Insee Analyses Occitanie ·
Février 2025 · n° 159
Pour Toulouse et l’ex-région Midi-Pyrénées, l’importance de l’aérospatiale a triplé
en 40 ans
Au cours des quarante dernières années, la filière aérospatiale croît de 17 000 à 81 000 salariés dans l’ex-région Midi-Pyrénées et son poids dans l’emploi triple. L’essor de l’industrie aérospatiale compense le déclin de l’emploi des autres industries. La dynamique profite à l’ensemble des départements de l’ex-région Midi-Pyrénées, même si le pôle toulousain est celui qui se développe le plus. L’emploi dans la sous-traitance se développe plus vite que chez les constructeurs, qui n’emploient plus que la moitié des salariés de la filière en 2022. La spécialisation s’accroît dans l’industrie tandis que les établissements du tertiaire ont au contraire des activités plus diversifiées.
Depuis les années 1980, l’emploi aérospatial progresse de manière quasi ininterrompue malgré les crises économiques successives. Trois périodes caractérisent le développement de la filière : développement technique autour de grands projets dans les années 80 et 90, réorganisation dans les années 2000 puis production de masse depuis 2010.
- Toulouse, capitale de l’aéronautique et du spatial
- En 40 ans, la part de l’emploi aérospatial est multipliée par trois dans l’ex-région Midi-Pyrénées
- L’emploi industriel dans la filière aérospatiale compense le déclin des autres industries
- Les constructeurs n’emploient plus que la moitié des salariés de la filière
- L’industrie se spécialise, le tertiaire se diversifie
- La dynamique de l’aérospatiale bénéficie à l’ensemble des départements
- 1982-2000 : hausse quasi ininterrompue de l’emploi aérospatial
- 2000-2010 : le tournant organisationnel
- Depuis 2010 : le défi de la production de masse
Toulouse, capitale de l’aéronautique et du spatial
La filière aéronautique et spatiale française est très fortement centrée sur Toulouse et sur l’Occitanie : trois salariés de la filière aéronautique sur dix travaillent dans la région en 2020 et même quatre sur dix pour la filière spatiale [Morénillas, 2021 ; pour en savoir plus (2)]. La quasi-totalité (98 %) de ces emplois d’Occitanie sont localisés dans l’ex-région Midi-Pyrénées, périmètre des informations disponibles sur cette filière depuis 1982. L’histoire de l’aérospatiale dans la région remonte à la fin du 19ᵉ siècle, avec le décollage de l’Éole de Clément Ader. Elle prend son essor industriel avec les commandes militaires de la Première puis de la Seconde Guerre mondiale adressées aux usines Latécoère, Breguet et Dewoitine. Après-guerre, ces industries se tournent vers l’aviation civile puis vers le spatial. Depuis, tout un écosystème aéronautique et spatial s’est développé autour de Toulouse.
En 40 ans, la part de l’emploi aérospatial est multipliée par trois dans l’ex-région Midi-Pyrénées
Au cours des quarante dernières années, la filière aérospatiale croît plus rapidement que le reste de l’économie régionale. En 1982, elle emploie 17 000 salariés dans l’ex-région Midi-Pyrénées ; en 2022, 81 000. En 1982, 2 % des personnes en emploi travaillent dans la filière. En 2022, c’est le triple (figure 1).
tableauFigure 1a – L’emploi aérospatial dans l’ex-région Midi-Pyrénées
Département | Emploi aérospatial (en nombre) | Poids de l’aérospatiale dans l’emploi total (en %) |
---|---|---|
Ariège | 640 | 1,4 |
Aveyron | 560 | 0,5 |
Haute-Garonne | 13 690 | 4,2 |
Gers | 40 | 0,1 |
Lot | 1 030 | 1,8 |
Hautes-Pyrénées | 1 130 | 1,3 |
Tarn | 40 | 0 |
Tarn-et-Garonne | 120 | 0,2 |
- Note : La part de l’emploi salarié dédié à l’aérospatiale dans le département est mesurée par rapport à l’emploi total (salarié et non salarié) du département.
