Menu
Libération
«C’est bibi qui paye»

Déconcentration, simplification : Emmanuel Macron remonte les bretelles des cadres de la fonction publique

Fonction publiquedossier
Soucieux de voir ses promesses de 2017 concrétisées, le chef de l’Etat charge ses ministres et les dirigeants des administrations de donner plus de place au niveau local et de mieux associer les citoyens au fonctionnement des services publics.
par Frantz Durupt
publié le 12 mars 2024 à 15h44

Emmanuel Macron et Gabriel Attal se sont livrés, ce mardi matin à Paris, à un exercice quelque peu acrobatique devant 700 cadres de l’Etat, issus de tous les pans de la fonction publique : il s’agissait de vanter leurs mérites, en rappelant l’efficacité collective des services publics lorsque la situation – sanitaire, avec le Covid-19, sécuritaire, avec les attentats – l’impose, tout en leur disant que si les grandes promesses de simplification, au cœur du macronisme de 2017, n’étaient pas encore tenues, c’était globalement de leur faute.

«La lucidité me conduit à dire que la perspective générale n’est pas qu’on a massivement simplifié», a ainsi lancé le chef de l’Etat au milieu d’un discours de plus d’une heure, soulignant «la difficulté» qui serait la sienne : quand il édicte de grands principes, tel le «droit à l’erreur» censé protéger le citoyen contre une administration intransigeante, ceux-ci sont ensuite dépouillés «à chaque étage». Si bien, pour reprendre cet exemple, que la loi finalement adoptée en 2018 comporte «plein d’exceptions». Et à la fin, «c’est bibi qui paye» avec de récurrentes critiques en «déconnexion», ce qui n’est «bon pour personne, parce que ça veut dire qu’on a laissé le président de la République […] prendre un engagement, et on s’est accommodé, on a dit “on va faire comme on a toujours fait”».

Alors «bibi», revêtant ses habits de startuper en chef, a chargé les pontes de la fonction publique réunis devant lui d’une mission : donner de l’«intensité», de la «force», de la «radicalité» au mouvement déjà engagé. La déconcentration, promue par la loi Dussopt de 2019 ? «Je ne vous lâcherai pas», avertit Emmanuel Macron, estimant que dans certains ministères, «c’est comme si on n’avait pas pris la loi, tout est resté au niveau central». Selon lui, «la bonne maille est départementale» et non régionale.

Un retour à la verticalité

La simplification ? Pour le chef de l’Etat, on assiste à une «taylorisation des agents sur le terrain», du fait de la quantité d’ordres émis au niveau national : «Quand vous recevez chaque jour une à deux instructions, vous ne pouvez plus réfléchir à ce que vous faites, vous êtes déresponsabilisé.» Il faut, dit-il, «faire confiance à ceux qui sont au plus près du terrain», «inverser la pyramide», ce qu’il promettait déjà lors du lancement de sa première campagne présidentielle, dans son meeting culte («notre projeeet») de la fin 2016, où il vantait les mérites des agents de proximité, qui sont ceux «qui connaissent la dynamique en œuvre, les problématiques complexes et veulent changer les choses».

Depuis, si la crise du Covid-19 a permis d’expérimenter des modes d’organisation plus horizontaux, par exemple dans les hôpitaux, bien des agents ont ensuite déploré un retour à la verticalité. A sa suite, Gabriel Attal a chargé chaque ministère de «formuler dix simplifications qui se voient» d’ici au printemps. Pour remonter le moral des troupes, le Premier ministre, qui lui aussi «veut que ça déroule», a raconté qu’à Washington, l’équivalent américain du directeur de la Direction générale des finances publiques avait «des larmes dans les yeux» lorsqu’il lui montrait les captures d’écran qu’il avait faites du site Impots.gouv.fr. On sait aussi faire de belles choses.

Les économies, angle mort du discours de l’exécutif

Il faut aussi, a dit Emmanuel Macron, davantage associer les citoyens au fonctionnement des services publics, avec une généralisation des Conseils nationaux de la refondation pour la santé et l’école, qui permettent de «mettre les acteurs autour de la table et construire de la décision collective». Les citoyens «ne demandent pas à participer, à être vaguement consultés, ils veulent faire avec nous». A une question du directeur d’une agence régionale de santé qui déplorait qu’il n’existe pas d’espace collectif de discussion réunissant les administrations et les usagers au sujet du «premier recours» (autrement dit, l’accès à un médecin traitant), le chef de l’Etat a ainsi répondu : «Faites-le, je vous en donne le mandat !»

Reste un angle mort du discours de l’exécutif : le fait que le ministère de l’Economie charge les administrations d’économiser 10 milliards d’euros dès cette année, dont 780 millions de réduction de la masse salariale. Comment ? Un sujet que ni Emmanuel Macron ni Gabriel Attal n’ont évoqué, le Premier ministre choisissant au contraire de mettre l’accent sur l’attractivité de la fonction publique, censée être revigorée par un projet de loi qui sera présenté cet automne.


Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique