Accès aux soins de ville : Gabriel Attal déroule une série de mesures

"Taxe lapin", accès direct aux kinés et à certains spécialistes, participation de soignants non-médecins aux gardes, renforcement de "Mon Soutien psy"... Gabriel Attal a évoqué dans un entretien à la PQR les mesures prévues pour  "reconquérir du temps médical".

Le Premier ministre Gabriel Attal a fait état samedi 6 avril d'une série de mesures face à la crise des soins de ville. La plupart étaient déjà plus ou moins connues et faisaient partie de sa déclaration de politique générale de fin janvier (voir notre article).

Dans un entretien accordé à la presse quotidienne régionale samedi, le chef du gouvernement a affiché sa volonté de récupérer 15 à 20 millions de créneaux médicaux annuels. Selon Matignon, il s'agit de "répondre au souci majeur des Français : la capacité de trouver un rendez-vous dans des délais acceptables" chez le médecin.

Mesure de fond et de long terme, le gouvernement va continuer de pousser les murs des facultés de médecine : le nombre de places en deuxième année passera de 10.800 en 2023 à 12.000 en 2025, puis 16.000 en 2027.  Mais le remplacement de l'ancien "numérus clausus" (places très limitées) par ce "numérus apertus" ne commencera à produire ses effets sur la densité médicale qu'à partir de 2035. Dans l'attente, la stratégie du gouvernement vise donc à "reconquérir du temps médical". 

Ainsi, les patients qui n'honorent pas leurs rendez-vous et annulent moins de 24 heures à l'avance vont devoir payer: la sanction ou "taxe lapin" qui sera de 5 euros qui iront directement dans la poche du médecin.  La somme pourra être retenue via l'empreinte bancaire par les plateformes de prise de rendez-vous ou par les soignants eux-mêmes. La pénalité reste à la main du médecin qui pourra décider de ne pas l'appliquer s'il juge les raisons du patient valables. Cette mesure nécessite une loi, qui sera rapidement examinée par le Parlement, en vue d'une entrée en vigueur en 2025.

L'exécutif veut aussi "simplifier les procédures". Il liste diverses mesures déjà annoncées qui doivent rapidement entrer en vigueur, comme la possibilité pour les pharmaciens de délivrer dès juin des antibiotiques pour les angines et cystites.

Il indique qu'il va "expérimenter" dans 13 départements "l'accès direct" aux masseurs-kinésithérapeutes, prévu par la loi Rist, mais aussi l'accès direct à des médecins spécialistes, sans que le patient n'ait besoin de passer par un généraliste, une idée qui hérisse déjà certains syndicats.

Autre "pilier" de l'accès aux soins : les gardes de soirs (de 18h à minuit) et weekends en cabinets de ville. Aujourd'hui, "5% des territoires ne sont pas couverts", souligne Matignon.

Pour que "chaque Français ait toujours un médecin de garde à moins de 30 minutes de chez lui", l'exécutif souhaite accorder une "aide financière" à tout médecin qui accepterait d'être temporairement "de garde" en dehors de sa zone.

Il veut aussi demander à d'autres soignants de participer, notamment les infirmiers, qui pourraient faire un "premier filtre", les sages-femmes, ou encore les dentistes. Mais le retour des "obligations de garde" n'est pas immédiatement au programme.

L'exécutif va enfin muscler son dispositif "Mon Soutien psy" : le montant de la consultation remboursée passera de 30 à 50 euros, avec désormais 12 consultations par an en accès direct.

Ces mesures ont été fraichement accueillies par les syndicats. Elles "arrivent à brûle-pourpoint, au moment même où on est en train de négocier avec l'Assurance maladie, justement pour améliorer l’accès aux soins", a déploré la présidente du premier syndicat de généralistes, MG France, Agnès Giannotti. Cela vient "déconstruire" notre travail, a-t-elle tancé, estimant que l'accès direct aux spécialistes, "ne réglera rien" puisque ces professionnels manquent partout.

Interrompues avec fracas l'année dernière et reprises à l'automne, les négociations conventionnelles, qui visent à revaloriser les médecins en contrepartie d'engagements sur l'accès aux soins, ont été à nouveau suspendues cette semaine, en raison d'une fronde des médecins spécialistes.

Certaines annonces "sont hallucinantes, on est très en colère", a aussi critiqué Franck Devulder, président du syndicat CSMF, "choqué" par l'idée "d'accès direct à des psychologues à 50 euros", alors que les autorités ne proposent que "30 euros" pour la consultation de base des généralistes. Il déplore diverses délégations de tâche à des professionnels "dont ce n'est pas le métier". "Au prétexte de simplification, on court-circuite tout, en écartant les médecins" et "au mépris de la qualité", a-t-il jugé. Il s'est toutefois réjoui "qu'enfin", un gouvernement propose aux praticiens de prélever une "taxe lapin".