- Lecture : En 1982, dans le département de la Haute-Garonne, la filière aérospatiale emploie 13 690 salariés et représente 4,2 % de l’emploi total dans le département.
- Champ : Établissements de la filière aéronautique et spatiale dans les départements de l’ex-région Midi-Pyrénées.
- Sources : Insee, enquêtes sur la filière aéronautique et spatiale dans le Sud-Ouest, recensement de la population 1982.
graphiqueFigure 1a – L’emploi aérospatial dans l’ex-région Midi-Pyrénées

- Note : La part de l’emploi salarié dédié à l’aérospatiale dans le département est mesurée par rapport à l’emploi total (salarié et non salarié) du département.
- Lecture : En 1982, dans le département de la Haute-Garonne, la filière aérospatiale emploie 13 690 salariés et représente 4,2 % de l’emploi total dans le département.
- Champ : Établissements de la filière aéronautique et spatiale dans les départements de l’ex-région Midi-Pyrénées.
- Sources : Insee, enquêtes sur la filière aéronautique et spatiale dans le Sud-Ouest, recensement de la population 1982.
L’emploi industriel dans la filière aérospatiale compense le déclin des autres industries
Entre 1982 et 2022, l’ex-région Midi-Pyrénées gagne 39 000 emplois industriels dédiés à l’aérospatiale tandis qu’elle en perd 42 000 dans les autres branches industrielles. Plus de la moitié de ces pertes proviennent des industries du textile, de l’habillement et du cuir. L’emploi recule également fortement dans les industries extractives ainsi que dans celles du bois, du papier et de l’imprimerie. La place de l’aérospatiale dans l’industrie passe ainsi d’un salarié sur dix en 1982 à trois sur dix en 2022 (figure 2). La filière se développe également dans les services aux entreprises, surtout dans l’ingénierie et l’informatique, passant de 2 000 emplois en 1982 à 27 000 en 2022. Sa dynamique est nettement plus forte que dans le reste des services aux entreprises de la région.
Les constructeurs n’emploient plus que la moitié des salariés de la filière
En 40 ans, l’activité aérospatiale s’est fortement développée et la sous-traitance a progressé de manière continue, aussi bien dans l’industrie que dans l’ingénierie et l’informatique. L’emploi s’accroît chez les constructeurs et, de manière encore plus prononcée, dans le reste de la filière. Les salariés qui travaillent chez un constructeur aéronautique ou spatial ne représentent plus que cinq salariés de la filière sur dix en 2022. C’était sept sur dix en 1982. La filière s’est également fortement tertiarisée. En 1982, elle était essentiellement industrielle : 88 % des effectifs étaient concentrés dans des établissements industriels. Depuis, l’économie s’est massivement informatisée et les constructeurs comme les équipementiers industriels ont externalisé un volume croissant de services liés à la production. En 2022, un tiers des 81 000 salariés de la filière travaillent dans des établissements tertiaires, essentiellement dans l’ingénierie et dans l’informatique [figure complémentaire 1; pour en savoir plus (1)].
L’industrie se spécialise, le tertiaire se diversifie
Les établissements industriels de la filière aérospatiale se sont fortement spécialisés. La part des salariés de ces établissements dédiée spécifiquement à l’aérospatiale passe de 76 % en 1982 à 92 % en 2022. Ces industriels restent présents sur quelques autres marchés, comme celui de la défense. Du côté des établissements ayant une activité tertiaire, en revanche la filière est passée d’un petit nombre se consacrant quasi exclusivement à l’aérospatiale à des établissements de taille plus importante relevant de grandes entreprises nationales et internationales, dotées d’importants portefeuilles dans divers secteurs de l’économie (par exemple Capgemini, Sopra). La part des salariés des établissements du tertiaire dédiée à la filière aérospatiale passe ainsi de 96 % en 1982 à 58 % en 2022.
