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Décryptage

Transition écologique : vers un malus pour les produits de la « fast fashion »

Le gouvernement va soutenir la proposition de loi sur la « mode jetable » des députés Horizons, qui va être examinée à l'Assemblée. Elle prévoit, pour les entreprises concernées, une obligation d'affichage environnemental, un malus et l'interdiction de toute publicité.

Une grande partie des vêtements jetés et collectés sont exportés vers l'Afrique, où les capacités de tri et de recyclage sont insuffisantes.
Une grande partie des vêtements jetés et collectés sont exportés vers l'Afrique, où les capacités de tri et de recyclage sont insuffisantes. (Simon Maina/AFP)

Par Anne Feitz

Publié le 4 mars 2024 à 18:10Mis à jour le 4 mars 2024 à 18:24

Le gouvernement part à l'assaut de la « fast fashion », cette « mode jetable » proposée par des marques chinoises comme Shein ou Temu . Lors d'un colloque organisé ce lundi, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé que le gouvernement soutiendrait la proposition de loi présentée par des députés Horizons (il est lui-même numéro deux du parti), qui sera débattue à l'Assemblée le 14 mars prochain.

« Il s'agit avant tout de réduire l'impact environnemental de cette industrie », a insisté, lors du colloque, la députée Anne-Cécile Violland, rapporteur du texte. Avec leurs milliers de nouvelles références quotidiennes (7.200 par jour pour Shein ) et leurs prix défiant toute concurrence, ces marques contribuent lourdement à la détérioration de la planète.

« Frapper très très fort »

Représentant 10 % des émissions de gaz à effet de serre, l'industrie textile contribue à la pollution des sols, mais aussi à la production d'une quantité astronomique de déchets, notamment plastiques. Cet impact dramatique sur l'environnement se double d'un impact social (violation des droits humains) et économique (destructions de filières locales).

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Le texte des députés Horizons veut donc « frapper très très fort sur ceux qui font très très mal », a expliqué Anne-Cécile Violland. Toute la question sera de définir les entreprises concernées. Pour l'instant, la proposition de loi se borne à expliquer que cette définition dépendra du « nombre de nouveaux modèles par unité de temps » ou « du nombre de modèles et de la durée moyenne de commercialisation » et que les seuils seront fixés par décret.

Or le choix de ces seuils est loin d'être neutre : de leur niveau dépendra l'inclusion ou pas de certaines marques. « Le nombre de nouvelles références est de 7.000 par jour chez Shein et d'environ 500 par semaine chez H&M ou Zara… A titre de comparaison des enseignes françaises en difficulté comme Pimkie comptaient 1.500 nouveaux produits par an », avance Charlotte Soulary de l'ONG Zero Waste France.

Le texte prévoit de soumettre les marques concernées à de nouvelles contraintes. Elles devraient ainsi afficher leur score environnemental - un dispositif déjà prévu sur la base du volontariat à compter de janvier 2025, qui pourrait donc devenir obligatoire pour elles. Christophe Béchu a annoncé ce lundi qu'il relancerait mi-mars la concertation sur cet « éco-score » du textile.

Principe « pollueur-payeur »

Les marques se verraient aussi potentiellement soumettre à un « malus », qui pourrait représenter jusqu'à 50 % du prix du produit et atteindre à terme un plafond de 10 euros. Ce malus s'inscrirait dans le dispositif de la responsabilité élargie du producteur qui pose le principe « pollueur-payeur » : aujourd'hui l'écocontribution à laquelle sont soumises les entreprises textiles ne peut dépasser 20 % du prix du produit.

« Ces entreprises font des profits mais elles laissent à la planète le soin de trouver des ressources publiques pour éliminer les dégâts causés par leur mode de production », a insisté Christophe Béchu, évoquant les coûts « de dépollution, de retour à la nature, de collecte, etc. ». Le ministre se dit également favorable à la mise en place d'un bonus pour les entreprises les plus vertueuses, un dispositif qui ne figure pas dans le texte des députés Horizons.

Les marques concernées seraient aussi interdites de publicité, sur tous les supports, y compris par des influenceurs. Dans son exposé des motifs, le texte rappelle que la loi climat et résilience a interdit la publicité pour les énergies fossiles ou celles relevant d'une démarche de « greenwashing », sans doute pour prévenir la levée de boucliers que cette interdiction pourrait susciter.

Shein n'a d'ailleurs guère tardé à réagir, invoquant l'impact du texte sur « le pouvoir d'achat de millions de Français ».

La proposition de loi pourrait faire l'objet de modifications d'ici son examen, la semaine prochaine, notamment après son passage en commission environnement ce jeudi. Le député LR Antoine Vermorel-Marques, qui a déposé mi-février une proposition de loi concurrente sur le sujet, s'est dit prêt à soutenir le texte Horizons si un compromis est trouvé. Il défend lui-même un système de bonus/malus, mais se dit totalement opposé à l'interdiction de la publicité.

Un lourd impact environnemental

L'industrie textile affiche un lourd impact environnemental. Non seulement elle représente 10 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, mais elle génère aussi une quantité astronomique de déchets, notamment plastiques. « Le polyester est devenu la fibre la plus utilisée par l'industrie textile en 2000, et sa production a, depuis, plus que doublé. En 2030, il représentera 85 % du total », rappelle Nusa Urbancic, directrice générale de la Changing Markets Foundation.

Or, non seulement ces fibres plastiques sont fabriquées avec des énergies fossiles, mais elles sont difficilement recyclables. Et quand elles le sont, les capacités de collecte et de traitement n'existent pas forcément. Sans parler des microfibres rejetées lors de leur lavage.

Plus généralement, la teinture et le traitement du textile génèrent 20 % de la pollution des eaux. Et le coton est la première culture consommatrice de pesticides.

Anne Feitz

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