Interview

Sylvie Retailleau : « En tant que femme, j’ai dû travailler beaucoup plus »

ENTRETIEN. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, présente au Paris-Saclay Summit, milite pour une plus grande proportion des femmes dans les carrières scientifiques.

Propos recueillis par

Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
© Blondet Eliot/ABACA

Temps de lecture : 3 min

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En 1973, en France, 600 femmes avaient obtenu le titre d'ingénieure, soit à peine 5% du nombre total de diplômés. En 1980, cette proportion était de 10%. Aujourd'hui, les écoles d'ingénieurs accueillent seulement 28% de femmes, un chiffre qui n'a pas progressé en dix ans, d'après une étude de l'Institut des politiques publiques (IPP).

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Pourquoi les jeunes filles sont-elles toujours si peu attirées en 2024 par les carrières scientifiques ? Quels clichés faut-il combattre d'urgence pour changer la donne ? La ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, physicienne de formation et présidente de l'université Paris-Saclay de 2016 à 2022, évoque ses pistes pour remédier à la désertion des femmes dans ces cursus.

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Le Point :En tant que physicienne de formation, quels freins avez-vous rencontrés dans vos études, dans votre carrière ?

Sylvie Retailleau : J'ai eu beaucoup de chance. Si mon prof de physique de terminale n'envisageait pas qu'une fille puisse poursuivre dans cette voie, mon prof de maths, lui, avait convoqué mes parents pour les convaincre que je devais faire une classe préparatoire plutôt que les études de médecine auxquelles je me destinais. Je ne suis jamais passée à côté d'opportunités parce que j'étais une femme. En revanche, j'ai dû travailler beaucoup plus. Et j'ai pris conscience, en devenant présidente de l'université Paris-Sud (aujourd'hui Paris-Saclay), à quel point le système était encore patriarcal. Sur 14 chefs d'établissement, j'étais la seule femme. Un homme est immédiatement légitime, une femme doit faire ses preuves.

Comment expliquez-vous que les filières scientifiques soient encore aujourd'hui désertées par les femmes ?

Il subsiste un terrible malentendu qui consiste à faire des mathématiques et de la physique des voies d'excellence, inaccessibles. Il faut d'urgence combattre cette idée. Ensuite, nous avons souvent en tête des représentations obsolètes et déconnectées de la réalité. On s'imagine par exemple les métiers de l'ingénierie (28 % de femmes dans les écoles d'ingénieurs) ou de la tech comme destinés aux hommes. Or c'est faux. On utilise aujourd'hui la technologie dans les domaines de la santé, du soin, en biologie. Avec l'avènement de l'intelligence artificielle se posent aussi de nombreuses questions philosophiques. On ne vend pas assez les filières scientifiques comme des ouvertures pluridisciplinaires.

D'autant qu'aujourd'hui les problématiques du « care » (le soin), de l'environnement n'intéressent plus seulement un public essentiellement féminin. N'est-ce pas une occasion pour « dégenrer » les filières ?

La génération qui arrive est en quête de sens. Elle est impliquée dans la transition écologique et accorde une grande importance aux questions sociétales, environnementales et éthiques. Je suis très confiante en sa capacité à changer la donne.

En attendant, quelles sont les pistes pour combattre ce déséquilibre ?

Il faut prendre le problème dès le primaire. C'est impensable que moins de 30 % des lycéennes choisissent la spécialité maths en 2024. Comment favoriser l'enseignement des matières scientifiques dès le plus jeune âge ? En permettant aux jeunes de s'identifier à des modèles. Pour cela, je remets le prix Irène-Joliot-Curie à plusieurs chercheuses pour valoriser leur parcours. Nous pouvons aussi compter sur le programme « Tech pour toutes » et sur des associations comme La Main à la pâte ou sur les maisons des sciences, partout en France.

Où se situe la France par rapport à ses voisins européens ?

Nous ne sommes pas les seuls à rencontrer ce problème de représentation des femmes dans les filières scientifiques. L'Allemagne est moins bonne que nous, ainsi que l'Italie. Parmi les bons élèves, on distingue la Suède et le Portugal, deux pays culturellement très différents. Qu'est-ce qui, dans leurs politiques publiques, permet d'attirer les femmes vers les sciences ? C'est ce que nous analysons de près pour continuer à trouver de nouvelles solutions.

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Commentaires (11)

  • Yuropp

    Ce qu'elle dit sur l'importance des maths en primaire est vrai mais, plus que d'afficher des "images pieuses", il faudrait former les institutrices à l'enseignement des maths (enseigner, pas juste montrer… je sais, c'est du taf !). Car ce sont des littéraires, dont beaucoup le sont devenues "par l'échec".

    Sinon, je suis allé faire un tour sur le pédigrée de la madame : c'est pas mal, pas mal du tout (en tout cas mieux que Bompard, "le roi de la biblio"). Mais elle s'est très vite dégagée de la science direction la gestion et la politique… C'est encore un mal français… Imaginez qu'un Musk ait décidé, il y a 10 ans, d'abandonner la technique pour diriger une quelconque université… privant ainsi l'humanité de plusieurs industries vitales ? Mais en France, la technique n'a pas de pouvoir…

    tav 29-02-2024 • 20h22 : "où sont les femmes éboueurs?! "
    Avec les aides à la manutention sut des poubelles normalisées, ce n'est plus un métier aussi pénible qu'avant, et c'est plutôt bien payé. Par contre,
    --> c'est un métier "d'extérieur", exposé aux intempéries (mais moins que couvreur, ou du moins c'est moins dangereux).
    --> Et puis, ça pue ! (mais d'autre métiers sont dans le même cas : qui croirait que débiter la viande dans une boucherie représente une telle gêne olfactive  ?)
    Par contre, dans certaines villes, les équipes en place refuseront la présence de femmes "pour raison culturelle". Et comme ils on la grève facile…

    Il est beaucoup plus utile (et urgent) de remettre en selle "Rosie la riveteuse'dégradée en une espèce de symbole du féminisme inopérant mais hargneux, alors qu'elle représente toute ces femmes qui ont fabriqué les milliers de bombardiers qui ont aplati les industries allemandes et japonaises. Nous avons besoin de Rosie et ses copines pour fabriquer des Rafales et des Scalp-eg. N'en déplaise à la nouille qui nous sert de président et aux inopérantes pour qui la "libération" de la femme signifie "toutes fonctionnaires de gauche payées à ne rien faire"

  • ultracrépidarien

    J’affirme avec conviction en tant qu’homme (aussi blanc et vieux que ces grincheux) : oui Mme Retailleau a raison, une femme doit travailler beaucoup plus pour arriver aux mêmes niveaux de responsabilité. D’ailleurs c’est pour cette raison que la minorité qui y parvient présente souvent une personnalité particulière qui lui vaut des procès en autoritarisme.

  • Libéral-laïc-conservateur

    Si j'en juge par l'article, oui, travailler à se plaindre en permanence pour convaincre que si elle n'a pas le poste plutôt que les mecs plus compétents qu'elle, elle se repandra pour dire que c'est par sexisme.