Décryptage

Depuis la réforme des études de santé, les étudiants sont trois fois plus nombreux à redoubler leur deuxième année

Selon les filières, il y a jusqu'à six fois plus de redoublements en deuxième année qu'à l'époque de la Paces.
Selon les filières, il y a jusqu'à six fois plus de redoublements en deuxième année qu'à l'époque de la Paces. © BullRun/Adobe Stock
Par Pauline Bluteau, publié le 21 mars 2024
6 min

INFOGRAPHIES. Depuis la suppression de la PACES, les étudiants qui s'intéressent aux études de médecine, maïeutique, odontologie ou pharmacie accèdent plus facilement en deuxième année. Mais cette deuxième année parait plus laborieuse qu'avant : le nombre de redoublements ne cesse d'augmenter et ce, dans toutes les filières.

En seulement deux ans, le nombre de redoublements en deuxième année d'études de santé a grimpé en flèche. Que ce soit en médecine, en maïeutique, en odontologie ou en pharmacie (MMOP), la part d'étudiants qui ne parvient pas à valider son année du premier coup a triplé, passant de 3% en 2020 (date de la mise en place de la réforme) à 10% en 2022.

Des chiffres qui semblent, une fois de plus, mettre à mal la réforme du premier cycle des études de santé.

Un accès "facilité" aux études de santé depuis la réforme PASS-LAS

Jusqu'en 2020, la majorité des étudiants en PACES redoublaient leur année pour obtenir un meilleur classement et être admis dans l'une des filières MMOP de leur choix. Avec le système PASS-L.AS, le redoublement n'est plus la norme, il est même impossible en première année post-bac.

Désormais, une seule année peut suffire pour entrer en deuxième année. Depuis la réforme, c'est même le cas pour la majorité de étudiants de PASS comme de L.AS. D'après les données du service statistique du ministère de l'Enseignement supérieur, seuls 34% des étudiants intégraient leur deuxième année d'études de santé après une seule année post-bac en 2019 (PACES) contre 56% à la rentrée 2022 (PASS ou L.AS).

Jusqu'à six fois plus de redoublements en deuxième année selon les filières

Cependant, la réforme a semble-t-il repoussé les redoublements. En moyenne, à la rentrée 2022, 10% des étudiants en deuxième année étaient des redoublants, contre 7% avant la réforme.

L'écart se creuse d'autant plus depuis l'année de mise en place de la réforme : de 2% de redoublants en maïeutique en 2020, on atteint 7%, deux ans plus tard. Idem en médecine et en odontologie, le nombre d'étudiants qui cube a été multiplié par quatre pour l'un et par six pour l'autre. En deux ans seulement, le nombre de doublants dépasse donc largement celui d'avant réforme.

En pharmacie, la tendance est même plus préoccupante avec 23% de redoublants en 2022 contre 5% en 2020. Mais les chiffres étonnent les principaux concernés : "Oui, nous avons un certain taux de redoublements mais il n'a pas augmenté de façon drastique. Si c'est le cas, nous n'avons rien noté de significatif", répond Vincent Lisowski, président de la Conférence des doyens de pharmacie.

Même constat du côté de l'association des étudiants sages-femmes (ANESF) : "C'est une question que l'on pose souvent aux directrices des écoles mais d'après elles, il n'y a pas eu d'augmentation du nombre de redoublants et les étudiants eux-mêmes ne nous ont pas fait remonter la problématique", appuie Rafaël Autran, le vice-président.

Des redoublements qui concernent davantage les étudiants venant de L.AS ?

Surtout que, avec ou sans réforme, le nombre d'étudiants en troisième année, lui, reste stable. Les enjeux se cristalliseraient donc bien pendant la deuxième année. C'est ce qu'affirme Marc Hazzan, doyen de la faculté de médecine de Lille. Selon lui, cette hausse du nombre de redoublants était prévisible. "On s'y attendait, assure-t-il. La majorité des redoublements concernent les étudiants de L.AS 1 : ils sont parfois dans une majeure qui n'a rien à voir avec la santé et n'ont pas toujours le bagage nécessaire en sciences dures."

Résultats, en deuxième année, les étudiants venants de L.AS ont plus de lacunes et sont plus prompts à redoubler. Un constat déjà dressé par le ministère de l'Enseignement supérieur fin 2022 dans sa note statistique sur le devenir des étudiants de PASS et de L.AS. Parmi les élèves inscrits en première année d'études de santé en 2020 et admis en deuxième année en 2021, 7% des étudiants venants initialement de PASS ont redoublé alors qu'ils étaient 14% pour ceux venants de L.AS.

Cette différence de niveaux entre PASS et L.AS se ferait davantage ressentir pour ceux qui choisissent la maïeutique, la médecine et l'odontologie (trois fois plus de redoublants du côté des L.AS). "Il y a toujours quelques difficultés d'adaptation en deuxième année : par exemple, les cours d'anatomie diffèrent d'une université à une autre", de quoi pénaliser certains étudiants, estime Rafaël Autran à l'ANESF.

En pharmacie, au contraire, même si le taux de redoublement est élevé, ce n'est pas dû aux capacités des étudiants. "Ce serait dommage de stigmatiser les deux parcours, appuie le doyen des doyens de pharmacie qui a mis, au sein de son université à Montpellier, des enseignements pour accompagner les étudiants en difficulté en deuxième année. On a autant de PASS que de L.AS dans ces cours donc je ne suis pas sûr qu'il y ait un lien entre les redoublements et la diversité des profils."

Au contraire même, pour les études de masso-kinésithérapie, ce sont des étudiants de L.AS qui s'en sortent le mieux.

Miser sur les sciences dès le lycée pour éviter le redoublement

Comme à Montpellier, dans de nombreuses universités, des accompagnements sont également proposés, de manière obligatoire ou facultative, aux étudiants de deuxième année pour éviter les redoublements. "C'est variable, ce n'est pas encore développé partout mais on insiste", confirme le représentant des étudiants sages-femmes.

Indispensable car l'attrait pour le parcours L.AS est en pleine expansion. En l'espace de deux ans, le nombre d'étudiants en L.AS a été multiplié par deux. "La réussite dépend aussi des L.AS : je dirais qu'elle est trois fois plus importante en biologie qu'en droit ou en philo par exemple", nuance Marc Hazzan.

Car d'autres critères pourraient aussi entrer en jeu pour expliquer la hausse des redoublements tels que le choix des spécialités au lycée et surtout le niveau scolaire des bacheliers. Parmi les étudiants admis en médecine, ils sont de moins en moins nombreux à avoir obtenu une mention "Très bien" (53% en 2019 contre 39% en 2022).

Tout ne reposerait donc pas uniquement sur la réforme du premier cycle des études de santé. Et quoi qu'il en soit, le plus difficile serait donc de passer "le cap de la deuxième année, après c'est bon", conclut le doyen de médecine.

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