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Décryptage

Pourquoi le prix des MBA a-t-il flambé ?

Les salaires n'ont pas doublé mais ils ont bien progressé, et les diplômés ne se plaignent pas. Néanmoins, le retour sur investissement d'un MBA n'est plus aussi fort qu'avant.

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(iStock)

Par Florent Vairet

Publié le 25 mars 2024 à 09:20

Attention, avalanche de chiffres. Nous avons remonté les archives d'Internet, et l'augmentation que nous avons constatée sur le prix des MBA est faramineuse. Prenons l'exemple des deux meilleures écoles françaises selon le classement du « Financial Times » : l'Insead et HEC. En 2004, les frais de scolarité pour un MBA dans la première s'élevaient à 43.500 euros, 38.000 euros dans la seconde.

Vingt ans plus tard, dans chacune d'entre elles, il faut débourser 98.000 euros. Effet inflation ? Pas vraiment. Les 38.000 euros de 2004, une fois corrigés de l'inflation (française), vaudraient 53.000 euros en 2024. Loin du compte.

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Cette hausse ne concerne pas que les institutions hexagonales. Restons dans le haut du classement et attardons-nous sur le cas de la Wharton School (université de Pennsylvanie), première dans le classement 2024 du « FT ». Les frais de scolarité pour son MBA étaient de 74.000 dollars en 2004 (le programme se fait ici en deux ans), il est de 170.000 dollars aujourd'hui.

Les causes de cette explosion du prix

Interrogé, l'Insead avance des coûts liés à la régulation du secteur : le poids croissant des accréditations internationales mais aussi des services annexes liés à la scolarité qui ont dû se développer, comme les services psychologiques et des référents sur les questions de violences sexistes et sexuelles, ou plus récemment un référent pour gérer les éventuelles tensions au sein de la promotion (très internationale) liées au conflit Israël-Hamas.

Même question posée à HEC, réponses différentes : « Au cours des dix dernières années, les frais de scolarité ont été alignés sur ceux de nos concurrents européens. La valeur d'un MBA en Europe par rapport aux programmes basés aux Etats-Unis reste très compétitive, et le retour sur investissement est très élevé. »

Pour connaître les raisons profondes de cette explosion, il faut appréhender le MBA pas seulement comme un diplôme de l'enseignement supérieur, mais comme un bien de luxe. Ici, comme une montre ou un sac à main prestigieux, le prix ne s'établit pas en fonction du coût réel de fabrication mais de la valeur que les acheteurs retirent du produit. En l'occurrence, le salaire. Sur ces vingt dernières années, la rémunération des diplômés des meilleurs MBA s'est envolée.

Toujours selon les données du « FT », les salaires des alumni de l'Insead, en sortie de formation, étaient de 133.000 euros en 2004. Ils sont aujourd'hui de 199.000 euros, une hausse de 50 %. A Wharton, la hausse est encore plus marquée : +63 % en vingt ans.

Retour sur investissement : critère de choix du MBA

Sébastien est diplômé du MBA à l'Insead, intégré en 2004. Un sésame qui, une fois en poche, a boosté son salaire de 50 %. « J'ai pu rembourser mon prêt du MBA en une année ! » Marie (le prénom a été modifié) est sortie diplômée treize ans plus tard. « J'ai mis trois ans à le rembourser. » Pourtant, elle aussi a augmenté son salaire de près de 50 %, mais le prix n'était plus le même. Et puis, venant du marketing, sa rémunération partait de plus bas. « Aujourd'hui, je suis directrice adjointe dans la tech, j'ai triplé mon salaire par rapport à 2017. »

HEC revendique en moyenne un doublement du salaire entre avant et après le MBA. D'ailleurs, le « FT » a fait de cette question du retour sur investissement un critère de choix de son classement. Et sur ce point, si la meilleure université est celle de Georgie aux Etats-Unis, la deuxième place est tricolore et revient à l'ESCP.

Sur les MBA, il y a un effet « marque »

Néanmoins, tout ce qui brille n'est pas d'or. Dans cet article, on explique que la multiplication en vingt ans de l'offre MBA par plus de dix avait brouillé les règles du jeu. Toutes les écoles se targuant de dispenser un MBA n'offrent pas les salaires mirobolants suscités. D'ailleurs, elles-mêmes le savent et intègrent cette dimension dans leur prix. Neoma Business School propose par exemple son MBA à 38.000 euros (soit le même prix que celui de HEC… il y a vingt ans), celui d'Audencia est à 31.500 euros.

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« Il y a inévitablement un effet 'marque'. HEC ou l'Insead visent des participants en partie américains ou qui aspirent à intégrer les comités de direction, qui sont souvent prêts à payer un prix plus élevé », nous confie une directrice d'école.

Qu'il soit de renommée mondiale ou non, il faut savoir que des bourses viennent diminuer le prix du MBA. Elles dépendent de la politique de chaque école, selon qu'elles veulent favoriser les femmes, les demandeurs d'emploi ou des réfugiés politiques. A l'Insead, 36 % de la promo 2023 reçoit une bourse.

En France, il est aussi possible de mobiliser son CPF. France Travail peut aussi abonder ce compte de formation selon votre profil. Surtout les entreprises peuvent sponsoriser votre MBA, c'est-à-dire le financer, complètement ou en partie. Mais si cette pratique était courante il y a quelque temps, elle se fait plus rare, assure Jeanne Segalen, à la tête du cabinet de recrutement Segalen + Associés. « On est de plus en plus challengés par les entreprises, sur le coût et la durée », conclut Sébastien Tran, directeur d'Audencia.

Florent Vairet

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