Pas de passe rail cet été, gouvernement et régions se renvoient la balle

Sauf accord de dernière minute, la mise en place d'un "passe rail" estival, finalement réservé aux jeunes, ne pourra avoir lieu cette année, gouvernement et régions s'en rejetant la responsabilité. Initialement, le projet annoncé en septembre dernier par le président de la République devait s'inspirer du forfait mensuel à 49 euros mis en place en Allemagne pour permettre de voyager partout en France en empruntant les trains régionaux et Intercités.

Interrogé le 4 septembre 2023 par le youtubeur Hugo Travers, le président de la République s'était dit "favorable" à l'instauration d'un forfait mensuel ouvert à tous pour voyager partout en France grâce aux trains régionaux et aux liaisons Intercités. L'initiative visait à rendre le train plus attractif et abordable, en s'inspirant du forfait existant en Allemagne à 49 euros par mois. Les régions, qui financent les trains régionaux et décident des tarifs, étaient concernées au premier chef par ce projet, qui était porté par Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports du gouvernement d'Elisabeth Borne. Mais le successeur de ce dernier, Patrice Vergriete, a d'abord revu le dispositif à la baisse début mars 2024, en le réservant aux moins de 27 ans pour la seule saison estivale, ce qui n'était pas nouveau. Un passe rail estival uniquement réservé aux jeunes avait en effet déjà existé en France en 2020 et 2021. Il concernait alors les moins de 27 ans qui, pour 29 euros par mois, pouvaient emprunter n'importe quel TER partout en France - sauf en Ile-de-France -, mais pas les Intercités.

"Passe au rabais"

Mais sauf accord de dernière minute, le Passe rail estival ne devrait pas revoir le jour cette année. "A moins d'un changement de pied des présidents de région, aujourd'hui même, nous ne pouvons pas être opérationnels en 2024. (...) Il n'y aura pas de passe rail cet été", a déclaré le ministre chargé des Transports ce 3 avril sur franceinfo. "On n'a toujours pas l'accord de l'ensemble des présidents de région. Il manque trois présidents de région", a-t-il ajouté, citant Hervé Morin (Normandie), Xavier Bertrand (Hauts-de-France) et Laurent Wauquiez (Auvergne-Rhône-Alpes) et en disant regretter une "attitude sans explication". Le gouvernement a en effet, selon Patrice Vergriete, accepté la demande des régions que l'Etat finance à 80% le dispositif, qu'il estime à 15 millions d'euros.

Les exécutifs régionaux pointés du doigt n'ont pas tardé à répliquer, le Normand Hervé Morin dénonçant "encore une annonce (...) sans concertation préalable avec les régions qui sont pourtant organisatrices des transports ferroviaires", et les Haut-de-France déplorant que le passe rail ait été "transformé" par le ministre "en un passe au rabais uniquement pour les jeunes".

Deux écueils pour les régions

Le président de la région Normandie déplore notamment que les chiffrages des pertes de recettes pour la région soient "totalement improvisés et dans tous les cas ne correspondent pas aux chiffres annoncés par le ministre ce matin", ainsi que l'exclusion de la région Ile-de-France du dispositif. "S'il doit y avoir un passe rail il doit être national et s'appliquer sur l'ensemble du réseau français et ne doit pas exclure le réseau francilien par lequel passe inexorablement la plupart des jeunes se rendant dans une autre région par le train", plaide-t-il dans un communiqué.

Mêmes critiques de la région Hauts-de-France qui se dit prête à signer si "deux points d'alerte sont pris en compte" : la question de l'absence de l'Ile-de-France du dispositif et "la répartition du coût" entre Etat et régions. Selon l'exécutif régional présidé par Xavier Bertrand, la "prise en charge de la perte de recettes aurait dû être assumée totalement par l'Etat". Mais pour Patrice Vergriete, "80% pris en charge par l'Etat, c'était exactement ce que demandaient les régions".

La présidente de la région des Pays de la Loire, Christelle Morançais, s'est dit "favorable à la proposition du gouvernement", mais met en cause "la précipitation et l'impréparation" des annonces. Elle pointe également "certains écueils qui ne peuvent être évacués d'un revers de la main", notamment l'exclusion de l'Ile-de-France du dispositif, qui risquerait d'"accentuer le fossé entre Paris et la province" et le fait de le réserver aux seuls jeunes alors qu'un passe rail estival pour les jeunes existe déjà dans le réseau ferré régional.

Demande de couverture nationale de l'offre en 2025

"En six mois, les régions n'ont obtenu ni le détail des estimations de coût, ni les garanties de compatibilité des systèmes de distribution de la billettique", a réagi Régions de France, faisant valoir que "d’ores et déjà, les Régions proposent pour les jeunes des tarifs plus attractifs que l’offre à 49 euros". L'association demande dans un communiqué "du travail sérieux" et "qu'une garantie soit donnée d'une couverture nationale de cette offre en 2025". "Les Régions restent disponibles pour travailler et conduire sérieusement une expérimentation qui favorise les mobilités décarbonées, à des prix attractifs, sur la totalité du territoire national", a souligné l'association.

"Le gouvernement reste ouvert et nous continuerons à faire ces propositions pour 2025", a affirmé Patrice Vergriete, qui dit ne pas avoir "envie de lâcher le morceau".