La dynamique de l’aérospatiale bénéficie à l’ensemble des départements
Tous les départements de l’ex-région Midi-Pyrénées bénéficient de la hausse soutenue de l’emploi aérospatial. Cette progression renforce en particulier les pôles historiques existants en Haute-Garonne (Toulouse), dans les Hautes-Pyrénées (Tarbes), dans le Lot (Figeac) et en Ariège (Pamiers).
La Haute-Garonne constitue le centre de gravité historique de la filière et son importance n’a cessé de croître. En 2022, le département concentre les quatre cinquièmes de l’emploi aéronautique et la quasi-totalité de l’emploi spatial de l’ex-région Midi-Pyrénées. C’est également le département où la croissance de la filière est la plus prononcée. En 1982, l’emploi aérospatial représente 4,2 % de l’emploi salarié du département ; en 2022, 9,6 %. En 40 ans, l’aérospatiale est devenue dominante dans l’industrie haut-garonnaise : la filière concentre 52 % de l’emploi industriel en 2022 tandis qu’elle n’en représentait que 18 % en 1982 (figure 2). De plus, l’essentiel des établissements tertiaires de la filière se concentre au plus près des constructeurs, en périphérie de Toulouse. Cette forte dynamique de l’écosystème toulousain s’est élargie aux départements limitrophes.
tableauFigure 2 – Poids de l’emploi industriel de la filière aérospatiale dans l’emploi industriel total en ex-région Midi-Pyrénées en 1982 et en 2022
Département | 1982 | 2022 |
---|---|---|
Ensemble ex-région Midi-Pyrénées | 8,6 | 32,6 |
Haute-Garonne | 17,8 | 52,2 |
Lot | 11,1 | 24,3 |
Ariège | 5,4 | 24,3 |
Hautes-Pyrénées | 6,4 | 20,1 |
Gers | 0,5 | 11,5 |
Tarn-et-Garonne | 1,1 | 7,0 |
Aveyron | 2,9 | 6,8 |
Tarn | 0,1 | 1,9 |
- Lecture : En Haute-Garonne, la part de l’emploi industriel dédié à l’aérospatiale dans l’emploi industriel total passe de 17,8 % en 1982 à 52,2 % en 2022.
- Champ : Établissements industriels de la filière aéronautique et spatiale dans les départements de l’ex-région Midi-Pyrénées.
- Sources : Insee, enquêtes sur la filière aéronautique et spatiale dans le Sud-Ouest, recensement de la population 1982, estimations annuelles d’emploi 2022.
graphiqueFigure 2 – Poids de l’emploi industriel de la filière aérospatiale dans l’emploi industriel total en ex-région Midi-Pyrénées en 1982 et en 2022

- Lecture : En Haute-Garonne, la part de l’emploi industriel dédié à l’aérospatiale dans l’emploi industriel total passe de 17,8 % en 1982 à 52,2 % en 2022.
- Champ : Établissements industriels de la filière aéronautique et spatiale dans les départements de l’ex-région Midi-Pyrénées.
- Sources : Insee, enquêtes sur la filière aéronautique et spatiale dans le Sud-Ouest, recensement de la population 1982, estimations annuelles d’emploi 2022.
La filière est implantée dans les Hautes-Pyrénées. En 1982, c’est le deuxième département de l’ex-région Midi-Pyrénées le plus tourné vers l’aéronautique. Une compétence aéronautique existe en effet de longue date à Tarbes dans l’usine de la Socata (Société de Constructions d’Avions de Tourisme et d’Affaires). En 2022, la filière aérospatiale emploie 2 300 salariés dans le département, soit deux fois plus qu’en 1982. Cette croissance est notamment due à l’essor de Daher qui poursuit la fabrication d’avions de Socata et produit des éléments d’aérostructure pour Airbus et Dassault. Elle est toutefois moins marquée que dans les autres départements.
