DROIT

Cabinets d’avocats d’affaires : 2024, année « record » pour la part de femmes dans les mouvements d'associés

Cabinets d’avocats d’affaires : 2024, année « record » pour la part de femmes dans les mouvements d'associés
Publié le 27/03/2025 à 14:46

47 % des associés qui ont changé de cabinet sont des femmes, selon un nouveau baromètre PwC. Le nombre d’entre elles ayant acquis ce statut en rejoignant une autre structure a même dépassé celui de leurs homologues masculins. En-dehors de la question du genre, près de la moitié des promotions externes se sont faites vers un cabinet de création récente. Les cabinets de niche attirent, eux aussi, toujours plus.

Il dénombre « plusieurs records historiques ». Le cabinet de conseil et d'audit PwC vient de publier l'édition 2024 du Baromètre des mouvements d'associés dans les cabinets d'avocats d'affaires en France, qui met en lumière des tendances particulièrement éclairantes.

L’an dernier, 406 mouvements d’associés de cabinets d’avocats ont été observés sur le marché français. Un chiffre qui demeure dans la fourchette haute, malgré une diminution de 5 % par rapport à celui de 2023, tout en haut du tableau.

Au total, 188 cabinets ont accueilli au moins un associé en 2024. C’est la deuxième fois que les cabinets montrent un tel dynamisme en la matière depuis la mise en place du baromètre - en 2006 -, après avoir dépassé la barre symbolique des 200 l’année précédente. La palme revient à un cabinet, dont le nom n’a pas été précisé, qui a recruté… 27 nouveaux associés.

Cette importante volumétrie générale s’inscrit dans une réflexion stratégique : « La refonte du modèle opérationnel des cabinets », souligne Jérôme Rusak, associé pwC Legal Business Solutions, qui pilote le Baromètre.

47 % des associés qui ont changé de cabinet sont des femmes

Mais c’est en matière de répartition genrée que « le résultat de cette nouvelle édition est sans appel », note PwC. En 2024, la part de femmes parmi les avocats ayant changé de cabinet d’affaires a en effet atteint 47 %. Soit quelques points de plus qu’en 2023, qui était déjà l’année comportant la répartition hommes/femmes la plus équilibrée. A titre de comparaison, en 2006, les femmes ne représentaient que 22 % des mouvements, et 35 % en 2016.

« Ce record s’inscrit dans la hausse constante du poids des femmes dans les mouvements d’associés », observe le baromètre, qui précise : « Si cette tendance se poursuit, la parité pourrait être atteinte en 2028. » Le nombre de collaboratrices devenues associées en changeant de cabinet a même surpassé celui de leurs homologues masculins pour la première fois.

En termes de spécialités, ce sont surtout le droit social, les fusions-acquisitions (M&A) et la propriété intellectuelle et industrielle (IP/IT) qui sont concernés. Fait marquant toutefois, « outre les [domaines] historiquement très féminisés comme le social, 2024 marque une féminisation accrue de l’ensemble des expertises ».

Au-delà, la part des femmes est plus importante que celle des hommes dans huit nouvelles expertises : construction, droit des contrats, droit des sociétés, énergie, environnement, immobilier, IP/IT et nouvelles technologies de l’information et de la communication/médias.

PwC analyse que « l’augmentation du nombre de femmes concernées par les mouvements d’associés s’inscrit dans une évolution sociétale qui tend vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes. Cela se traduit dans un certain nombre de cabinets d’avocats d’affaires par des politiques volontaristes de diversité et d’inclusion, comme des objectifs chiffrés ».

Le rapport de l’avocat Kami Haeri en 2017 soulignait que « 83 % des 1 000 avocates ayant répondu spontanément à une enquête réalisée en 2013 par la Commission voient la maternité comme un frein à leur carrière », rappelle PwC. « On peut penser que certains cabinets, notamment les Bigs, ont pu faire évoluer leurs critères d’association, prenant en compte notamment l’enjeu de la maternité », estime le cabinet.

Toutefois, Jérôme Rusak nuance : « On a vu très récemment plusieurs très grands cabinets de conseil et d’avocats annoncer aux Etats-Unis arrêter ou ralentir leurs engagements et programmes pour l’inclusion et la diversité. Il sera intéressant de voir comment les cabinets en France vont se positionner sur le sujet. »

L’écart entre les mobilités horizontales et verticales se réduit

Autre donnée intéressante renseignée par le baromètre, l’an dernier, 39 % des mouvements ont concerné des collaborateurs qui quittaient un cabinet pour devenir associé dans un autre. Il s'agit d'une progression de 6 points par rapport à 2023, bien qu’inférieure au record de 2022 (45 %).

