« Economie de guerre » ! L’expression avait disparu depuis le conflit de 1914-1918, quand la nation était mobilisée − y compris les femmes dans les usines − pour fournir les armées engagées dans un affrontement total avec l’Allemagne. Emmanuel Macron l’a remise au goût du jour en juin 2022, lors du salon de l’armement terrestre Eurosatory, près de quatre mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. « Une économie, disait le chef de l’Etat, dans laquelle il faudra aller plus vite, réfléchir différemment sur les rythmes, les montées en charge, les marges », pour fabriquer les équipements indispensables à la France et à ses alliés.
Deux ans après l’injonction présidentielle, on ne peut pas strictement parler d’« économie de guerre », qui se traduit par une mobilisation générale de l’appareil productif, des réquisitions de main-d’œuvre et une réallocation substantielle du budget national au profit des forces armées. A cette aune, seuls la Russie et l’Ukraine, depuis 2022, et Israël, après l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, sont entrés en économie de guerre, analyse Sylvain Bersinger, économiste en chef du cabinet Asterès, dans une note publiée fin mars.
La mobilisation n’en a pas moins franchi un cap, le 26 mars, dans le discours du moins. Le ministre des armées, Sébastien Lecornu, avait envisagé des « réquisitions » de salariés, de stocks et d’outils de production si les industriels n’allaient pas assez vite, les entreprises à activités civiles et militaires étant alors sommées de donner la priorité à leurs activités de défense. Si l’on n’en est pas à cet ultime recours, une partie de la base industrielle et technologique de défense (BITD) a accéléré sa production pour répondre à un bouleversement qui va bien au-delà de l’Ukraine.
Reconquérir une souveraineté perdue
« Nous sommes partis pour nous installer durablement dans un changement géopolitique, où les industries de défense vont avoir un rôle croissant. Il faut aller vite, fort, massifier », a souligné M. Macron, le 11 avril, en posant la première pierre d’une extension de l’usine Eurenco de Bergerac (Dordogne). Tout un symbole que la nouvelle ligne du groupe public, qui permet de relocaliser la production de poudres pour l’artillerie partie en Suède, en Allemagne et en Italie.
Le cas d’Eurenco, leader européen des poudres et explosifs − matières en situation de pénurie −, illustre, selon M. Macron, la capacité d’une entreprise à travailler en mode économie de guerre et à reconquérir une souveraineté perdue. Le site commencera à produire en 2025, moins de deux ans après l’annonce de la relocalisation.
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