains élèves se sont retrouvés sans aide humaine à la pause méridienne, obligeant leurs parents à prendre le relais, à leur propre détriment, voire à recourir à des accompagnants privés pour ceux dont les moyens le permettent, et, dans certains cas, à une déscolarisation". Le texte est en cours d'examen au Parlement.

Application de la réforme de 2005 : un bilan mitigé

Le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé d'environ 100 000 en 2006 à près de 436 000 à la rentrée 2022. En 2012, un rapport du Sénat parle d'échec de la politique d'accompagnement des enfants handicapés en milieu ordinaire. En 2006, 26% des élèves en situation de handicap bénéficiaient d'un accompagnement humain dans leur scolarité. En 2011, ils étaient 47%. À la rentrée 2022, 132 000 AESH interviennent de la maternelle au BTS. Plus de dix ans après, un nouveau rapport du Sénat de mai 2023 souligne "que la politique d'inclusion scolaire s'est traduite depuis plusieurs années par une augmentation importante des moyens financiers et humains dédiés, ce qui a contribué à une amélioration sensible des capacités de prise en charge, sans réussir pour autant à répondre aux attentes des enfants et des familles concernés, et en mettant parfois l'institution scolaire en difficulté".

Cet accompagnement, assuré par des AESH ou des assistants d'éducation (AED), ex-auxiliaires de vie scolaire (AVS) ou emplois de vie scolaire (EVS), ne répond pas de manière pertinente aux besoins des enfants handicapés en raison de la précarité des contrats de travail et de la formation insuffisante des intervenants. Le rapport de Paul Blanc (bilan d'application de la loi de 2005) préconisait en 2011 leur remplacement par des assistants de scolarisation sous statut d’aides-éducateurs. Si les AVS sont remplacés par les AESH par la loi de finances pour 2014, un rapport de 2022 de la Défenseure des droits souligne que la situation n'a guère changé. Les AESH souffrent souvent d'un déficit de formation, en dépit de ce que mentionne leur contrat, sont parfois peu intégrés à la communauté éducative et leurs missions sont mal définies.

Pour répondre aux critiques émises dans plusieurs rapports, des mesures sont prises à partir de 2013. Les dernières en date ont été présentées au comité interministériel du handicap du 20 septembre 2023 :

  • attribution d'un identifiant national élève (INE) à tous les enfants, les accompagnant tout au long de leur scolarité ;
  • création du bonus périscolaire par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) afin d'assurer le financement des accueils de loisirs pour l'accompagnement des enfants en situation de handicap ;
  • création d'un cahier des charges de l'université inclusive ;
  • renforcement de l'accompagnement individuel dans les établissements du supérieur ;
  • simplification de l'accès aux bourses étudiantes pour les étudiants en situation de handicap et les étudiants aidants ;
  • transformation des pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL) en pôles d'appui à la scolarité dès la rentrée 2026, avec un professeur spécialisé en renfort ;
  • responsabilité donnée à l'Éducation nationale de scolariser tous les enfants.

Ces mesures répondent au quatrième engagement de la stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement : autisme, DYS, TDAH, TDI, qui consiste à adapter la scolarité de la maternelle à l'enseignement supérieur. Les liens entre l'école et les professionnels (médico-sociaux, libéraux, hospitaliers) seront favorisés pour prévenir les ruptures et travailler l'orientation.

La Conférence nationale du handicap 2023 renforce par ailleurs la coopération entre l'Éducation nationale et le secteur médico-social.

Dans son rapport, la Défenseure des droits dénonce toutefois des freins à l'inclusion scolaire :

  • il est trop souvent demandé aux enfants handicapés de s'adapter au système scolaire ;
  • les contraintes de gestion priment sur l'intérêt supérieur de l'enfant.