Le Lot constitue également une terre historique pour l’aéronautique avec la présence de l’entreprise Ratier-Figeac qui produit depuis les années 1960 des hélices et des commandes de vol. Au cours des quarante dernières années, la croissance de la filière est plus forte dans le Lot que dans les Hautes-Pyrénées (figure 1). Le Lot est maintenant le deuxième département de l’ex-région Midi-Pyrénées pour l’emploi aérospatial avec 2 700 salariés en 2022. Il est également l’un des rares départements qui ne perd pas d’emploi industriel entre 1982 et 2022, grâce à l’industrie aéronautique, avec la présence de Ratier-Figeac et l’arrivée de nouvelles entreprises comme Figeac Aéro, spécialisée dans l’usinage de pièces d’aluminium pour l’aéronautique.
Dans les autres départements, l’emploi aéronautique croît également, notamment en Ariège sous l’impulsion du métallurgiste Aubert & Duval et de Recareo, leader dans la fabrication de pièces de rechange pour avions.
1982-2000 : hausse quasi ininterrompue de l’emploi aérospatial
Les années 1980 constituent un moment décisif pour l’aérospatiale en France avec le lancement en 1984 de deux programmes majeurs : l’A320 pour l’aéronautique et Ariane V pour le spatial. Pour Toulouse et l’ex-Midi-Pyrénées, ces années marquent un renforcement du poids économique de l’aéronautique et du spatial. L’usine Clément Ader destinée à l’assemblage des premiers gros porteurs européens A330 et A340 est inaugurée en 1990 à Colomiers. Cette dynamique est temporairement stoppée en 1991 par la crise économique, période où le marché aérien mondial entre en récession. Dans le spatial, le début des années 1990 marque également une crise qui se matérialise par l’abandon du projet de navette spatiale Hermès. Pour Toulouse et les départements alentours, le poids de la crise est essentiellement porté par la chaîne d’approvisionnement industrielle. Si le nombre d’établissements se maintient, en revanche l’emploi dédié à la filière recule de 10 % entre 1991 et 1994 (figure 3). Par la suite, la filière aéronautique retrouve une forte croissance. Elle bénéficie de la montée en cadence d’Airbus grâce au succès grandissant de l’A320 et à l’essor des long-courriers A340 et A330 qui sont tous assemblés à Toulouse. Dans le spatial, Ariane V effectue son premier vol en 1996 et les commandes de satellites s’enchaînent, ce dont bénéficient les établissements toulousains d’Astrium (actuel Airbus Defence & Space) et d’Alcatel Space Industries (actuel Thales Alenia Space).
tableauFigure 3 – Effectif salarié dédié à l’aéronautique et au spatial de 1982 à 2022 dans l’ex-région Midi-Pyrénées, selon le secteur d’activité
Année | Ensemble | Constructeurs | Chaîne d’approvisionnement industrielle | Tertiaire |
---|---|---|---|---|
1982 | 17 250 | 12 100 | 3 110 | 2 040 |
1983 | 16 100 | 11 780 | 2 260 | 2 060 |
1984 | 16 750 | 12 740 | 1 940 | 2 070 |
1985 | 17 900 | 12 980 | 2 330 | 2 590 |
1986 | 20 200 | 14 140 | 2 920 | 3 140 |
1987 | 19 110 | 13 920 | 2 340 | 2 850 |
1988 | 20 620 | 14 500 | 2 840 | 3 280 |
1989 | 22 050 | 15 160 | 3 440 | 3 450 |
1990 | 23 980 | 15 480 | 4 260 | 4 240 |
1991 | 25 610 | 16 590 | 4 340 | 4 680 |
1992 | 23 260 | 15 840 | 3 160 | 4 260 |
1993 | 23 820 | 16 260 | 3 100 | 4 460 |
1994 | 22 980 | 15 830 | 3 300 | 3 850 |
