47 % des associés qui ont
changé de cabinet sont des femmes, selon un nouveau baromètre PwC. Le nombre d’entre
elles ayant acquis ce statut en rejoignant une autre structure a même dépassé
celui de leurs homologues masculins. En-dehors de la question du genre, près de
la moitié des promotions externes se sont faites vers un cabinet de création
récente. Les cabinets de niche attirent, eux aussi, toujours plus.
Il dénombre « plusieurs records
historiques ». Le cabinet de conseil et d'audit PwC vient de publier
l'édition 2024 du Baromètre des mouvements d'associés dans les cabinets
d'avocats d'affaires en France, qui met en lumière des tendances particulièrement
éclairantes.
L’an dernier, 406 mouvements
d’associés de cabinets d’avocats ont été observés sur le marché français. Un
chiffre qui demeure dans la fourchette haute, malgré une diminution de 5 % par
rapport à celui de 2023, tout en haut du tableau.
Au total, 188 cabinets ont
accueilli au moins un associé en 2024. C’est la deuxième fois que les cabinets montrent
un tel dynamisme en la matière depuis la mise en place du baromètre - en 2006 -,
après avoir dépassé la barre symbolique des 200 l’année précédente. La palme revient à un cabinet, dont le nom n’a
pas été précisé, qui a recruté… 27 nouveaux associés.
Cette importante volumétrie
générale s’inscrit dans une réflexion stratégique : « La refonte du modèle
opérationnel des cabinets », souligne Jérôme Rusak, associé pwC Legal
Business Solutions, qui pilote le Baromètre.
47 % des
associés qui ont changé de cabinet sont des femmes
Mais c’est en matière de répartition
genrée que « le résultat de cette nouvelle édition est sans appel »,
note PwC. En 2024, la part de femmes parmi les avocats ayant changé de cabinet
d’affaires a en effet atteint 47 %. Soit quelques points de plus qu’en 2023, qui était déjà l’année
comportant la répartition hommes/femmes la plus équilibrée. A titre de comparaison, en
2006, les femmes ne représentaient que 22 % des mouvements, et 35 % en 2016.
« Ce record s’inscrit
dans la hausse constante du poids des femmes dans les mouvements d’associés »,
observe le baromètre, qui précise : « Si cette tendance se
poursuit, la parité pourrait être atteinte en 2028. » Le nombre de collaboratrices
devenues associées en changeant de cabinet a même surpassé celui de leurs
homologues masculins pour la première fois.
En termes de spécialités, ce
sont surtout le droit social, les fusions-acquisitions (M&A) et la
propriété intellectuelle et industrielle (IP/IT) qui sont concernés. Fait
marquant toutefois, « outre les [domaines] historiquement très féminisés
comme le social, 2024 marque une féminisation accrue de l’ensemble des
expertises ».
Au-delà, la part des femmes
est plus importante que celle des hommes dans huit nouvelles expertises : construction,
droit des contrats, droit des sociétés, énergie, environnement, immobilier,
IP/IT et nouvelles technologies de l’information et de la communication/médias.
PwC analyse que « l’augmentation
du nombre de femmes concernées par les mouvements d’associés s’inscrit dans une
évolution sociétale qui tend vers plus d’égalité entre les femmes et les
hommes. Cela se traduit dans un certain nombre de cabinets d’avocats d’affaires par des politiques volontaristes de diversité et d’inclusion, comme des
objectifs chiffrés ».
Le rapport
de l’avocat Kami Haeri en 2017 soulignait que « 83 % des 1 000 avocates
ayant répondu spontanément à une enquête réalisée en 2013 par la Commission
voient la maternité comme un frein à leur carrière », rappelle PwC. « On peut
penser que certains cabinets, notamment les Bigs, ont pu faire évoluer leurs
critères d’association, prenant en compte notamment l’enjeu de la maternité »,
estime le cabinet.
Toutefois, Jérôme Rusak nuance :
« On a vu très récemment plusieurs très grands cabinets de conseil et
d’avocats annoncer aux Etats-Unis arrêter ou ralentir leurs engagements et
programmes pour l’inclusion et la diversité. Il sera intéressant de voir comment
les cabinets en France vont se positionner sur le sujet. »
L’écart entre les mobilités
horizontales et verticales se réduit
Autre donnée intéressante renseignée
par le baromètre, l’an dernier, 39 % des mouvements ont concerné des
collaborateurs qui quittaient un cabinet pour devenir associé dans un autre.
