Rachida Dati met les écoles d'art territoriales sous pression

Fustigeant de "l'argent public très mal dépensé", la ministre de la Culture s'est attaquée, lors d'une audition devant l'Assemblé nationale, aux écoles d'art territoriales. Elle leur demande de s'ouvrir à l'apprentissage et à l'alternance et envisage la fermeture de certaines d'entre elles.

Une semaine après l'audition de Rachida Dati devant la commission de la culture du Sénat (lire notre article du 13 mars), on pouvait se demander ce qu'un second passage de la nouvelle ministre de la Culture au Parlement, cette fois devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, pourrait apporter. Cette nouvelle audition, le 19 mars, a été l'occasion de confirmer les difficultés des écoles d'art territoriales, mais aussi de remettre en cause l'existence même de certaines d'entre elles.

Une jungle

Après avoir rappelé que l'accès à la culture pour tous, et notamment dans les territoires ruraux, était sa priorité, Rachida Dati s'est fendue d'un aveu devant les députés : "J'ai découvert la question des établissements d'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de la Culture. Il y en a 99 dont 45 qui sont des écoles d'art et de design." Au-delà de cette première découverte, Rachida Dati confesse également avoir constaté "une jungle dans l'enseignement, une jungle dans la formation".

Puis la ministre n'a pas manqué de rappeler que parmi les trente-quatre écoles supérieures d'art et de design (Esad) territoriales, qui regroupent quelque 8.500 étudiants, "certaines sont en situation de crise malgré l'engagement confirmé de l'État et de certaines collectivités". Elle faisait alors allusion à l'enveloppe budgétaire exceptionnelle de deux millions d'euros débloquée en faveur des Esad territoriales il y a un an à peine (lire notre article du 29 mars 2023).

Vers l'apprentissage et l'alternance ?

Réaffirmant sa volonté de créer au sein du ministère de la Culture une direction dédiée à l'enseignement et à la formation, et de rendre l'apprentissage et l'alternance obligatoires dès septembre 2024 dans tous les établissements sous sa tutelle, Rachida Dati a invité les collectivités à repenser la question des débouchés proposés par les Esad. "Je souhaiterais des écoles performantes avec les mêmes chances de réussite et la même ouverture à tous. Les collectivités devront aussi prendre leur part de responsabilité. Sur les écoles territoriales, nous souhaitons qu'il y ait de l'alternance et de l'apprentissage, mais nous n'avons pas la main", a-t-elle affirmé.

C'est alors que la ministre a brandi une menace… tout en précisant qu'elle n'avait pas le pouvoir personnel de la mettre à exécution : "S'il faut fermer certaines écoles, car aujourd'hui elles n'ont plus les moyens d'offrir un cadre de qualité, peut-être que cela peut être le cas [sic]. Il y a des instances d'évaluation pour cela, ce n'est pas le ministre qui décide sur cet aspect-là."

Disparition programmée ?

En attendant de telles mesures radicales, le ministère est en train de réaliser une cartographie précise pour proposer une stratégie de l'enseignement supérieur "cohérente et ambitieuse". "Il faut cesser avec la politique des bouts de ficelle parce que finalement, ça ne résout aucun problème de fond et c'est de l'argent public très mal dépensé", a fustigé Rachida Dati.

Dans son rapport d'octobre 2023 sur les écoles supérieures d'art territoriales commandé par la précédente ministre de la Culture et ironiquement sous titré "affaire non élucidée", Pierre Oudart confiait :"Les communautés éducatives partagent largement l'impression d'un manque d'intérêt du ministère de la Culture pour ces établissements et celle d'une absence de projet stratégique. Elles vont parfois jusqu'à se demander si leur disparition n'est pas programmée dans une sorte d'agenda caché au profit des universités et de l'enseignement privé." Le "plan global" annoncé par Rachida Dati devrait lever le voile.