L’accès aux grandes écoles souffre de fortes inégalités géographiques qui ne s’estompent guère au fil des ans. « Les élèves d’Île-de-France demeurent surreprésentés. Dans les écoles de commerce, ils composent 34 % des effectifs alors qu’ils ne représentent que 16 % des bacheliers », indique Julien Grenet, professeur à la Paris School of Economics (PSE) et coauteur d’un rapport pour l’Institut des politiques publiques.
« Quand vous observez le parcours d’élèves de troisième dix ans plus tard, les Parisiens ont deux à trois fois plus de chances d’intégrer une grande école », illustre-t-il. L’inégalité des chances est d’autant plus frappante quand on monte dans les classements. Les formations les plus sélectives – HEC, Essec ou ESCP – sont quasiment toutes franciliennes.
Si elle n’est pas la seule explication, la dimension financière pèse lourd dans ces disparités d’accès. Dans un contexte d’inflation, de précarité étudiante et de crise du logement dans les grandes villes – les mêmes qui accueillent les grandes écoles – déménager ne va pas de soi. Prendre un crédit à la banque non plus. En y ajoutant les frais de scolarité (un bachelor coûte 7000 à 15000 euros par an en moyenne), l’équation devient impossible pour bien des familles.
Pépites de proximité
La multiplication des bachelors n’a pas réduit les frais de scolarité, bien que le cursus reste légèrement moins cher qu’un programme Grande école (PGE). Mais son succès invite certains établissements à délocaliser le cursus dans des villes de taille moyenne, pour toucher des élèves qui ne le rejoindraient pas dans le cas contraire.
Pour les raisons financières évoquées, mais aussi parce qu’un programme postbac s’adresse, par définition, à un public jeune. « La question s’est posée de rester en Martinique ou de partir tout de suite en métropole. Mais 18 ans, c’est jeune ! », se souvient Mathew. S’éloigner de sa famille et de ses amis sans connaître grand monde à Paris et sans CV bien garni pour trouver des stages est compliqué.
Cependant, en Martinique, il y a l’EGC Business School. Un réseau d’écoles qui a justement fait le choix, depuis des années, de s’ancrer dans des territoires où l’offre d’enseignement est peu présente. Ses 20 campus sont ainsi installés dans des villes de taille intermédiaire – Brive (Corrèze), Le Mans (Sarthe), Chalon-sur- Saône (Saône-et-Loire), etc. – en Guyane ou, donc, en Martinique. 80 étudiants qu’ils accueillent étaient scolarisés sur ces mêmes territoires. Si tout se passe bien, ils obtiendront un bachelor visé par l’État, sou vent le seul accessible sans avoir à quitter le cocon familial.
« Après trois ans à l’EGC Martinique, je me sentais bien mieux préparé à partir en métropole », assure Mathew. Il se lance alors à l’assaut de la capitale et y intègre un master en management du luxe. Il y a deux ans, il retrouve son île natale. « Tout s’est très bien enchaîné. Je suis revenu avec le sentiment que je pouvais postuler partout. » Mathew travaille aujourd’hui pour l’Habitation Clément, un grand domaine agricole où est distillé le rhum éponyme. Il encadre une équipe de 20 personnes en tant que responsable adjoint commercial et spiritourisme.
Multiplier les campus
Depuis dix ans, Kedge Business School, dont les campus historiques se situent à Bordeaux (Gironde) et Marseille (Bouches du Rhône), a ouvert ce qu’elle appelle des « campus associés ». Situés dans des villes de taille moyenne du sud de la France, ceux-ci sont précisément dédiés au bachelor.
Le programme, identique à celui de Kedge Business School, délivrant le même grade de licence, est proposé à Avignon (Vaucluse), Bastia (Haute-Corse) ou encore Bayonne (Pyrénées Atlantiques). Ils seront rejoints dès septembre prochain par Mont-de-Marsan (Landes).
« Nous travaillons de concert avec les chambres de commerce et d’industrie pour apporter notre excellence académique à ces collectivités », explique Alexandre de Navailles, directeur général de Kedge Business School. Les villes ont tout à gagner à conserver leur jeunesse chez elles encore quelque temps. Les entreprises locales aussi, qui peuvent ainsi les prendre en stage, en apprentissage ou les embaucher. « Nos campus se trouvent dans des endroits remplis d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) ayant un mal fou à recruter », souligne Alexandre de Navailles.
Pour les étudiants surtout, l’offre est tentante. « Se loger à Bordeaux coûte désormais presque aussi cher qu’à Paris. À Marseille, c’est également très compliqué », indique le directeur général de Kedge Business School. Quant aux parents, outre le fait de s’épargner des frais importants, garder leurs néobacheliers au sein du foyer a quelque chose de rassurant. « Certains entrent en bachelor à 17 ans », rappelle-t-il. S’il on n’est pas obligé de partir tout de suite, pourquoi se presser ?
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