PwC observe aussi que l’écart entre les mobilités horizontales et verticales se réduit ces cinq dernières années. « En d’autres termes, le marché français crée de plus en plus d’associés à travers les mouvements. Le changement de cabinet apparait de plus en plus comme un sésame pour devenir associé ».

Par ailleurs, en 2024, 48 % des promotions externes se sont faites vers un cabinet créé entre 2021 et 2024, une tendance déjà observée. « L’attractivité forte des nouvelles structures peut être mise en parallèle avec la baisse des promotions externes vers les cabinets historiques, créés avant 2006 », remarque le baromètre.

Plus que cela, seules un quart des promotions verticales étaient à destination de ces cabinets, « un plus bas historique », selon PwC, qui l’explique d’abord en indiquant que « le ralentissement de la croissance des effectifs des associés et de la promotion dans les cabinets historiques conduisent les collaborateurs à s’associer et fonder un cabinet ». A côté, « les nouveaux cabinets présentent des attributs attractifs pour les collaborateurs : agilité, culture d’entreprise dynamique... »

Avec les enjeux liés aux nouvelles réglementations, les cabinets de niche se démarquent

Dernière observation-phare de ce baromètre, en 2024, le poids des cabinets de niche dans les mouvements s’est établi à 23 %, soit la « fourchette haute historique ». Près de la moitié des mouvements vers les cabinets de niche se sont concentrés sur trois spécialités : le droit social, le droit pénal ou le contentieux. Ce qui renforce « l’analyse de 2023 d’une structuration apparente du marché avec des cabinets d’ultra-expertise pour répondre à la demande des entreprises », estime-t-il.

L’une des explications à l’hyperspécialisation des cabinets à travers le recrutement d’associés experts réside dans l’émergence de l’IA Générative, explique Jérôme Rusak. « Avec [elle], les clients pourraient potentiellement réinternaliser 30 % des sujets autrefois confiés aux conseils externes (…) Sur le top 100 des cabinets d’avocats d’affaires en France, cela représenterait 1,4 milliard d’euros potentiellement ! En conséquence, plus que jamais, ce que les clients viendront chercher dans les cabinets, ce sera l’ultra expertise et la séniorité. »

En outre, les mouvements d’associés par expertise reflètent particulièrement bien l’évolution des besoins des directions juridiques, fiscales, compliance, etc. des entreprises.

Par exemple, le besoin d’avocats d’affaires spécialisés en droit social a été « dopé par un contexte économique ralentissant ». « Les entreprises cherchent à optimiser leurs coûts et à adapter leur structure organisationnelle pour survivre et rester compétitives tout en devant gérer un dialogue social qui peut se tendre. Cela entraîne une augmentation des besoins en conseils juridiques spécialisés pour gérer les licenciements, les négociations collectives, et les réorganisations internes », commente PwC.

Côté pénal, la demande est « cohérent[e] avec l’accent mis sur la lutte contre la corruption et la fraude fiscale ». « La notion de diligence raisonnable transforme l’engagement de la responsabilité pénale des entreprises qui sont maintenant tenues de la charge de la preuve pour prévenir les risques pénaux. Les cabinets spécialisés accompagnent donc les entreprises dans la gestion des litiges, la prévention des risques, mais aussi dans le conseil pour l’établissement de procédures internes de contrôle des risques. »

D’autres enjeux d’ordre législatif motivent les besoins juridiques des entreprises dans des domaines spécialisés, comme la responsabilité sociétale des entreprises, laquelle fait l’objet d’obligations accrues. De son côté, l’entrée en vigueur de l’IA Act en 2024, qui expose les entreprises à des sanctions financières, « a entrainé la poursuite du renforcement des cabinets sur l’expertise IP/IT ».

Enfin, PwC constate que le droit international a enregistré « son plus grand nombre de mouvements dans l'histoire du baromètre ». En cause, la complexification des échanges internationaux et des transactions transfrontalières, qui a augmenté « la demande d'experts juridiques capables de naviguer dans les lois et les réglementations complexes des pays pour accompagner des entreprises et des particuliers ».

Bérengère Margaritelli

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