Fermetures d'établissements scolaires : quelles évolutions sur le temps long ?

Une mise à jour récente des statistiques de fermetures des établissements scolaires de 1970 à 2023 laisse apparaître plusieurs tendances de fond : le nombre global de fermetures diminue par rapport aux précédentes décennies et les territoires ruraux sont plus touchés, de même que les établissements du premier degré.

Un jeu de données, extrait de la base Ramsese et mis à jour le 13 février 2024 par le ministère de l'Éducation nationale, recense les fermetures d'établissements du premier et du second degrés en France depuis 1970. Son analyse permet de mettre en exergue les territoires les plus touchés sur le temps long mais également l'évolution du nombre de fermetures ainsi que le type d'établissement, selon qu'il s'agit d'écoles, de collèges ou de lycées.

Les chiffres des fermetures d'établissements scolaires doivent cependant être analysés pour ce qu'ils sont. Comme le souligne un représentant de l'Éducation nationale en commentaire du jeu de données, "les fermetures d'établissements sont des actes définitifs liés à l'immatriculation de ces établissements (il s'agit donc d'une action administrative). Il peut y avoir fermeture administrative d'une école sans que cette école ne cesse ses activités, c'est le cas par exemple de la fusion d'une école maternelle et d'une école élémentaire pour créer une école primaire : une des anciennes écoles est fermée (l'école restante est alors transformée) ou bien les deux écoles sont fermées et une troisième est créée". Par ailleurs, les statistiques des fermetures d'établissements ne doivent pas non se confondre avec celles des fermetures de classes.

Tendance à la baisse

Depuis 1970, ce sont 42.267 fermetures d'établissements scolaires qui ont été recensées sur tout le territoire, un nombre à rapporter aux 34.393 ouvertures sur la même période (soit 8 ouvertures pour 10 fermetures). Cependant, ce n'est qu'à partir de l'année 1978 que ce phénomène prend de l'ampleur, avec plus de 1.000 fermetures cette année-là, alors qu'on n'en comptait que quelques dizaines par an jusqu'alors. Il va même s'amplifier jusqu'à atteindre un plafond en 1992, avec 1.507 fermetures.

Globalement, la tendance est toutefois à la baisse du nombre de fermetures d'établissements scolaires, lequel est allé en décroissant régulièrement avec le temps. Alors qu'on recensait en moyenne 1.120 fermetures d'établissements annuelles dans les décennies 1980-1989 et 1990-1999, le nombre est tombé à 801 sur la période 2000-2009 puis à 713 sur 2010-2019. Un plancher a même été atteint en 2020, année marquée par la crise sanitaire du Covid, avec 451 fermetures. En 2023, on en enregistrait 550.

Il faut souligner ici un autre phénomène qui a son importance dans ces dernières statistiques : les fermetures d'écoles privées hors contrat. Si le nombre de ces écoles a grimpé en flèche ces dernières années, leur fragilité économique entraîne un grand nombre de faillites. Pour l'année scolaire 2022-2023, l'association Créer soin école dénombrait ainsi 66 fermetures, ce qui équivaut à 12% du total des fermetures, alors que ces écoles ne représentent que 3,5% de tous les établissements scolaires.

Plus de fermetures dans les académies rurales

Les territoires ne sont pas tous égaux devant les fermetures d'établissements scolaires, loin s'en faut. Les cinq départements les plus touchés depuis 1970 sont la Moselle (1.456 fermetures), le Nord (1.344), le Pas-de-Calais (1.146), le Rhône (1.001) et la Seine-Maritime (894). À l'échelle des académies, la Normandie a été la plus touchée par les fermetures (3.406), alors qu'elle n'a enregistré que 1.547 ouvertures depuis 1970 (moins de 5 ouvertures pour 10 fermetures). L'académie de Nancy-Metz a vu la fermeture de 3.015 établissements, pour seulement 1.301 ouvertures (moins de 5 ouvertures pour 10 fermetures). Dans l'académie de Toulouse, ce sont 2.660 établissements qui ont fermé, pour seulement 1.548 ouvertures (moins de 6 ouvertures pour 10 fermetures). Et si dans l'académie de Clermont-Ferrand le nombre de fermetures est moindre (1.363), il est très loin d'être compensé par le très bas nombre d'ouvertures (707, soit 5 ouvertures pour 10 fermetures).

À l'inverse, les 1.051 fermetures enregistrées depuis 1970 dans l'académie de Créteil ont été largement compensées par les 1.896 ouvertures (18 ouvertures pour 10 fermetures). De même, l'académie de Versailles compte sur la période 1.629 fermetures pour 2.468 ouvertures (15 ouvertures pour 10 fermetures). Ces proportions inversées selon que l'on se trouve dans des territoires à dominante rurale ou urbaine s'expliquent par l'évolution démographique en cours en France ces dernières décennies.

Le premier degré plus touché

Sur les 42.267 fermetures recensées depuis les années 1970, une immense majorité (85,5%) a concerné des établissements du premier degré : 26.791 étaient en effet des écoles élémentaires (63%) et 9.493 des écoles maternelles (22,5%). On dénombre 1.437 fermetures de lycées professionnels (3,4%), 1.058 fermetures de collèges (2,5%) et seulement 538 de lycées d'enseignement général (1,3%).

Ces proportions ne sont pas tout à fait conformes à la répartition des établissements selon leur niveau, puisque la France compte aujourd'hui 82% d'écoles du premier degré, 12% de collèges et 6% de lycées. Dans l'édition 2023 de ses "Repères et références statistiques", le ministère de l'Éducation nationale explique la baisse du nombre d'établissements dans le premier degré "en grande partie par des regroupements administratifs d'écoles, notamment d'écoles maternelles et élémentaires géographiquement très proches, afin de former une école primaire". Un phénomène qui touche majoritairement, là encore, les zones rurales.

Public et privé touchés dans les mêmes proportions

L'exploitation des données sur les fermetures d'établissements scolaires offre enfin l'occasion de voir lequel des deux secteurs, public ou privé, est le plus touché sur la période 1970-2023. En l'occurrence, les fermetures d'établissements publics représentent 83% du total, celles d'établissements privés 17%. Ces parts sont très exactement conformes aux proportions des établissements publics et privés actuellement ouverts en France.

On remarque toutefois le cas tout à fait particulier de Paris, où le nombre d'établissements privés concernés par des fermetures ou des ouvertures est singulièrement élevé. L'académie de Paris a ainsi enregistré 581 fermetures sur la période 1970-2023, dont 357 (61%) pour des établissements privés. Dans le même temps, le nombre d'ouvertures s'élève à 613, dont 44% d'établissements privés. Un phénomène qui a pris de l'ampleur ces dix dernières années, puisque 117 établissements privés ont ouvert à Paris depuis 2013, contre seulement 16 publics.