Teleperformance n’a jamais gagné autant d’argent qu’en 2023 : plus de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires et un bénéfice opérationnel de 1,3 milliard. Pourtant, lorsqu’il monte sur l’estrade, le 7 mars, à Londres, face à un auditoire de financiers, Daniel Julien, le président et codirecteur général du numéro un mondial de la relation client, a l’air préoccupé. « Avant de commencer formellement cette réunion, je voudrais parler de l’“elephant in the room” », ce sujet que tout le monde a en tête : l’« intelligence artificielle [IA] de nouvelle génération », lance d’emblée le dirigeant.
Depuis la sortie, en novembre 2022, de ChatGPT, le premier outil d’intelligence artificielle générative grand public développé par l’américain OpenAI, Teleperformance est pris dans un tourbillon de questions existentielles. Des robots nourris à l’IA, capables de résoudre tous les problèmes et de répondre à toutes les questions, vont-ils remplacer ces bataillons d’humains ? Une entreprise géante comme Teleperformance, qui emploie plus de 500 000 personnes dans le monde, sur tous les continents, peut-elle disparaître ? L’inquiétude se matérialise : en un an et demi, le groupe de Daniel Julien a perdu les deux tiers de sa valeur à la Bourse de Paris, ne pesant plus que 5,7 milliards d’euros. Entré au CAC 40 en juin 2020, il est désormais tout près de la sortie.
Apparus à grande échelle dans les années 1960 aux Etats-Unis avec l’essor de la société de consommation, les groupes de centres d’appels se sont développés grâce à leur capacité à gérer la relation clientèle des entreprises ou des administrations à moindre coût, avec une recette simple : délocaliser ces prestations dans des pays où la main-d’œuvre est bon marché. Sur ses 500 000 salariés, Teleperformance en compte à peine 3 000 en France, contre près de trois fois plus il y a quinze ans, le gros de ses troupes se trouvant désormais en Inde, aux Philippines, en Colombie, au Portugal ou en Grèce.
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