Mobilité et écologie : le grand dilemme des séjours d’études à l’étranger

Tiraillés entre l’envie de découvrir le monde et celle de réduire leurs émissions carbone, les étudiants sont perplexes. Finis, les voyages ? Les responsables de formation cherchent des solutions.

Depuis Brest, Antoine a décidé de rejoindre Istanbul à vélo. DR
Depuis Brest, Antoine a décidé de rejoindre Istanbul à vélo. DR

    Notre supplément spécial Transition écologique :

    À l’heure qu’il est, Antoine doit être en Italie, sur la côte adriatique. Bientôt, il entrera en Slovénie. «Bientôt», façon de parler, car Antoine Belmudes est à vélo, pour un périple entamé à Brest (Finistère) qui le conduira jusqu’à Istanbul en Turquie. «De toute ma vie, je n’avais quitté la France qu’à deux reprises, chaque fois lors d’un voyage scolaire. C’est peu», justifie-t-il.

    Cet étudiant de l’école des Mines de Nancy (Meurthe-et-Moselle) profite d’une année de césure dans son cursus d’ingénieur pour prendre le large, enfourchant son vélo chaque matin pour aller plus loin. «Prendre l’avion et polluer pour gagner du temps ne me dit rien du tout», assure-t-il. La notion du temps est d’ailleurs au cœur du slow travel (littéralement « voyage lent »), concept qui fait des émules, au sein de la jeunesse. « En voiture ou en train, vous voyez difficilement les paysages changer, avec toutes leurs nuances, illustre cet amoureux de la nature et fanatique d’escalade. Pire, vous ne faites pas de rencontres ! » Celles-ci constituent pourtant une partie essentielle de son voyage.

    S’il s’attendait à dormir chaque nuit dans sa tente, il l’a encore peu utilisée. « Un jour, j’ai rencontré un éleveur de chèvres qui m’a proposé de dormir chez lui. Le lendemain, j’ai frappé à la porte d’un couple de reporters de guerre. Des gens fabuleux », se souvient l’étudiant.

    Le slow travel reste bien sûr un cas à part. Au cours d’une année d’études, concilier expatriation et empreinte carbone est autrement plus complexe. « Les mobilités internationales génèrent 65 % de nos émissions carbone », précise Maria Castillo, directrice de l’impact social et environnemental de l’Iéseg School of Management, dont les campus sont à Lille (Nord) et Paris. La question ne peut donc pas être éludée.

    Haro sur le carbone

    L’Iéseg s’est fixé pour objectif de baisser de 30 % l’empreinte carbone liée aux déplacements internationaux d’ici 2030. Pour y parvenir, le monde a été divisé en 5. «Les zones 3, 4 et 5 sont les plus lointaines. C’est là que deux séjours sur trois s’effectuent aujourd’hui, représentant 93 % des émissions », pose Maria Castillo.

    Un axe majeur de progression est donc d’inciter les étudiants à privilégier les pays proches. Cela passe par de la sensibilisation aux enjeux écologiques, une meilleure information sur l’impact des différents modes de transport, mais aussi des règles plus strictes. L’école va ainsi réduire le nombre de places ouvertes pour les échanges les plus lointains. « Partir au Japon ou en Australie restera possible. Simplement, la sélection sera plus dure », annonce Maria Castillo.

    En parallèle, l’Iéseg a constitué un fonds baptisé #TakeTheTrain, doté de quelque 50000 euros et destiné à offrir jusqu’à 100 euros aux étudiants choisissant une mobilité douce pour se déplacer.

    Les étudiants sont pris dans un fâcheux dilemme, entre curiosité d’explorer le monde et volonté de ne pas polluer. « Personne ne peut douter de leur sensibilité à l’environnement. Mais ces jeunes ont tellement envie de découvrir l’Asie ou les États-Unis...», comprend Susan Loubet, directrice des relations internationales de l’ESIEA, école d’ingénieurs présente à Paris, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), Laval (Mayenne), Agen (Lot-et- Garonne) et Dax (Landes).

    Comprendre pour changer

    Les universités misent sur le réseau Erasmus (donc les pays européens), tant pour des questions pratiques – les universités du continent proposent les mêmes diplômes et reconnaissances – qu’historiques. Quant aux écoles, elles sont bien en peine de revenir sur une large exposition internationale, leur argument commercial phare depuis au moins 20 ans. Et un repli ne serait pas forcément souhaitable si l’on veut former des jeunes conscients de l’urgence climatique.



    Sébastien Tran, directeur général d’Audencia Nantes et Paris, est ainsi dubitatif : «Comprendre les enjeux environnementaux passe aussi par constater les dégâts sur d’autres continents, se confronter à la grande pauvreté, aux tensions sociales et géopolitiques, etc. Changer le monde sans le connaître a ses limites !», estime-t-il. Une mise en garde que ne conteste pas Susan Loubet. « Le développement durable, c’est aussi de l’humain, la connaissance d’autres modes de vie et problématiques que les nôtres », souligne-t-elle.

    Quand les apprentis d’ESIEA partent 9 semaines à Bangkok (Thaïlande), ils visitent des mangroves et rencontrent des associations. Aux États-Unis, ils se rendent dans des lycées de quartiers défavorisés pour donner envie aux élèves de suivre des études. «Dans ces cas, le bilan carbone est lourd, c’est évident. Mais l’expérience sème aussi des graines de transformation», pointe Susan Loubet. Le temps qu’elles germent, Antoine Belmudes sera déjà à Istanbul.

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