Si la loi relative à la liberté de création du 7 juillet 2016 facilite l'accès des personnes handicapées à la culture, un rapport de 2023 de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur le handicap en France souligne que la loi du 11 février 2005 ne mentionne pas spécifiquement l'accès à la culture. Cela révèle, selon la CNCDH, un "impensé", contrairement à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui impose aux parties signataires, dont la France, de reconnaître "le droit des personnes handicapées de participer à la vie culturelle, sur la base de l'égalité avec les autres".

Pour une école inclusive

La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 introduit dans le code de l'éducation la notion d'école inclusive. Le texte favorise la scolarisation des élèves en situation de handicap en milieu ordinaire.

Le nombre d'élèves scolarisés est en progression constante. À la rentrée 2022, 436 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés dans les établissements scolaires ordinaires (+34% depuis 2017 - Journées de l'éducation 2023 : quelles avancées pour les élèves handicapés ?). Près de 67 000 élèves étaient scolarisés en établissement médico-social ou hospitalier. 

À la rentrée 2022, de l'école élémentaire au lycée, 10 272 ULIS accueillent des élèves en situation de handicap (contre 8 850 en 2018, selon le comité interministériel du handicap 2018) ; et 84 unités d'enseignement en maternelle autisme (UEMA) et unités d'enseignement élémentaire autisme (UEEA) ont été créées. Les étudiants en situation de handicap dans l'enseignement supérieur étaient 51 000 à la rentrée 2021 (+28,1% en un an, soit 11 198 étudiants supplémentaires). La quasi-totalité de ces étudiants bénéficie d'un accompagnement au titre du handicap.

Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de juillet 2023 à janvier 2024, reconnaît que, malgré un meilleur accueil des élèves en situation de handicap, il faut plus de moyens humains "pour rendre leur accueil satisfaisant".

Toutefois, la qualité de la scolarisation et des accompagnements proposés ne répondent pas complètement aux attentes des familles. Dans son rapport de 2022, la Défenseure des droits signale être régulièrement saisie "par des familles dont l’enfant se voit refuser par l’établissement une scolarisation complète, voire toute scolarisation, au motif de l’impossibilité des équipes éducatives à accueillir l’enfant en l’absence de son AESH". Et de souligner que l'accompagnement humain comme principale réponse à l'inclusion est un système global à repenser. Si la mission des AESH est d'accompagner les élèves en situation de handicap, elle n'est aucunement de se substituer à d'autres professionnels (enseignant, éducateur spécialisé, psychologue, médecin, etc.).

La Défenseure des droits rappelle que la rapporteuse spéciale des Nations unies, dans un rapport sur les droits des personnes handicapées, encourageait en 2019 la France "à passer de l’approche individuelle appliquée actuellement, qui veut que les enfants handicapés s’adaptent au système scolaire, à une approche générale visant à transformer le système d’enseignement de sorte qu’il accueille, dans une démarche inclusive, les enfants handicapés".

Le rapport du Sénat de mai 2023 souligne "que le phénomène de massification de l'aide humaine traduit aussi les dysfonctionnements d'un système d'inclusion scolaire, qui a privilégié une logique quantitative, à travers le développement exponentiel de mesures de compensation, au détriment d'une démarche qualitative, qui appelait à mettre une égale priorité sur les enjeux d'accessibilité".

À la rentrée 2019, les premiers pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL) sont créés avant leur généralisation à la rentrée 2021. Ces pôles favorisent la coordination des ressources au plus près des élèves handicapés pour une meilleure prise en compte de leurs besoins.

La progression de la population étudiante handicapée est de 14,1% chaque année, du fait de l’inclusion grandissante des enfants en situation de handicap dans l’enseignement scolaire. Ils représentent 2,2% de la population étudiante. Le plan d'accompagnement de l'étudiant en situation de handicap (PAEH) est un dispositif leur permettant de bénéficier des aménagements nécessaires en fonction de leurs besoins (matériel adapté, preneur de notes, temps supplémentaire…). La part des étudiants en situation de handicap bénéficiant d'un PAEH est de 91,6% en 2021 ; ils sont 76,4% à bénéficier d'aménagements pour les examens.