Quelles sont les meilleures écoles de design et d’architecture intérieure ? La rédaction du Figaro Étudiant a interrogé 12 professionnels du design et de l’architecture d’intérieur afin de connaître quelles sont leurs écoles préférées et de quelles écoles sortent les derniers recrutés. Ces avis nous ont permis avec d’autres critères plus académiques d’établir le classement 2024 des meilleures écoles de design et d’architecture d’intérieur. 

L’avis de 12 recruteurs en design et architecture d’intérieur en 2024

«Le design c’est aussi de savoir comment produire un objet»

Martin Verpilleux, senior product designer chez Millot Design

«Actuellement, dans les écoles, l'accent est mis sur le design d'édition, sur la création de prototypes ou encore sur l'UX (“expérience utilisateur” ndlr) des sites Internet. Autrement dit, les jeunes diplômés sont en général incapables de savoir comment on produit concrètement leur projet. Or le design, c'est aussi savoir comment produire un objet. Par exemple, nous travaillons avec Seb, et nous avons besoin de designers qui savent concevoir des pièces classiques, qui savent ce qu'est l'injection plastique, qui connaissent les différents types de matières à utiliser. Trop souvent, ils se contentent de proposer des prototypes en pâte à modeler, mais n'ont aucune connaissance sur les différents types de matières plastiques. Or, il se trouve par exemple que notre agence travaille avec la Chine pour produire les objets que nous concevons, et nous sommes donc dans le “produit pur”: pour nous, la compétence technique du designer est un préalable indispensable».

Ses écoles préférées : Strate, L’École de design Nantes Atlantique, Léonard de Vinci Villefontaine, La Martinière Diderot, École de Condé.
Ses derniers recrutements : École de design Nantes-Atlantique (2), ESD Villefontaine (2), Ensci-Les Ateliers (1).

«Les écoles font actuellement des progrès en intégrant une dimension professionnelle dans leur cursus»

Stéphane Étienne, directeur général de l'agence IOTA Design

«La plupart des écoles proposent soit une formation design-produit, soit une formation en architecture intérieure, soit les deux. Les designers-produit se focalisent avant tout sur l'utilisateur. À l'inverse, l'architecte d'intérieur, lui, se focalise plus volontiers sur l'environnement de l'utilisateur : acquérir ces deux compétences lors de sa formation peut être un atout. Les écoles font actuellement des progrès en intégrant une dimension professionnelle dans leur cursus. Par exemple, l'école de mode ModeSpé a créé une option Business dès sa première année. Et CY Design a compris qu'il faut une synergie entre les départements (produit, architecture intérieure, mobilité, etc). Travailler de façon transverse est plus productif que travailler en silo».

Ses écoles préférées : ISD Rubika, École de design Nantes-Atlantique, Ensci-Les ateliers, Strate, Creapole, CY École de Design
Ses derniers recrutements : Creapole (5).

«Le plus important reste la personnalité de l'élève»

Alnoor Mitha de Bharat, design thinker à l'agence Objets de Convoitises

« Beaucoup d'écoles de design proposent trop de spécialités : un peu de graphisme, un peu de produit, un peu de mode, un peu de mobilier…Elles sont un peu des “Foires à tout”. Du coup, l'enseignement est trop souvent superficiel. La conséquence, c'est que leurs élèves ne savent pas dessiner une typo, interlettrer un mot (gérer l'espace entre les lettres, ndlr) ou gérer les couleurs sur un doc Photoshop. Or les cabinets de design ont besoin de recruter des jeunes qui connaissent parfaitement telle ou telle spécialité. Par exemple, notre société travaille dans l'univers du luxe avec des marques comme Cartier ou Dior, et elle conçoit notamment des flacons et packagings de parfums : dans ce domaine, une extrême rigueur et le goût de la perfection sont indispensables. Au final, au-delà de l'école, le plus important reste la personnalité de l'élève ou du jeune designer». .

Ses écoles préférées : Strate, École de design Nantes-Atlantique, Creapole, Ensaama-Olivier de Serres, École Camondo, École des arts décoratifs Paris,
Ses derniers recrutements : Strate (5), Creapole (5), Ensaama-Olivier de Serres (1), École bleue (2).

«Il ne faut pas perdre de vue la dimension purement technique du métier de designer»

Nicolas Marquis, cofondateur de OVA Design

«Les formations se sont bien adaptées aux métiers du design numérique comme le design de service, les objets connectés, ou les applications, comme on a pu le voir avec des apps comme Doctolib. Mais aujourd'hui, j l'enseignement n'est pas suffisamment solide quant à la technique pure : les jeunes diplômés ont peu de compétences en matière de fabrication industrielle. Or la réindustrialisation est un sujet d'avenir, donc il ne faut pas perdre de vue la dimension purement technique du métier de designer. C'est d'ailleurs le cas à notre agence, puisque nous développons des produits industriels, comme les machines Auum, qui permettent de nettoyer des verres rapidement pour éliminer les gobelets en plastique des entreprises, et qui sont fabriquées en région parisienne».

