En quelques années, le réseau social professionnel LinkedIn est devenu un incontournable de la communication corporate. S’y déploient des stratégies de thought leadership [leader d’opinion]. Un article également disponible en version audio.

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Après avoir supplanté Viadeo, LinkedIn supplantera-t-il X ? Une chose est sûre : le réseau social professionnel progresse en termes d’abonnés (13,5 millions de membres actifs par mois en France) et de revenus mondiaux (15 milliards de dollars en 2023), particulièrement après que la plateforme a été rachetée par Microsoft en 2016. Le réseau social a renforcé l’éditorial avec le recrutement de 150 journalistes internationaux (une dizaine pour la France). Ces professionnels animent la section « LinkedIn Actualités », une fonctionnalité apparue en 2019 qui invite les utilisateurs identifiés comme experts d’un sujet à devenir contributeurs. Les journalistes de LinkedIn sont approchés par les attachés de presse au même titre que le sont les journalistes des médias traditionnels.

« Environnement sain »

Coup d’œil en arrière, ce gain en popularité ne semblait pas si évident. « LinkedIn a longtemps été perçu comme le réseau social des afficionados du développement personnel », se souvient une journaliste de Stratégies. Des publications à la fois caricaturales et ridicules ont longtemps été épinglées par le compte Twitter « Disruptive humans of LinkedIn ». « Avec le déclin de X [à la suite du rachat de Twitter par Elon Musk en 2022], LinkedIn est en train de devenir le canal privilégié de certains speakers qui n’ont pas envie de payer un abonnement premium pour avoir la coche bleue », analyse Karlis Montchovi, directeur conseil digital au sein de Wellcom. Pour lui, LinkedIn a un atout indéniable : son « environnement sain » face à la désinformation et au « pseudonymat », l’identité masquée des utilisateurs. « Pour créer son compte, il faut remplir son profil de manière exhaustive. Plus votre profil est “fort”, plus vos publications sont vues », remarque-t-il.

D’ailleurs, le reach et l’engagement d’un post personnel sont plus importants que ceux d’une publication d’une page vitrine (58 millions d’entreprises sont présentes sur la plateforme), à l’exception des pages de marques médias. « L’algorithme le favorise et la pratique veut qu’on like et partage plus facilement une prise de parole d’un dirigeant qu’une communication purement corporate », intervient Nicolas Vanbremeersch, fondateur et président de l’agence de communication Spintank, qui accompagne des groupes du CAC 40 ainsi qu’une dizaine de grands patrons sur LinkedIn. Dans ce domaine, les agences conseil structurent des offres autour du personal branding. Fin février, le groupe Follow, spécialiste de l’influence marketing, annonçait le lancement de son agence Aura. Plus tôt dans l’année, l’agence de publicité Rosa Paris communiquait sur la création de Rosa Rise. « C’est un client, Romain Roy, fondateur et PDG de Greenweez, qui nous a soufflé l’idée », explique Lauren Weber-Staricky, directrice de la communication de Rosa Paris qui pilote l’offre.

Cette dernière note deux grandes tendances parmi lesquelles « le leader advocacy : les prises de parole des dirigeants de comex, des PDG mais aussi des directeurs généraux et directeurs de la communication », qui rejoint le concept à la mode de « thought leadership », le fait de se positionner comme un leader d’opinion sur une thématique, et celle d’« employee advocacy : les messages positifs sur l’entreprise véhiculés par les employés ». Des tendances suivies par LinkedIn qui, en juin 2023, a introduit le format publicitaire « Thought Leader Ads », ouvrant la possibilité aux annonceurs de sponsoriser les publications de leurs dirigeants ou de leurs employés (le format a été étendu en mars dernier aux publications de tous les membres). La mécanique était jusqu’alors inversée, dans une logique descendante, avec « LinkedIn Elevate », un outil lancé en 2015 dont le but est de favoriser le partage des publications des entreprises par leurs employés.

Lieu de débats

Concernant la RSE, en particulier l’écologie, LinkedIn, au départ considéré comme le réseau social du consensuel, devient le terrain d’expression des opinions affirmées et des discours radicaux, relève la plateforme de veille Visibrain. « Sur LinkedIn, les activistes sont très structurés », valide Karlis Montchovi, qui cite l’exemple de plusieurs consultantes RSE suivies par quelques milliers de personnes, capables de « faire des posts bien construits » pour critiquer une marque, comme un choix de packaging, « en taguant le responsable marketing ou le directeur de l’innovation ». « LinkedIn n’est plus seulement une plateforme pour chercher un emploi mais aussi un lieu de débats », commente Manon Grébert, responsable communication de Rosa Rise, qui constate que « la génération qui arrive sur le marché du travail va chercher les dirigeants d’une entreprise sur LinkedIn et même converser avec eux ».

« On travaille main dans la main avec les dirigeants pour la rédaction des posts, éclaire Lauren Weber-Staricky. On se charge aussi de la modération et on répond aux messages privés. » Chez Wellcom, « on fait surtout de la veille et si le dirigeant trouve un sujet pertinent, il peut rebondir dessus. On l’accompagne sur un, deux ou trois trimestres. S’il s’agit d’une situation crisogène, on peut écrire le post à sa place », détaille Karlis Montchovi qui, en termes de best practice, cite Michel-Édouard Leclerc « qui anime son compte lui-même avec ses propres ton et style ». L’influence sur LinkedIn des entreprises, de leurs dirigeants, directeurs de la communication et DRH est mesurée depuis quatre ans par Amazing Content et son « classement des Comex du SBF120 ». Le dernier rapport a vu Aiman Ezzat (Capgemini), Luca De Meo (Renault) et Alexandre Bompard (Carrefour) arriver en tête des CEO les plus influents.

Concernant l’employee advocacy, « il est encore discret en France. Il nécessite de trouver des systèmes de gratification des employés, d’identifier les personnes clés, de les former pour les réseaux sociaux et d’assurer une cohérence globale avec un calendrier éditorial, relate Lauren Weber-Staricky. Plusieurs entreprises ont déjà lancé des programmes d’employee advocacy : Orange, Decathlon, L’Oréal, Axa… » « Quand les salariés sont soudés et sont fiers de travailler pour la marque, les entreprises sont fortes sur ces programmes », ajoute Manon Grébert. « Avoir des likes, ça peut faire partie des objectifs des employés », déplore de son côté Nicolas Vanbremeersch qui met en garde contre un soutien artificiel au leadership.

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