Laguiole (Aveyron, 1246 hab.), son aligot, ses couteaux et… la famille Bras. Il y a d’abord eu Angèle Bras, « Mémé Bras », propriétaire d’un petit restaurant ouvrier « Lou Mazuc » ouvert en 1956. Une cuisine simple à laquelle, Michel, son fils participa très tôt, d’abord par nécessité, puis, par amour des produits cuisinés. Avec son épouse, il reprend en 1968 le restaurant maternel et crée en 1992, sur les hauteurs du village, le restaurant Le Suquet, désormais entre les mains de son fils Sébastien.
A eux deux, ils comptabilisent trois étoiles au Guide Michelin, une appellation « Relais et Châteaux », et un classement régulier aux dix meilleurs restaurants au monde. Pour autant, pas de vantardise quand on rencontre Sébastien Bras qui fut d’ailleurs l’un des premiers chefs étoilés à rendre ses trois étoiles.
Plus heureux dans sa cuisine que sur un plateau de télévision, cet homme de 53 ans ne cesse d’élaborer sa cuisine comme un hommage à sa terre natale. « Je suis l’un des derniers enfants nés à Laguiole. C’est important pour moi car je me sens comme le dernier enfant du pays qui doit défendre les couleurs de Laguiole, du plateau de l’Aubrac mais aussi les acteurs de mon univers. »
Une locomotive pour le village
Empreint de cette destinée, l’histoire de Sébastien Bras est imbriquée dans celle de Laguiole. Vincent Alazard, élu à la tête du village aveyronnais depuis maintenant plus de près de trente ans, parle même de « locomotive » à propos du restaurant Le Suquet. « Michel Bras a été déterminant sur la montée en gamme des produits. Cela a eu un effet positif sur le village, les commerçants se sont mis à travailler la qualité grâce à son impulsion », relate l’élu qui reconnait aujourd’hui que la notoriété internationale de son village découle de la coutellerie et de la cuisine de Michel et Sébastien Bras. « C’est un point d’ancrage. Nombreuses sont les personnes qui viennent pour la première fois à Laguiole via le restaurant. » En traduction chiffrée, Sébastien Bras annonce fièrement « 55 couverts par service, soit une centaine de personnes par jour potentiellement présentes dans le village ».
Jean-Luc Calmelly, président de l’agence départementale de l’attractivité et du tourisme de l’Aveyron va même plus loin dans l’effet domino que permet la présence d’un tel restaurant sur le département : « Sébastien Bras, ce n’est pas que le Suquet à Laguiole. C’est aussi le café Bras à Rodez, et pendant seize ans les Capucins sur l’aire du viaduc de Millau. » Une diversité de lieux qui a permis à Michel puis à Sébastien Bras de porter hauts les couleurs de la gastronomie locale. « Sa cuisine est à base de légumes et de plantes de l’Aubrac : il les magnifie. Il fait goûter l’Aveyron, il sait mettre en avant son plateau de l’Aubrac. C’est une fierté pour les Aveyronnais. »
Des produits 100% locaux
Il faut dire qu’en Aveyron, bien manger, c’est sacré. Avec en tête du podium de la gastronomie locale : le bœuf d’Aubrac, le fromage de Laguiole, le Roquefort, l’agneau Allaiton… Ces produits, le chef Bras sait qu’il les trouvera sur ces terres : « On défend les producteurs locaux que ce soit via la coopérative fromagère ou l’élevage carné et végétal », explique-t-il. « L’élevage végétal » est central dans la cuisine des Bras, son célèbre « gargouillou » composé de 24 légumes, racines et fleur est l’un de leurs plats signature.
Une autre évidence est celle de travailler avec la coopérative fromagère Jeune montagne regroupant 74 fermes basées à Laguiole. Cette coopérative fournit le restaurant Le Suquet en fromage de Laguiole AOP servi au moment du fromage ou transformé en aligot. « On demande régulièrement à Sébastien Bras de nous donner son avis sur l’affinage du fromage et on a élaboré avec lui un Aligot à la truffe, vendu au magasin de la coopérative en partenariat avec le restaurant », détaille son directeur général, Yves Souhol.
Un partenariat qui, avec aussi la commercialisation via la grande distribution, permet de faire travailler 170 salariés.
Plus d’emplois que d’habitants
Car à Laguiole, il y aurait plus d’emplois que d’habitants. Au Suquet, ce sont 70 salariés qui travaillent au sein de l’établissement, « sans parler des commerçants du village qui sont contents quand le restaurant ouvre ses portes en avril » sourit Sébastien Bras.
Le maire le reconnaît, l’établissement a permis à des salariés à venir s’installer durablement dans la commune. « Mais ce qui reste compliqué, confesse l’élu, c’est le logement des salariés saisonniers car la commune n’a pas assez d’offres à proposer. » Las du temps administratif, Sébastien Bras a joué la carte de l’efficacité face à ce problème : « Nous avons pris les choses en main en réaménagent une maison en plusieurs appartements pour loger nos saisonniers ». Promoteur immobilier, dernière pièce de ce couteau suisse étoilé ?
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