Ses écoles préférées : Ensaama-Olivier de Serres, Ensci-Les Ateliers, École de design Nantes-Atlantique, École Boulle.
Ses derniers recrutements : École de design de Nantes-Atlantique (3), École Boulle (3), Ensaama-Olivier de Serres (2).

«J'apprécie de pouvoir recruter des profils internationaux»

Mikaela Kvan, cofondatrice de l'agence Kvan X Berthier

«Concernant la formation des designers, j'ai une préférence pour celles ou ceux qui savent passer d'une grande échelle à une plus petite échelle, et d'une vision “grand angle” à une vision plus précise. J'apprécie de pouvoir recruter des profils internationaux, mais en France, il est difficile de pouvoir faire appel à des stagiaires étrangers, pour des raisons de formalités administratives complexes. C'est d'autant plus regrettable que, très souvent, il se trouve que je finis par proposer un contrat de travail ou des missions à mes anciens stagiaires. Et qu'à l'international, il existe de très bonnes écoles, comme le Royal College of Art à Londres ou le Politecino de Milan».

Ses écoles préférées : Ensci-Les Ateliers, École des arts décoratifs Paris, École de design Nantes-Atlantique, École d'art et design de Saint-Étienne, École Boulle.
Ses derniers recrutements : Ensci-Les ateliers (4), École d’art et de design de Reims (1)

«Les jeunes designers maîtrisent très bien les outils numériques, mais un peu moins bien la conceptualisation d'un projet»

Anne-Claire Bottos, designer chez A.bsolument

«Beaucoup de jeunes designers maîtrisent très bien les outils numériques, mais un peu moins bien la conceptualisation d'un projet. Et découvrir une personne avec une façon de réfléchir singulière et qui sort des sentiers battus, cela arrive rarement. Fort logiquement, au fond, le marché semble privilégier non seulement la consommation de masse, mais aussi la production de masse».

Ses écoles préférées : Ensaama-Olivier de Serres, Ensci-Les ateliers, École Camondo, École des arts décoratifs Paris, École de design Nantes-Atlantique.
Ses derniers recrutements : Creapole (1), Ensaama-Olivier de Serres

«Je conseille aux jeunes qui voudraient devenir designers de ne pas attendre le bac pour se passionner pour le design»

Jean-Philippe Cordina, directeur de la création exécutif chez Saguez & Partners

«À mon avis, nous formons trop de designers, cela est sans doute dû au fait que la profession est non réglementée, contrairement à celle des architectes ou des médecins. Donc n'importe qui peut se dire “designer”, et n'importe quelle école peut s'improviser “école de design”. Aujourd'hui, l'enseignement du design est devenu un simple marché, caractérisé en outre par un côté trop scolaire, trop stéréotypé. Ceci dit, je conseille aux jeunes qui voudraient devenir designers de ne pas attendre le bac pour se passionner pour le design : il faut développer une vraie personnalité, se doter d'une culture générale, s'intéresser à la politique, à l'économie, aux langues vivantes, faire des voyages, aller à des expos, etc… Un parcours scolaire chaotique ou non linéaire est même plutôt un atout pour travailler plus tard dans le design».

Ses écoles préférées : Ensci-Les ateliers, Ecole Boulle, Ensaama-Olivier de Serres, Strate, Ecole de design Nantes-Atlantique, Penninghen, Camondo, Cread

Ses derniers recrutements : École Boulle (2) , Cread (8), École de design Nantes-Atlantique (2), École Camondo (2), École d’art de Dijon (2), École d’art de Saint Etienne (2), Esam (2).

«Certaines écoles sont des voies royales pour intégrer des entreprises où le design est une activité importante»

Lionel Suzet, directeur artistique “design produits” de l'agence Piopio

«Dans ce métier, au début, il vaut mieux se spécialiser dans un domaine bien précis, sa spécialité le rendra rare et fera qu'il sera demandé, voire très demandé», conseille Lionel Suzet, directeur artistique “design produits” de l'agence Piopio. Il ajoute : « Certaines écoles sont des voies royales pour intégrer des entreprises où le design est une activité importante : ainsi, Rubika à Valenciennes, est un véritable vivier pour Décathlon, le plus gros recruteur en France avec 300 designers employés, tandis que Strate est prisée par le secteur automobile». Ce designer apprécie aussi l'UTBM de Belfort-Montbelliard , «une école d'ingénieurs qui a l'intelligence d'intégrer le design à son cursus académique».