1995 | 24 600 | 16 400 | 3 640 | 4 560 |
1996 | 26 330 | 16 240 | 4 570 | 5 520 |
1997 | 26 870 | 16 570 | 5 090 | 5 210 |
1998 | 29 240 | 17 300 | 5 860 | 6 080 |
1999 | 30 330 | 17 350 | 6 010 | 6 970 |
2000 | 33 070 | 19 710 | 5 950 | 7 410 |
2001 | 38 720 | 22 020 | 7 480 | 9 220 |
2002 | 41 710 | 23 590 | 7 640 | 10 480 |
2003 | 43 390 | 24 770 | 7 830 | 10 790 |
2004 | 45 750 | 24 990 | 8 390 | 12 370 |
2005 | 46 760 | 25 870 | 8 700 | 12 190 |
2006 | 49 560 | 26 840 | 8 930 | 13 790 |
2007 | 53 000 | 27 590 | 10 120 | 15 290 |
2008 | 56 320 | 28 030 | 12 110 | 16 180 |
2009 | 58 200 | 27 820 | 11 780 | 18 600 |
2010 | 62 330 | 28 460 | 12 950 | 20 920 |
2011 | 63 930 | 30 280 | 12 390 | 21 260 |
2012 | 66 810 | 32 290 | 12 620 | 21 900 |
2013 | 67 970 | 34 240 | 12 750 | 20 980 |
2014 | 69 320 | 34 710 | 13 210 | 21 400 |
2015 | 70 780 | 35 080 | 12 710 | 22 990 |
2016 | 71 920 | 35 950 | 12 980 | 22 990 |
2017 | 73 720 | 37 040 | 13 030 | 23 650 |
2018 | 77 000 | 39 310 | 14 080 | 23 610 |
2019 | 80 450 | 40 650 | 15 320 | 24 480 |
2020 | 75 340 | 39 680 | 13 680 | 21 980 |
2021 | 77 190 | 38 900 | 13 250 | 25 040 |
2022 | 81 080 | 40 060 | 14 470 | 26 550 |
- Note : Les zones en couleur parme correspondent aux principales crises.
- Lecture : Au 31 décembre 2022, les constructeurs aéronautiques et spatiaux emploient 40 000 salariés dédiés à la filière aérospatiale dans l’ex-région Midi-Pyrénées.
- Champ : Établissements de la filière aéronautique et spatiale dans les départements de l’ex-région Midi-Pyrénées.
- Sources : Insee, enquêtes sur la filière aéronautique et spatiale dans le Sud-Ouest.
graphiqueFigure 3 – Effectif salarié dédié à l’aéronautique et au spatial de 1982 à 2022 dans l’ex-région Midi-Pyrénées, selon le secteur d’activité

- Note : Les zones en couleur parme correspondent aux principales crises.
- Lecture : Au 31 décembre 2022, les constructeurs aéronautiques et spatiaux emploient 40 000 salariés dédiés à la filière aérospatiale dans l’ex-région Midi-Pyrénées.
- Champ : Établissements de la filière aéronautique et spatiale dans les départements de l’ex-région Midi-Pyrénées.
- Sources : Insee, enquêtes sur la filière aéronautique et spatiale dans le Sud-Ouest.
2000-2010 : le tournant organisationnel
La décennie 2000 est marquée par des restructurations et la montée en puissance de la sous-traitance. Airbus et Boeing passent de constructeurs à architectes-intégrateurs. Ils demandent désormais à leurs sous-traitants de leur fournir un service clef en main de développement et la conception de systèmes complets. Cette réorganisation provoque une accélération de la sous-traitance, en particulier dans l’ingénierie et dans l’informatique. Dans l’ex-région Midi-Pyrénées, les effectifs augmentent ainsi fortement dans cette branche de la filière aérospatiale (figure 3). Ce tournant organisationnel provoque également une forte restructuration des acteurs de l’ingénierie et de l’informatique, obligés d’atteindre une taille critique pour garantir une offre complète. Par ailleurs, ils doivent réduire leurs coûts salariaux en réponse à la guerre des prix que se livrent les avionneurs. L’ingénierie et l’informatique tendent ainsi à se concentrer dans des établissements adossés à de grands groupes.
