Louis Baldasseroni est maître de conférences en histoire contemporaine à Nîmes, auteur d’Histoire des transports et des mobilités en France. XIXe-XXIe siècles (Armand Colin, 2022).
De quelle époque date-t-on le réseau routier moderne ?
Louis XV crée en 1716 le corps des ingénieurs des ponts et chaussées et, en 1747, l’Ecole royale des ponts et chaussées, au sein de laquelle les ingénieurs forment leurs pairs. Les pratiques d’aménagement, ainsi harmonisées, aboutissent à la construction d’un réseau routier unifié, qui garantit à chaque région une desserte routière. Au XVIIIe siècle, les Cassini, famille de cartographes, répertorient les routes royales, qui deviendront routes impériales puis nationales.
Cette logique d’équité territoriale est-elle toujours en vigueur aujourd’hui ?
Elle a irrigué la construction des routes jusqu’au milieu du XXe siècle. Mais, à partir des « trente glorieuses », sur le modèle américain, la France s’est mise, avant de construire des routes, à calculer leur rentabilité économique en s’appuyant sur le dénombrement du trafic et son évolution.
Comment définit-on les autoroutes, qui se sont généralisées après-guerre ?
Selon la loi du 18 avril 1955, ces voies ne comportent pas de croisement à niveau, les deux sens de circulation sont séparés et les véhicules lents en sont exclus. La loi prévoit la possibilité d’instituer des péages pour les financer. Les premiers projets datent des années 1920 et 1930, mais on estime que le premier tronçon a été mis en service en 1941. Elles ont accompagné les grandes opérations à vocation touristique de l’Etat aménageur, dans le Languedoc ou vers les stations de ski des Alpes. En Bretagne, il s’agissait aussi de garantir l’accès des produits de la mer au marché d’intérêt national de Rungis.
Quels sont les impacts du réseau routier à long terme ?
Outre le développement du tourisme, on a constaté une augmentation des déplacements domicile-travail. Car, si le temps de transport n’a pas bougé depuis cent ans, le renforcement du réseau routier s’est traduit par une augmentation des distances. Cette politique a également contribué à la métropolisation et justifié le déclin du fret ferroviaire.
Peut-on considérer qu’on n’a plus besoin de nouvelles routes aujourd’hui ?
Non, car la question de l’équité territoriale demeure. Si on se réfère au plan des années 1960 et 1970, il reste des barreauxroutiers à aménager. Des régions, notamment dans le Massif central, sont toujours décrites comme à désenclaver. En outre, la route conserve sa puissance symbolique. C’est la route que bloquent les mouvements de contestation, comme l’ont fait les agriculteurs cet hiver.
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