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« Vous savez, la prison, ça peut rendre fou » : à la prison de la Santé avec les étudiants du DU lettres et sciences humaines

Assurés « dans les murs » par des professeurs de Paris Cité, les cours de ce diplôme universitaire sont une bouffée d’oxygène pour les jeunes détenus inscrits. Et un cas unique en France.

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Publié le 02 avril 2024 à 06h00

Temps de Lecture 7 min.

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La feuille de présence circule dans la petite salle de classe éclairée au néon. A tour de rôle, les 11 étudiants présents notent leur nom. A côté, pas de prénom mais des chiffres. Il faut quelques secondes au visiteur pour comprendre : un numéro de matricule. Il est 14 heures, en ce lundi de février, et le cours de psychologie du diplôme universitaire (DU) « formations aux humanités-lettres et sciences humaines » vient de commencer à la prison de la Santé, au cœur du 14e arrondissement de Paris.

Cette formation est unique : le DU, assuré par des professeurs de l’université Paris Cité, est le seul diplôme de l’enseignement supérieur en France dont les cours sont dispensés en présentiel en prison. Tous les autres le sont par correspondance. La prison de la Santé en bénéficie, de même que celle de Fresnes (Val-de-Marne). « C’est un diplôme qui demande un investissement important de la part des étudiants », souligne Thibault Collin, professeur de psychologie. Cinq demi-journées de cours par semaine, d’octobre à mai, avec des partiels à la fin de chaque semestre.

Sur le tableau blanc, les mots forment une toile étrange : « psyché », « fonctionnement du cerveau », « Freud », « guerres », « accidents », « rêve ». Thibault Collin explique à un auditoire attentif l’histoire de la naissance de la psychanalyse et des neurosciences, avant de lancer une petite énigme. « Quelle est la seule âme que l’on puisse prendre dans sa main ? », s’amuse l’enseignant. « Une âme charitable ? », tente un détenu. « Une âme sœur ? », essaie un autre. « C’est une partie du violoncelle », tranche un troisième.

Garder la tête hors de l’eau

L’espace de quelques instants, on en oublierait presque où l’on est. Presque. Les barreaux aux fenêtres, la vue sur le mur prolongé d’un interminable grillage, le tintement des trousseaux de clés accrochés à la ceinture des gardiens en bruit de fond ramènent vite à la réalité. « Moi, je n’oublie jamais », lâche Idrissa, devant son grand cahier à carreaux rempli d’une écriture fine. « A chaque fois que je tourne la tête, je tombe sur les barreaux et, après le cours, je remonte en cellule. Mais ça aide clairement à supporter la détention, explique le jeune homme de 21 ans, vêtu d’un survêtement de sport, arrivé à la Santé en avril 2023. De base, je n’avais pas demandé à suivre le DU, j’étais dans le déni, je pensais sortir vite. »

Pourquoi sont-ils là ? Vol, trafic de drogue, violence intrafamiliale, agression sexuelle ? Jamais le motif de leur incarcération n’est évoqué. Il est interdit de les questionner sur le sujet. La Santé étant une maison d’arrêt, certains sont des prévenus, en attente de jugement, parfois pendant des années. D’autres ont déjà été condamnés et purgent une peine (ou un reliquat de peine), en théorie inférieure à deux ans. Ils ont entre 21 et 35 ans, viennent d’univers différents, ont des niveaux scolaires très divers, du bac pro au master. Mais, pour tous, suivre ce DU est une façon de garder la tête hors de l’eau.

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