Du côté industriel, la zone d’emploi de Toulouse bénéficie du développement d’Airbus. En 2004, l’avionneur inaugure à Blagnac l’une des plus grandes usines d’Europe : le site d’assemblage de l’A380 qui emploie alors plus de 3 000 salariés.
Pour l’ensemble de la filière aérospatiale, l’emploi augmente fortement dans les années 2000. La crise du secteur aérien suite aux attentats de septembre 2001 n’entame pas la progression de la filière dans la région même si elle en freine transitoirement la croissance. À partir de 2008, la récession consécutive à la crise des « subprimes » engendre le même effet de freinage. Mais cette fois-ci, l’emploi recule temporairement dans l’industrie aérospatiale (-1,3 % en 2009), essentiellement chez les sous-traitants de la chaîne d’approvisionnement industrielle. Cette crise n’affecte en rien la forte progression des effectifs dans les activités tertiaires.
Depuis 2010 : le défi de la production de masse
À partir des années 2010, la demande mondiale se fait grandissante pour les avions et elle explose pour les satellites. La filière aérospatiale entre dans une nouvelle ère, celle du défi de la production de masse. Pendant cette décennie, Toulouse renforce encore sa position au sein de l’aéronautique mondiale, symbolisée par le transfert du siège mondial d’Airbus à Blagnac en 2016. Entre 2010 et 2019, l’emploi aérospatial augmente de 30 % dans l’ex-région Midi-Pyrénées et atteint 80 000 salariés. Les avionneurs Airbus et Boeing cherchent à augmenter leur rentabilité, stimulés par la demande croissante en appareils et par la concurrence qu’ils se livrent. Cette période coïncide avec l’achèvement du développement de leurs grands programmes, en particulier l’A380 et l’A350 pour Airbus. L’augmentation des effectifs reste dynamique chez les constructeurs (+4 % par an de 2010 à 2019 dans l’ex-Midi-Pyrénées), essentiellement chez Airbus mais aussi chez les motoristes comme Safran. La nécessité d’augmenter la capacité des chaînes d’assemblage implique de mobiliser plus de personnel dédié à la production. Cette augmentation s’accompagne d’une concentration de l’innovation non plus vers le développement complet de nouveaux appareils mais vers l’amélioration technologique de leurs équipements et notamment de leur moteur (programmes A320neo d’Airbus, 737Max de Boeing). Pour les sous-traitants de l’ingénierie, la fin des grands projets entraîne une décélération de la croissance des effectifs dédiés à la filière (figure 3). Dans la chaîne d’approvisionnement industrielle, les équipementiers subissent des pressions à la baisse sur les prix, l’augmentation des cadences et le « juste à temps » pour les livraisons. La croissance des effectifs s’infléchit, du fait notamment de la délocalisation (hors de la région ou à l’étranger) d’une partie de l’activité [Cambon, 2018 ; pour en savoir plus (3)].
En 2020, la crise Covid contracte l’activité d’un tiers et la région perd 5 000 emplois sous l’effet du choc de la demande, des contraintes sanitaires et des difficultés d’approvisionnement [Cambon, 2021 ; pour en savoir plus (4)]. Mais dès mi-2021, les commandes adressées aux avionneurs atteignent de nouveaux records. Le principal objectif reste donc plus que jamais l’augmentation des cadences de production. La filière aéronautique recrute de nouveau massivement. Dans le spatial, la forte concurrence de nouveaux opérateurs comme SpaceX place désormais la filière sous tension, mais la dynamique reste soutenue dans l’ingénierie [Bilan économique, 2024 ; pour en savoir plus (5)]. Fin 2022, l’ensemble de la filière aéronautique et spatiale emploie 81 000 salariés et dépasse ainsi son niveau d’avant-Covid.
