Dimanche 17 mars, les arrêtés qui précisent les contours de la réforme du collège souhaitée par Gabriel Attal ont été publiés au Journal officiel. À côté des fameux groupes de niveau, d’autres mesures ont été actées, qui ont fait couler beaucoup moins d’encre. Ainsi, en va-t-il de la réforme du brevet des collèges, qui devient indispensable pour être admis au lycée. Les recalés devront suivre une année supplémentaire de remise à niveau, avant de rejoindre une classe de seconde. Chaque académie doit déployer une de ces classes, à titre expérimental, à la rentrée prochaine. L’idée ? Ne plus faire passer systématiquement des élèves qui cumulent des lacunes en mathématiques et en français.

Gabriel Attal y voit un moyen de redresser le niveau des élèves, devenu alarmant ces dernières années comme l’a souligné notamment l’enquête Pisa 2023. Cette décision pourrait présenter certains effets pervers, préviennent les parents d’élèves, et contrevenir à une autre priorité gouvernementale, l’accueil des élèves handicapés dans les classes ordinaires.

En effet, si ce nouveau statut du brevet des collèges ne devrait pas changer le cours de la scolarité d’une grande majorité d’élèves, pour lesquels cet examen relève de la simple formalité – le taux de réussite était de 90 % en 2023 –, il pourrait constituer un obstacle à la poursuite d’études de certains élèves handicapés. C’est du moins la crainte de la CFDT, relayée par de nombreuses associations de familles.

« Ils ne seront jamais bons en orthographe »

Pour ces élèves, faire du brevet un sésame pour le lycée, reviendrait à leur compliquer l’accès au lycée, et notamment à la voie professionnelle qu’ils choisissent pourtant souvent (28 % contre 9 % des autres élèves).

Aussi, il s’agit « d’un rétropédalage absurde », estime Nathalie Groh, présidente de la Fédération française des Dys. Son association s’apprête à monter au créneau, pour dénoncer la situation. « Contraindre ces élèves à suivre éventuellement cette prépa lycée, qui n’est autre qu’une forme de redoublement, alors qu’ils sont déjà souvent en retard et qu’ils ne seront jamais bons en orthographe, n’a pas de sens. Ils n’ont qu’une envie, c’est d’entrer le plus vite possible en voie professionnelle où généralement ils s’en sortent très bien. »

Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT s’inquiète aussi d’une mesure inadaptée selon elle. « Les évaluations, dont celles du brevet, ne sont que très mal adaptées aux troubles des apprentissages, décrit-elle. Et donc le risque est grand que les enfants porteurs de ces troubles se retrouvent une fois de plus en grande difficulté. C’est aux antipodes des objectifs de l’école inclusive. »

« Leur échec signe surtout le manque d’accompagnement »

Mêmes réserves du côté des associations d’élèves hyperactifs, où l’on attend avec impatience d’éventuelles précisions du ministère lors du comité national de suivi de l’école inclusive, attendu en avril. « Ce qui me gêne, ce n’est pas tant l’idée de faire du brevet une barrière, car faire passer tous les élèves, même les plus en retard, dans la classe supérieure n’est pas toujours une bonne idée, concède Christine Gétin, présidente de l’association HyperSupers TDAH. Ils se retrouvent alors enfermés dans trop de difficultés. Ce que je trouve désolant, c’est tout ce qui n’a pas été fait en amont. Ces jeunes devraient avoir le brevet. Leur échec signe surtout le manque d’accompagnement en cours de scolarité. »

Manque de personnel d’accompagnement dès le primaire, difficulté à obtenir, par exemple, un ordinateur adapté pendant la classe au cours du collège… Les parcours de ces élèves restent compliqués. D’ailleurs, ils sont nombreux à décrocher avant la fin de la troisième. « Selon une enquête auprès de nos adhérents, 16 % des enfants sont, de fait, exclus de leur établissement en cours de scolarité. Ceux-là n’arrivent même pas au brevet des collèges », s’indigne-t-elle. Et la nouvelle mouture pourrait les en éloigner encore un peu.