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Numerus apertus : le nombre de places en médecine passera de 11.500 à 16.000 d'ici 2027

La gouvernement a annoncé l'augmentation des places en 2e année de médecine dès 2025.
La gouvernement a annoncé l'augmentation des places en 2e année de médecine dès 2025. © auremar/Adobe Stock
Par Pauline Bluteau, publié le 08 avril 2024
6 min

Le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé ce week-end, l'augmentation du nombre de places en deuxième année d'études de médecine. Près de 10.000 étudiants étaient formés chaque année, ils seront 12.000 à la rentrée 2025 puis 16.000 en 2027. Une mesure souhaitable face à la pénurie de médecins mais qui semble bien complexe à mettre en œuvre.

De 9.570 étudiants inscrits en deuxième année de médecine en 2019 à 16.000 à la rentrée 2027. C'est le cap qu'a donné Gabriel Attal à l'occasion d'une conférence de presse organisée avec la presse régionale (information relayée par Le Parisien et La Dépêche, NDLR) ce samedi 6 avril. Une augmentation de 70% en moins de dix ans pour pallier les déserts médicaux, c'est tout l'enjeu de cette nouvelle mesure.

Si la médecine reste très attractive auprès des étudiants de PASS et de L.AS (première année obligatoire avant d'intégrer les filières médicales), difficile de savoir si les nouvelles conditions de formation seront optimales avec de tels effectifs.

Le nombre d'étudiants en médecine en hausse constante depuis 2020

La volonté d'augmenter le nombre d'étudiants en médecine n'est pas nouvelle. En 2020, la réforme du premier cycle des études de santé avait justement pour objectif de sortir du numerus clausus fixant annuellement le nombre d'étudiants en médecine.

Désormais, on parle de numerus apertus : les universités, en lien avec les agences régionales de santé (ARS), fixent un nombre de places sur les cinq années à venir et peuvent moduler leurs capacités d'accueil selon les besoins sur leur territoire.

Or, depuis la mise en place de la réforme à la rentrée 2020, le nombre de places en médecine ne cesse d'augmenter… à la demande du gouvernement. En 2019, 9.571 étudiants étaient inscrits en deuxième année de médecine pour atteindre 11.341 à la rentrée 2022. Soit une augmentation de 18,5%.

"On avait bien en tête d'atteindre 12.000 étudiants en deuxième année, explique Benoit Veber, président de la Conférence des doyens de médecine. Les ARS nous faisaient passer le message. Mais 16.000… Je ne sais pas d'où sort ce chiffre."

Les autres filières médicales à la peine

À titre de comparaison avec les autres filières médicales, la médecine est celle qui comptabilise déjà le plus grand nombre de places. À la rentrée 2022, 5.500 étudiants sont entrés en deuxième année de maïeutique, odontologie ou pharmacie. Ainsi, en trois ans, le nombre d'inscrits en odontologie a augmenté de seulement 5% sachant que les futurs dentistes sont dix fois moins nombreux que les futurs médecins (1.435 étudiants en deuxième année en 2022).

Une mesure qui risque de détériorer la formation faute de nouveaux moyens

"Mais on est tous d'accord pour dire que nous manquons de médecins", assure Jérémy Darenne, président de l'ANEMF (association nationale des étudiants en médecine de France). Augmenter encore le nombre d'étudiants en médecine pour atteindre 12.000 places à la rentrée 2025 puis 16.000 à la rentrée 2027 est donc "souhaitable" même si cela "paraît impossible".

Rien qu'en 2021, le Conseil d'Etat avait exigé d'augmenter de 20% les places en première année d'études de santé (PASS et L.AS). Une décision qui avait été difficile à faire passer auprès des universités. "On nous demande d'ici 2027 de créer 120 places supplémentaires par faculté, je ne sais pas comment on va faire", appuie Benoit Veber.

Selon le doyen des doyens, bien que la mission des universités soit de former - "là-dessus, il n'y a pas de problème" -, cela doit passer par des moyens, humains et financiers, supplémentaires.

"Nos formations doivent rester de qualité or, il nous faut plus d'enseignants, de maîtres de conférences, de chefs de cliniques et tout cela ne se fait pas en deux minutes. On a déjà du mal à recruter dans certaines disciplines…", commente Benoit Veber. Sans compter les moyens "logistiques" et "architecturaux". "Les facultés n'ont pas les moyens de doubler le nombre d'étudiants", poursuit-il.

Difficile d'accueillir plus d'étudiants en stage à l'hôpital

Car 16.000 étudiants en deuxième année de médecine, ce sont autant d'étudiants qui vont aussi en stage. "Dans mon université, à Strasbourg (67), pour nos stages d'observation en deuxième et troisième années, on va déjà dans les chambres des patients par groupe de huit", explique Jérémy Darenne. Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux d'un point de vue pédagogique."

Mais les difficultés pourraient s'amplifier en externat où les étudiants passent la moitié de leur temps en stage et en internat où la pratique devient majoritaire. "On le voit déjà avec la mise en place de la quatrième année de médecine générale : il y a des difficultés pour les terrains de stages des internes. On imagine que pour 16.000 étudiants, ça risque d'être encore plus compliqué", souligne le représentant étudiant.

Augmentation du numerus apertus : un "effet d'annonce" ?

À l'ANEMF, l'annonce reste accueillie avec "beaucoup de méfiance et de vigilance". "C'est peut-être juste un effet d'annonce. La mesure risque d'être abandonnée, en tout cas, c'est ce que l'on espère, sauf si on nous présente un vrai plan", prévient Jérémy Darenne.

Selon le doyen, augmenter le nombre d'étudiants en deuxième année de médecine n'est pas suffisant face à l'enjeu des déserts médicaux. "On apporte une réponse pour dans 12 à 16 ans mais les problématiques perdurent. Là, on risque juste de dégrader la formation et ça, on ne veut pas", tonne-t-il.

"C'est peut-être le moment de remettre tout cela sur la table"

Selon Benoit Veber, d'autres réponses pourraient être apportées dès maintenant : libérer les médecins des tâches administratives, faire en sorte que les médecins exercent le métier pour lequel ils ont été formés et développer les activités pluri-professionnelles avec les infirmiers en pratique avancée.

"Il faut un choc d'attractivité, un choc de formation et c'est peut-être le moment de remettre tout cela sur la table", estime Benoit Veber.

Des inquiétudes et des propositions que pourront exprimer doyens et étudiants dans le cadre de discussions avec les cabinets du Premier ministre, de Catherine Vautrin (ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités) et de Frédéric Valletoux (ministre délégué à la Santé) dans les prochaines semaines. Car tous s'accordent à dire qu'il s'agit d'un énorme "challenge" à relever.

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