Sources
Les données sur la filière aérospatiale sont issues des enquêtes sur la filière aéronautique et spatiale dans le Sud-Ouest réalisées par l’Insee entre 1983 et 2023. Elles sont dénommées successivement « enquête auprès des établissements fournisseurs et sous-traitants de la construction aéronautique et spatiale en Midi-Pyrénées », « enquête auprès des établissements sous-traitants, fournisseurs et prestataires de services du secteur aéronautique-espace en Midi-Pyrénées », « enquête sur la filière aéronautique et spatiale dans le Grand Sud-Ouest (FAS GSO) ». Entre 1983 et 2016, le champ géographique de ces enquêtes est celui de l’ex-région Midi-Pyrénées. À partir de l’enquête de 2017, le champ géographique s’étend à la région Occitanie. Sur l’ensemble de la période 1982-2022, l’étude est donc restreinte aux départements de l’ex-région Midi-Pyrénées, qui concentrent la quasi-totalité des emplois salariés de la filière d’Occitanie. L’enquête de 2021 a été réalisée au niveau national, ce qui permet d’évaluer le poids de la région dans la filière aérospatiale française en 2020. Des traitements ont été réalisés pour assurer la cohérence des informations sur longue période. Les données de référence pour une année restent celles publiées pour l’enquête de cette année.
L’emploi total par département est issu du recensement de la population pour l’année 1982 et des estimations annuelles d’emploi pour l’année 2022. Il comprend l’emploi salarié et non salarié.
Définitions
La région dans cette étude rétrospective depuis 1982 est l’ex-région Midi-Pyrénées, c’est-à-dire les départements de l’Ariège, de l’Aveyron, de la Haute-Garonne, du Gers, du Lot, des Hautes-Pyrénées, du Tarn et du Tarn-et-Garonne.
La filière aéronautique et spatiale, ou filière aérospatiale, regroupe les entreprises dont l’activité concourt in fine à la construction d’aéronefs, d’astronefs ou de leurs moteurs. Les aéronefs (resp. les astronefs) et leurs moteurs sont les produits finaux de la filière aéronautique (resp. de la filière spatiale). La filière recouvre les activités d’étude, de conception, de fabrication, de commercialisation ou de certification de pièces, de sous-ensembles, d’équipements, de systèmes embarqués, d’outils et de logiciels spécifiques à la construction aéronautique et spatiale. Elle comprend également les activités de maintenance « lourde » des aéronefs qui impliquent leur mise hors service sur longue période.
Les établissements de la filière aéronautique et spatiale sont les établissements qui déclarent au moins 1 % de leur activité dans la filière au cours de l’année considérée. La distinction entre la filière aéronautique et la filière spatiale n’est disponible qu’à partir de l’enquête de 1993 qui porte sur l’année 1992.
L’effectif salarié dédié à l’activité aéronautique et spatiale est estimé en appliquant à l’effectif salarié total au 31 décembre de chaque établissement la part de l’activité aéronautique et spatiale réalisée dans l’activité totale au cours de l’année considérée. Il ne comprend pas les effectifs intérimaires.
Les constructeurs sont les établissements de la filière ayant comme activité principale la « construction aéronautique et spatiale » (code NAF 30.30Z). La chaîne d’approvisionnement industrielle comprend ceux ayant une activité principale industrielle différente du 30.30Z. Les établissements du tertiaire sont ceux ayant une activité principale de services. La sous-traitance regroupe les établissements de la chaîne d’approvisionnement industrielle et du tertiaire.
Pour en savoir plus
(1) Retrouvez davantage de données associées à cette publication en téléchargement.
(2) Morénillas N., « La filière aéronautique et spatiale en France en 2020 », Insee Première no 1882, décembre 2021.
(3) Cambon G., « Aéronautique et spatial dans le Grand Sud-Ouest », Insee Analyse Occitanie no 60, juin 2018.
(4) Cambon G. et al., « La filière aérospatiale du Grand Sud-Ouest : une dynamique stoppée par la crise sanitaire », Insee Analyse Occitanie no 112, décembre 2021.
(5) Bilan économique 2023 – Occitanie, Insee conjoncture Occitanie no 42, juin 2024.