Les techniques de veille comme boussoles face aux errances de l'information

La pluralité et la justesse de l'information délivrée aux opinions publiques par certaines chaînes de la TNT fait débat. Dans ce contexte, les méthodes de veille apportent des éclairages intéressants.

Il y a quelques semaines, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a lancé son appel à candidatures pour l’édition de services de télévision à vocation nationale par voie hertzienne. Il s’agit pour l’Arcom de reconduire ou non les autorisations actuellement accordées à 15 services parmi lesquels on retrouve le groupe Canal Plus, LCI, BMF TV ou encore Paris Première. Dans le même temps, une commission d’enquête parlementaire dédiée à l’attribution de ces canaux TNT auditionne des dirigeants et journalistes de l’audiovisuel. Le débat se précise actuellement : il porte notamment sur la rigueur de l’information délivrée par certaines de ces chaînes, ainsi que sur la pluralité des opinions qui y sont émises.

À l’image du veilleur, poser un regard critique sur la matière informationnelle

Cette mise à l’agenda de l’information comme bien commun a le mérite de sensibiliser l’opinion publique sur la dimension qualitative des « news » auxquelles elle est soumise. Elle permet de poser un regard critique sur ce qu’est une information véritablement vérifiée, sur la nécessaire diversité des points de vue exprimés, mais également sur le phénomène émergent des « fausses informations », communément appelées fake news. Le grand public est ici invité à se poser des questions sur la nature des informations qui lui sont proposées, et à jeter un regard critique à ces informations. En cela, chaque citoyen, chaque foyer se trouve actuellement dans la situation d’un veilleur. Il doit tout à la fois faire face à une information décuplée par les moyens de communication modernes (infobésité) et se poser cette question essentielle : qui croire ?

Dans ce débat, les techniques inhérentes à l’action de veille stratégique et économique peuvent avoir valeur d’éclairage. Ces techniques sont constituées d’un ensemble de procédures et de méthodes qui, articulées les unes aux autres, permettent de séparer le grain de l’ivraie informationnels. Elles démarrent par une prise de conscience liminaire : l’information est une matière qu’il convient d’interroger avant même de la consommer. Ne jamais tenir pour argent comptant ce qui est lu, entendu ou vu sur des canaux médiatiques (journaux, TV, médias sociaux…) est un prérequis. Être critique et méthodique s’impose : voici le premier réflexe à avoir.

Analyser la source de l’information

Le second réflexe à déployer concerne la source d’une information. Qui me parle, et avec quels intérêts ? Cette question, le veilleur se la pose au quotidien. La maîtrise de la source d’information est ainsi le premier axe sur lequel il travaille, pour ne pas dire la colonne vertébrale de son travail. Confronté à un article, à un podcast ou encore à une vidéo, ce professionnel ira se renseigner sur l’émetteur ou l’éditeur concerné, sur les enjeux que celui-ci défend, sur le sérieux de l’entreprise qui diffuse. Ainsi, une hiérarchie peut être réalisée. Elle permet par exemple d’établir une différence nette entre un blog tenu par un citoyen et un article de journal. Elle ne met pas a priori sur un même plan un tweet publié sur X et le podcast d’une émission du service public. Elle amène le veilleur à partir à la recherche des fake news en interrogeant les cellules d’investigation (journalistique notamment) qui travaillent sur le sujet. Elle se méfie de l’anonymat, des rumeurs, des informations non recoupées. Un tel travail permet, au bout d’un moment, de poser un regard critique sur certaines formulations. Il amène le veilleur à savoir par exemple que les informations les plus « grosses » (par exemple des millions de morts causés par la vaccination Covid) sont susceptibles de se diffuser au sein de certains réseaux sociaux à la modération aléatoire (X en est l’exemple parfait). Il fait la lumière sur des phénomènes de rumeur, mais également sur les intérêts que certaines sources peuvent défendre, dans un contexte donné.

De ces techniques, le grand public n’a pas encore l’habitude. Pour autant, les actuels débats initiés par l’appel à candidatures de l’Arcom et prolongés par les auditions de la commission d’enquête parlementaire sont là pour démontrer combien il serait utile au grand public qu’il s’inspire du quotidien des veilleurs stratégiques. C’est en réalité une éducation globale qu’il s’agit de penser, et qui bien sûr est du ressort des institutions éducatives : écoles, collèges, lycées, universités. Dans un contexte aussi changeant que celui qui est le nôtre actuellement, marqué à la fois par des conflits armés, une situation économique et environnementale en transition et des échéances électorales majeures, il en va de la stabilité de nos opinions publiques, et donc de notre société.