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Comment la guerre informationnelle menace les intérêts français

Invités par le Sénat, trois chercheurs alertent sur les offensives informationnelles de régimes autoritaires contre nos intérêts et notre modèle de société. Ils pointent « la menace la plus grave qui s'est jamais présentée » pour la France.

Les jeunes seraient particulièrement exposés aux campagnes de désinformation étrangères sur les réseaux sociaux.
Les jeunes seraient particulièrement exposés aux campagnes de désinformation étrangères sur les réseaux sociaux. (Shutterstock)

Par Hadrien Valat

Publié le 4 mars 2024 à 16:38Mis à jour le 4 mars 2024 à 17:28

Réunis jeudi pour une table ronde sur la « guerre informationnelle » à l'initiative du Sénat, les chercheurs invités dressent un tableau particulièrement alarmant des périls qui guettent la France et les démocraties. « En historien, j'ai retracé plus d'un siècle de manipulation de masse, nous sommes en présence de la menace la plus grave qui s'est jamais présentée sur notre pays », alerte David Colon, enseignant-chercheur à Sciences Po Paris.

Pendant près de deux heures, les trois spécialistes ont décrit la « guerre totale » que mènent les régimes autoritaires, Chine et Russie en tête, contre les sociétés démocratiques. « Totale, parce que le Kremlin s'appuie sur les tous les moyens à sa disposition, étatiques et entreprises privées proches du Kremlin : des moyens considérables », étaye David Colon, en rappelant l'épisode des étoiles de David taguées sur des murs parisiens en pleine guerre à Gaza.

Etoiles de David taguées

Les tags, qui avaient provoqué un émoi considérable, étaient, selon toute vraisemblance, une opération de déstabilisation pilotée par les services secrets russes. « La guerre hybride n'est presque plus hybride, la Russie assume maintenant », abonde Frédéric Charillon, professeur en science politique et relations internationales.

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Les puissances qui visent les démocraties occidentales souhaitent les acculer et les décrédibiliser, « déstabiliser la démocratie en tant que tout, montrer l'image d'un chaos », selon Frédéric Charillon. Jusqu'à maintenant, la France accuse le coup, à cause d'une « sous-estimation, voire un déni de l'ampleur de ce problème », souligne Nicolas Tenzer, président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique (Cerap).

Intérêts français dans le Sahel

Et « nous avons connu, peut-être, déjà beaucoup de défaites dans ce domaine », constate Frédéric Charillon, faisant notamment référence aux campagnes de désinformation très agressives qui ont ciblé les intérêts français dans le Sahel ces dernières années.

De manière générale, ces Etats autoritaires cherchent à « amplifier tout mouvement de contestation », observe Nicolas Tenzer, même s'ils n'ont a priori idéologiquement rien à voir : les antivax, le mouvement anti-migrants Pegida en Allemagne, Black Lives Matter aux Etats-Unis, la colère des agriculteurs ou des gilets jaunes en France… Comme a pu le faire le média affilié au Kremlin Russia Today et d'autres médias dits de « réinformation ».

Le danger Tik Tok

Les chercheurs ont pointé du doigt la dangerosité du réseau social chinois TikTok , aux algorithmes et au fonctionnement particulièrement opaques, qui est un des terrains de jeu privilégiés de la désinformation auprès des jeunes. L'application, qui refuse la transparence et récupère des quantités phénoménales de données personnelles de ses utilisateurs, donne « un accès direct aux cerveaux de 22 millions de Français au PC Chinois », note David Colon. Cette « infodémie » concernerait aussi la manipulation des tendances sur X (ex-Twitter), pour faire monter les sujets les plus clivants ou critiques à l'égard de nos démocraties.

Les réseaux sociaux ne sont qu'un parmi de nombreux « terrains » où se joue la guerre d'influence. Les Etats mis en cause « profitent du système politique ouvert des démocraties en sachant qu'il n'y aura pas de réciprocité », analyse Frédéric Charillon. Les chercheurs ont ainsi exposé les pressions exercées par certains pays autoritaires sur les universités françaises et occidentales, parfois par le biais de leurs citoyens qui y étudient.

Jeux olympiques

Ils souhaitent une plus grande transparence en ce qui concerne le financement des établissements du supérieur et des think tanks. Ils insistent aussi sur la nécessité de mettre fin à « la corruption intellectuelle », voire « l'intelligence avec l'ennemi » des anciens élus ou fonctionnaires aux hautes responsabilités qui travaillent pour des puissances étrangères, comme l'appelle de ses voeux Nicolas Tenzer.

Les élections européennes et les Jeux Olympiques pourraient à leur tour être la cible de campagnes de désinformation étrangères. S'il est encore temps, la France doit, d'ici là, améliorer sa protection et sa résilience à la déstabilisation. « La France a réalisé des progrès considérables. Nous avons réagi très tard […] mais pas trop tard », estime David Colon.

Hadrien Valat

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