Ses écoles préférées : Rubika, Strate, Creapole, Ecole supérieure de design de Villefontaine, Ecole de design Nantes-Atlantique
Ses derniers recrutements : Rubika (3), ESD Villefontaine (3)

«En France, la plupart des écoles ont adopté une pédagogie qui prend en compte le contexte écologique et sociétal des projets»

Pierre Garner, cofondateur de l'agence Eliumstudio

«Globalement, les formations dispensées dans les écoles de design en France sont plutôt bonnes. Ceci s'explique par le fait que la plupart d'entre elles ont adopté une pédagogie qui prend en compte le contexte écologique et sociétal des projets. L'essor actuel de l'UX design (design de l'expérience utilisateur, ndlr), montre que le design, ce n'est pas seulement un travail sur des objets physiques consommateurs de matières premières. Sur ce thème, l'école Besign, dans le sud de la France est bien positionnée sur le sujet».

Ses écoles préférées : Ecole Camondo, Ensci-Les Ateliers, Strate, Rubika, CY École de Design, Besign, Ecole de design Nantes-Atlantique
Ses derniers recrutements : Strate (3), Ecole de design Nantes-Atlantique (2).

«La formation dans l'Hexagone est actuellement trop axée sur la partie artistique et les concepts»

Didier Lefort, fondateur de l'agence DL2A

«Je connais surtout les écoles parisiennes classiques, comme Penninghen, Olivier de Serres, Camondo ou encore les Arts déco. Globalement, la France se défend plutôt bien au niveau du design. Mais les Espagnols sont très bons, parce qu'ils excellent aussi bien sur le plan artistique que sur le plan technique – au point que je réponds souvent aux jeunes qui veulent faire du design : “allez en Espagne !” En revanche, j'ai fait partie du jury d'une école de design de Harvard, et franchement, là-bas, je trouve que le niveau est moins bon qu'en France. Ceci dit, je trouve que la formation dans l'Hexagone est actuellement trop axée sur la partie artistique et les concepts, et pas assez sur le côté technique. Certes, l'informatique permet aux élèves de créer de très belles images et des formes sympathiques, mais quand on leur demande comment fabriquer et construire les objets ainsi représentés, ils ne savent pas quoi répondre. Donc c'est simple : chez nous, les jeunes, nous les formons au design juste après leur recrutement…».

Ses écoles préférées : Penninghen, Ensaama-Olivier de Serres, Camondo, Ecole des arts déco de Paris, École Bleue
Ses derniers recrutements : Camondo (1), Ecole bleue (1), Ensaama-Olivier de Serres (1).

«Les formations publiques sont généralement très bonnes, mais elles offrent peu de places»

Alexandre Biju, directeur de création chez Idéact

« Mon impression, c'est que la qualité des écoles de design est franchement très variable, cela dépend beaucoup des cursus et aussi des promotions. On peut malgré tout observer que les formations publiques sont généralement très bonnes, mais là encore, tout dépend aussi de quelle branche du design il est question. Le revers de la médaille, c'est qu'elles offrent peu de places aux candidats».

Ses écoles préférées : Ensaama-Olivier de Serres, ESADMM à Marseille, Rubika design, Ensci-Les Ateliers, Ecole de design de Nantes-Atlantique, Strate.
Ses derniers recrutements : Ecole de design de Nantes-Atlantique (2).

«Les écoles de design françaises ont plutôt une bonne réputation à l'étranger»

Pierrick Pichaureaux, responsable du design produit de Outercraft

«Le design français a plutôt une bonne réputation à l'étranger, où notre style est perçu comme une synthèse intéressante du design suédois, plutôt sobre, et du style italien, plutôt flamboyant. Sur le plan pédagogique, le plus important, à mes yeux, c'est l'accompagnement que les écoles apportent à leurs élèves pour la création de leur portfolio. Une école qui propose des projets stimulants pousse ses élèves à se révéler. Les deux derniers atouts à cultiver pour une école sont le réseau des alumni, qui peut fédérer une belle communauté, comme celle de Rubika, et les partenariats de projet avec les entreprises, qui ancrent les élèves dans la réalité et leur permettent de proposer des projets qui ont un vrai fond. Mon seul regret : les écoles ne forment pas encore assez à l'aspect “connaissance des matériaux”. Or ce domaine est important, car il permet d'apprendre comment on va concrètement fabriquer l'objet».

Ses écoles préférées : Strate, Ecole de design de Nantes-Atlantique, Rubika, Ecal (Lausanne, Suisse); Ensaama-Olivier de Serres.

Ses derniers recrutements : Ecole de design des Landes (2),Ecole de design Nantes-Atlantique (2).