Comment devient-on soignant ?

Nous les avons applaudis. Longuement. Tous les soirs à 20h. Nous les avons chéris, souvent traités de héros. Des hommes et des femmes qui font tenir tant bien que mal notre système de santé.

Des professions qui donnent du sens, utiles à la société mais en manque de moyens matériels et humains, en manque de reconnaissance aussi. Comment convaincre les jeunes d’endosser ces carrières ?

Quelles sont les qualités requises ? Quelles sont les formations et diplômes nécessaires ?

Avec :

• Anna Roy est sage-femme, auteure et chroniqueuse à la maison des maternelles sur France 2. Auteure de Baby clash, devenir parents sans s'étriper ! - Larousse 03/01/24
• Frédérique Alexandre Bailly est directrice générale de l'Onisep
• Julie Devictor (PhD ) est infirmière en pratique avancée au service d’hépatologie de l’Hôpital Beaujon, APHP, Clichy-la-Garenne
• Tassio Moura Da Silva est interne en médecine générale à Lourdes
• Gwénaëlle Boulet pour sa chronique “Ma vie de parent”

Les plus beaux métiers du monde mais aussi les plus éprouvants

Bien que les soignants suscitent beaucoup de fascination, leurs métiers nécessitent beaucoup de résilience. Le revers de ces métiers ? les périodes de découragement fréquentes liées à des problèmes de rémunérations, de dégradation des conditions de travail, de sous-effectifs, autant de problématiques avec lesquelles nos trois intervenantes estiment qu'il faut apprendre à vivre.

Anna Roy rêvait de devenir sage-femme à l'âge de 7-8 ans et confie que quand on parle du secteur de la santé et des professions qui s'y rattachent, le mot épuisement physique et mental, le manque de moyens, de reconnaissance reviennent souvent frapper le quotidien. Elle explique que si "ce sont à la fois les plus beaux métiers du monde, ce sont en même temps les métiers les plus exigeants du monde, et dans lesquels les praticiens sont mis sous tension en permanence. Cela fait partie du quotidien et de la beauté aussi de notre quotidien exceptionnel. C'est en même temps des  métiers merveilleux où l'adrénaline, le travail d'équipe sont sans pareil. C'est ce qui nous fait tenir face à l'envers du décor, en plus d'évoluer, d'opérer une variété d'activités, de travailler dans une équipe soudée, c'est extrêmement réjouissant. Dans un hôpital, vous êtes comme des frères et des sœurs, car pour dépassionner les difficultés et les épreuves que ces métiers suscitent, on crée des liens sans nul autre pareil."

Entre vocation et trop grande idéalisation du métier

Quand il s'agit de conseiller des étudiants sur des parcours d'orientation, il est impossible de ne pas aborder les difficultés qui définissent ces métiers de santé. C'est indispensable aussi pour Frédérique Alexandre Bailly, **car il ne faudrait pas que les jeunes se dirigent vers le métier uniquement pour le côté idéaliste : "Il faut que les étudiants et les aspirants soignants prennent du recul par rapport à une image trop idéale du métier, car c'est ce qui fait que beaucoup abandonnent aussi dès la première difficulté. La première recommandation que je ferais à des jeunes qui s'intéressent à ces métiers, c'est de regarder l'ensemble du métier et de ne pas trop idéaliser. II faut être au courant de tous les aspects, même les plus éprouvants pour se diriger avec une motivation solide qui ne soit pas exclusivement fondée sur le rêve."

Anna Roy et Julie de Victor estiment que le mot vocation, s'il est très souvent sous-entendu de manière bienveillante reste un mot piège qui induit très malicieusement l'idée qu'il faille endurer les difficulté quelles qu'elles soient pour son métier : "La question de la vocation, c'est une question qui fait partie des mythes que nous avons sur l'orientation professionnelle. Réfléchir à ce qu'on a envie de faire, c'est trouver une correspondance entre ce qu'on aime faire dans la vie, entre ce à quoi on a envie de contribuer, entre ce qu'on peut faire, les contraintes et l'endroit où on a envie de vivre. C'est un travail qui est le même pour tout le monde, quel que soit le secteur d'activité dans lequel on atterrit."

Une multiplicité de métiers de santé trop méconnus

Il y a des postes dans tous les secteurs du médical et paramédical et surtout, il y a énormément de métiers qui ne sont pas du tout connus par les jeunes, et qui mériteraient de l'être. Frédérique Alexandre Bailly en énumère quelques-uns :

• Le pédicure podologue, un métier qui permet de regarder comment les gens marchent.

• Ergothérapeute, qui répondent au besoin d'accompagner des patients qui ont perdu l'usage d'une partie de leurs facultés, qui ne savent plus faire des gestes et qui vont être accompagnés de façon très médicalisée à l'hôpital. Il y a aussi des travaux qui peuvent être menés dans la vie quotidienne pour aider, par exemple, les personnes qui vieillissent.

• Le métier d'infirmière en pratique avancée comme Julie de Victor qui rappelle que c'est un métier nouveau en France depuis 2016 où on compte 2 400 infirmières dans ce cadre-là. Ce sont des infirmières qui vont suivre des patients en consultation, en alternance avec les médecins, toujours dans le cadre d'une équipe de soins. Cela nécessite deux années de plus de formation à l'université, ce sont des infirmières expérimentées qui peuvent prescrire un certain nombre de médicaments, d'examens biologiques ou demander des examens radiologiques par exemple. C'est une nouvelle voie de carrière pour des infirmiers et dans le paysage de santé français avec 700 nouveaux diplômés par an.

Les métiers de santé sont accessibles à toutes et tous

Dans ses ouvrages, Frédérique Alexandre Bailly détaille tous les parcours possibles sur chacun de ces métiers, et sur le plateau de Grand bien vous fasse elle tient à rappeler qu'il y a mille et une façons d'exercer un métier de santé : "Il n'y a pas de grandes filières possibles quand on souhaite s'orienter vers un métier de santé, on peut s'y engager avec un CRP comme avec un doctorat, voire avec des spécialisations au-delà du doctorat. Il y a une multitude de filières et pour le même métier, il y a des possibilités d'entrer en ayant fait des parcours très différents. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a plein de façons d'accéder à ces métiers et qu'il existe aussi de plus en plus de passerelles. Il n'y a pas de parcours linéaire dans la vie. Il y a des aventures avec plusieurs chemins, plusieurs rencontres avec des possibilités de bifurquer, de changer de métier, de passer de l'hôpital à l'exercice libéral, de revenir à l'hôpital, de progresser dans la carrière, de changer de mode d'activité."

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