Il s'agit d'une progression de 6 points par rapport à 2023, bien qu’inférieure au
record de 2022 (45 %).
PwC observe aussi que l’écart
entre les mobilités horizontales et verticales se réduit ces cinq dernières
années. « En d’autres termes, le marché français crée de plus en plus
d’associés à travers les mouvements. Le changement de cabinet apparait de plus
en plus comme un sésame pour devenir associé ».
Par
ailleurs, en 2024, 48 % des promotions externes se sont faites vers un cabinet
créé entre 2021 et 2024, une tendance déjà observée. « L’attractivité
forte des nouvelles structures peut être mise en parallèle avec la baisse des
promotions externes vers les cabinets historiques, créés avant 2006 »,
remarque le baromètre.
Plus que cela, seules un
quart des promotions verticales étaient à destination de ces cabinets, « un
plus bas historique », selon PwC, qui l’explique d’abord en indiquant
que « le ralentissement de la croissance des effectifs des associés et
de la promotion dans les cabinets historiques conduisent les collaborateurs à s’associer
et fonder un cabinet ». A côté, « les nouveaux cabinets
présentent des attributs attractifs pour les collaborateurs : agilité,
culture d’entreprise dynamique... »
Avec les enjeux liés aux
nouvelles réglementations, les cabinets de niche se démarquent
Dernière observation-phare de
ce baromètre, en 2024, le poids des cabinets de niche dans les mouvements s’est
établi à 23 %, soit la « fourchette haute historique ». Près
de la moitié des mouvements vers les cabinets de niche se sont concentrés sur trois
spécialités : le droit social, le droit pénal ou le contentieux. Ce qui renforce
« l’analyse de 2023 d’une structuration apparente du marché avec des
cabinets d’ultra-expertise pour répondre à la demande des entreprises »,
estime-t-il.
L’une des explications à
l’hyperspécialisation des cabinets à travers le recrutement d’associés experts réside
dans l’émergence de l’IA Générative, explique Jérôme Rusak. « Avec [elle],
les clients pourraient potentiellement réinternaliser 30 % des sujets autrefois
confiés aux conseils externes (…) Sur le top 100 des
cabinets d’avocats d’affaires en France, cela représenterait 1,4 milliard d’euros potentiellement ! En conséquence, plus que jamais, ce que les
clients viendront chercher dans les cabinets, ce sera l’ultra expertise et la
séniorité. »
En outre, les mouvements
d’associés par expertise reflètent particulièrement bien l’évolution des
besoins des directions juridiques, fiscales, compliance, etc. des entreprises.
Par exemple, le besoin d’avocats
d’affaires spécialisés en droit social a été « dopé par un contexte
économique ralentissant ». « Les entreprises cherchent
à optimiser leurs coûts et à adapter leur structure organisationnelle pour
survivre et rester compétitives tout en devant gérer un dialogue social qui
peut se tendre. Cela entraîne une augmentation des besoins en conseils
juridiques spécialisés pour gérer les licenciements, les négociations
collectives, et les réorganisations internes », commente PwC.
Côté pénal, la demande est « cohérent[e]
avec l’accent mis sur la lutte contre la corruption et la fraude fiscale ».
« La notion de diligence raisonnable transforme l’engagement de la
responsabilité pénale des entreprises qui sont maintenant tenues de la charge
de la preuve pour prévenir les risques pénaux. Les cabinets spécialisés accompagnent
donc les entreprises dans la gestion des litiges, la prévention des risques,
mais aussi dans le conseil pour l’établissement de procédures internes de
contrôle des risques. »
D’autres enjeux d’ordre
législatif motivent les besoins juridiques des entreprises dans des domaines
spécialisés, comme la responsabilité sociétale des entreprises, laquelle fait l’objet
d’obligations accrues. De son côté, l’entrée en vigueur de l’IA Act en 2024, qui
expose les entreprises à des sanctions financières, « a entrainé la
poursuite du renforcement des cabinets sur l’expertise IP/IT ».
Enfin, PwC constate que le droit international a enregistré « son plus grand nombre de mouvements dans l'histoire du baromètre ». En cause, la complexification
des échanges internationaux et des transactions transfrontalières, qui a augmenté
« la demande d'experts juridiques capables de naviguer dans les lois et
les réglementations complexes des pays pour accompagner des entreprises et des
particuliers ».
Bérengère
Margaritelli