Relation client : l'intelligence artificielle rebat les cartes de l'analyse de données

Selon une étude Cision de mars 2024, 70 % des entreprises vont utiliser l'intelligence artificielle pour améliorer leur expérience client dans les années à venir. Les capacités de l'IA sont notamment très intéressantes lorsqu'il s'agit d'analyser des données : « Il y a des milliards de parcours d'achat et d'échanges avec nos clients qui n'ont pas été analysés pendant des années, remarque Eric Dadian, président de l'Association française de la relation client (AFRC). Ces informations, manipulées correctement, peuvent nous permettre de mieux anticiper les besoins de nos clients. »

Certains outils statistiques élémentaires, comme une régression linéaire, pouvaient déjà prédire des tendances de consommation, mais les outils d'IA vont plus loin dans ces prévisions : « L'IA va reconnaître et associer des variables que l'on n'aurait peut-être pas eu l'idée d'associer, poursuit Alain Goudey, docteur en sciences de gestion et directeur général adjoint chargé du numérique à Neoma Business School. En plus du gain de temps et en efficacité, ces prévisions deviennent plus accessibles : la puissance informatique est mise à disposition de tous, grâce à une surcouche avec laquelle on interagit en langage naturel. »

Résultat : aujourd'hui, il devient possible d'anticiper la production des produits qui seront le plus demandés et de mieux organiser les points de contact avec les clients. L'analyse de données par intelligence artificielle permet également de créer et d'interroger des personas de clients, en vue de la création d'un nouveau produit, par exemple.

Faciliter le travail des équipes commerciales

Aujourd'hui, si l'IA peut mimer le travail d'un conseiller clientèle, via des callbots ou des chatbots par exemple, elle ne le remplace pas. En effet, toujours selon le baromètre Cision, 80 % des décideurs de la relation client estiment que l'IA est plus efficace si elle est déployée en appui d'une intervention humaine. Ainsi, si elle ne menace pour l'instant pas la profession, l'analyse de données peut cependant épauler le téléconseiller. Par exemple, lors d'un appel client, ce dernier peut faire appel aux bases de données de son entreprise en langage dit « naturel », c'est-à-dire en posant une question à l'écrit.

On estime que ChatGPT a appris environ 50 millions de livres : la base de connaissance est déjà énorme, ce qui peut suffire pour certaines entreprises.

Alain Goudey, docteur en sciences de gestion et directeur général adjoint chargé du numérique à Neoma Business School

A l'instar de ChatGPT, une IA générative lui répond afin que lui-même puisse affiner ses réponses au client. Ce type d'assistance est particulièrement utile pour des entreprises ayant un grand nombre de produits, difficiles à retenir pour le conseiller, ou lorsque celui-ci vient d'être embauché à ce poste. Dans certains cas, le modèle peut même proposer au téléconseiller d'envoyer un message de confirmation au client ou lancer une livraison en un clic. « L'IA va devenir un outil de valorisation de nos métiers, fait valoir le président de l'AFRC. Le téléconseiller va pouvoir prendre plus de temps pour faire de la vente, être dans l'empathie, et assurer les tâches plus 'créatives', que la machine ne peut pas faire. »

Des défis pour l'avenir

Les intelligences artificielles se nourrissant de données pour apprendre, reste à savoir où trouver cette matière première. « On estime que ChatGPT a appris environ 50 millions de livres : la base de connaissances est déjà énorme, ce qui peut suffire pour certaines entreprises, remarque Alain Goudey. Cependant, si l'entreprise cherche un accompagnement précis et technique, les données utiles ne sont pas accessibles en ligne, et il faudra injecter ses propres données dans le modèle. »

Aujourd'hui, en ce qui concerne la relation client, les interactions - par téléphone, mail ou messagerie instantanée - sont la première source de données. Une fois captées, ces données appartiennent à l'entreprise. « Mais, attention, si vous prenez le pack d'entrée d'Open IA, à 20 euros par mois, le service est très transparent : les données envoyées seront utilisées pour entraîner les générations d'IA suivantes, reprend le docteur en sciences de gestion. Il faut donc faire attention à quel outil on choisit, car ces données sont très précieuses. »

En effet, si les applications de l'intelligence artificielle sont nombreuses, les modèles le sont tout autant, avec des niveaux de sécurisation de la donnée divers. Les entreprises ont donc l'embarras du choix, et doivent composer entre coûts, complexité technologique et sécurité. « Nous sommes à l'ère de la veille : les réglementations et les évolutions techniques bougent très vite », conclut Eric Dadian.